Présidentielles françaises: Le Grand Flou

Le 7 mai prochain, les français éliront un nouveau(elle) président(e) pour succéder à François Hollande. A quelques semaines du premier tour, jamais une élection présidentielle française n’aura été aussi indécise au cours de la cinquième république, et le suspense reste entier.
Tour d’horizon des principaux protagonistes.


Fillon, l’homme à abattre

Les politologues le voyaient déjà à l’Elysée. Vainqueur inattendu des primaires de la droite en novembre de l’année dernière, François Fillon s’était finalement imposé comme le meilleur atout des Républicains : capable de réunir la droite et le centre, assuré de damer le pion à Marine Le Pen au second tour grâce au barrage républicain et bien plus crédible aux yeux des français qu’une gauche déchirée par les guerres fratricides et chargée du bilan plus que décevant du quinquennat Hollande. Un Fillon attentif. Sincère. Intègre. La droite jubilait, mai 2017 sonnerait enfin l’heure du retour aux affaires, après cinq années passées dans l’opposition. Jusqu’au 25 janvier dernier. Un article du Canard enchaîné sonne le glas pour le candidat des Républicains : suspicions d’emplois fictifs pour sa femme Pénélope et ses enfants, qui auraient touché plusieurs centaines de milliers d’euros en tant qu’assistants parlementaires. Dans un pays où l’argent est un sujet tabou, Fillon se fait rosser publiquement. Le procédé est assurément légal, mais le montant, aux yeux d’une majorité de français, dépasse largement l’acceptable. Certains crient à la démission, d’autres dénoncent l’acharnement médiatique dont serait victime le candidat de la droite.

Un mois après les révélations du Canard enchaîné, la tempête semble passée pour François Fillon, mais les sondages peinent à remonter pour l’ancien premier ministre, qui fait désormais jeu égal avec Emmanuel Macron dans les intentions de vote. Le candidat des Républicains est reparti en campagne et tente désormais d’élargir son électorat, tout en consolidant son « incompressible », constitué d’électeurs de droite fidèles au parti créé par Nicolas Sarkozy. Son programme est connu depuis les primaires : baisse des charges sociales et de l’imposition des ménages, suppression de l’ISF (Impôt sur la Fortune, ndlr), réforme (à haut risque !) de la Sécurité Sociale, fin des 35 heures, augmentation de la dépense publique dans la sécurité, la défense et la justice, suppression de 500’000 postes de fonctionnaires… Un programme résolument à droite mais peut-être nécessaire à la relance de l’emploi dans un pays trop attaché à un modèle social à bout de souffle, qui ne cesse de décrocher sur le plan compétitif à l’international.

Macron, la fougue de la jeunesse

Le fondateur du mouvement En Marche ! est en passe de devenir une figure majeure du paysage politique français. A seulement 39 ans, Emmanuel Macron, ancien banquier d’affaires et ministre de l’Economie sous le gouvernement Valls, talonne François Fillon dans les sondages et pourrait créer la surprise en mai, en se qualifiant pour le second tour. En cas de duel avec Marine Le Pen, le candidat social-libéral pourrait largement s’imposer et devenir le plus jeune président de la cinquième république.

Trop jeune pour régner ? Depuis l’annonce de sa candidature le 16 novembre dernier, Macron surfe sur la bonne vague, enchainant les déplacements dans l’Hexagone, remplissant les salles et profitant au passage du Penelope Gate pour arracher des voix à François Fillon. Les derniers jours ont été plus compliqués pour l’ancien ministre, après ses propos polémiques tenus en Algérie, qui ont déclenché une vague d’incidents autour de ses meetings dans le sud de la France. Le climat n’est donc actuellement pas au beau fixe pour le fondateur d’En Marche !, qui perd plusieurs points dans les sondages et dont la campagne s’essouffle lentement.

S’il dispose d’une excellente côte de popularité, ses détracteurs dénoncent surtout l’ambiguïté et le flou qui entoure son programme. Un programme qu’il n’a toujours pas dévoilé, ce qui commence à agacer les sympathisants prêts à lui faire confiance. Macron devrait exposer ses propositions dans les prochains jours, notamment son programme budgétaire : une excellente manière de relancer sa campagne après ce passage à vide.

La surprise de la semaine revient cependant à François Bayrou, qui a décidé de ne pas se présenter aux élections présidentielles à titre personnel et d’apporter son soutien au leader d’En Marche !. Une alliance qui pourrait s’avérer hautement bénéfique pour Macron et lui assurer de précieuses voix.


L’énigme Bayrou :

Le président du MoDem ne se présentera pas une quatrième fois aux élections présidentielles. Jeudi, au cours d’une conférence de presse, François Bayrou a décidé de soutenir Emmanuel Macron. Un choix étonnant sur le papier, mais finalement pas surprenant lorsque l’on regarde les orientations politiques du maire de Pau depuis dix ans.

En 2007, Bayrou annonce qu’il ne votera pas pour Nicolas Sarkozy au second tour mais n’apporte pas un soutien franc à Ségolène Royal. En 2012, il essuie un revers cuisant, crédité de seulement 9% des voix, avant de se ranger aux côtés de François Hollande pour le second tour, à la surprise générale. Puis il soutient Alain Juppé lors des primaires de la droite en novembre dernier… avant d’annoncer son alliance jeudi, avec Emmanuel Macron, qu’il avait qualifié de « candidat des forces de l’argent » il y a six mois ! Bayrou est-il de droite ? De gauche ? Ou bien une girouette au centre ? J’avoue être un peu confus…


Hamon, sauveur de la gauche ?

Le vainqueur des primaires de la gauche sera le candidat socialiste en mai prochain. Défenseur d’un programme ultra-social, Benoit Hamon ne semble pas avoir encore toutes les clés en main, loin de faire l’unanimité dans son propre camp et tiraillé quant à l’orientation de son programme. Le candidat de la gauche sait qu’il ne réunit pour l’instant pas assez d’électeurs pour espérer passer au second tour. A sa droite, l’opération de séduction semble compromise, et sera d’autant plus ardue après l’alliance Bayrou-Macron. A sa gauche, Jean-Luc Mélenchon a écarté, par média interposé, toute hypothèse de rapprochement, le candidat de la France Insoumise étant crédité en effet d’un score relativement proche à celui de Hamon dans les derniers sondages. Le socialiste a néanmoins recueilli le soutien de l’écologiste Yannick Jadot après plusieurs semaines de discussion.

En écartant Valls de la primaire citoyenne, les sympathisants du PS ont choisi un candidat ancré à la gauche de la gauche : réduction du temps de travail, taxation des robots, augmentation des effectifs dans l’éducation et la santé, 49-3 citoyen… Benoit Hamon a sans doute remporté les primaires de la gauche grâce à une mesure phare : le revenu universel d’existence. Un « cadeau », versé à l’ensemble de la population, pour un coût total estimé à plus de 350 milliards d’euros, soit quasiment le montant des dépenses budgétaires nettes de la France en 2016. Utopique dites-vous ?

2017, l’année Le Pen ?

Donnée large gagnante au premier tour, le vote Le Pen soulève une énième fois le débat du barrage républicain. Depuis la déroute de la gauche aux élections présidentielles de 2002 et la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour, l’ensemble de l’électorat de gauche et de droite empêche désormais à chaque élection le Front National d’accéder au pouvoir.

Pourtant, la candidate d’extrême droite réunirait, selon les derniers sondages, près d’un électeur sur quatre au premier tour, alors qu’elle avait recueilli seulement 18% des voix en 2012. Fervente opposante de l’Europe, Marine Le Pen défend un programme isolationniste, reposant sur la surveillance et le contrôle systématique des frontières, la sortie de l’Union Européenne, de l’espace Schengen et de la zone euro (qu’elle n’évoque qu’à demi-mot), permettant selon la candidate frontiste, la création d’une monnaie qui devrait « rendre le pouvoir d’achat » aux français. La leader du FN a d’ores et déjà énoncé l’ensemble des propositions qu’elle compte appliquer si elle accède à l’Elysée, sans toutefois pleinement convaincre sur le financement de ces mesures, notamment la sortie de l’euro qui aurait un coût économique colossal selon les experts.

Après François Fillon, Marine Le Pen devra également se justifier dans le cadre d’une enquête sur des emplois présumés fictifs. Deux proches de la candidate frontiste à l’Europe auraient touché des salaires en tant qu’assistants parlementaires, sans toutefois effectuer de travail en lien avec le Parlement européen. Après une perquisition menée dans les bureaux du FN, le garde du corps et l’assistante personnelle de Marine Le Pen ont été placés en garde à vue mercredi matin. Cette affaire intervient au plus mauvais moment pour la favorite du premier tour et pourrait venir ternir une campagne jusqu’ici minutieusement orchestrée.

Mélenchon, l’éternel défenseur social

Nul ne saurait nier les talents d’orateur de Jean-Luc Mélenchon. Depuis trente ans, il parcourt le territoire, avec la même envie, harangue les foules, montre du doigt et dénonce le pouvoir en place, défend la veuve et l’orphelin. Pourtant, cette fois-ci, le disque semble rayé. Comme trop passé. Son programme ultra-gauche ressemble étrangement à celui de 2012 : redistribution de la richesse via la taxation des hauts revenus, augmentation du SMIC, diminution du temps de travail, euro-scepticisme… Comme Marine Le Pen, le candidat communiste fait la sourde oreille quand il s’agit d’apporter des éclaircissements sur le financement de ses mesures.

Mélenchon ne bénéfice néanmoins plus du même traitement médiatique qu’auparavant. Une aubaine pour Benoit Hamon ? Peut-être pas. Le candidat d’extrême gauche est actuellement à égalité dans les sondages avec le candidat socialiste, mais devra sans doute prendre garde à ne pas laisser Hamon siphonner son électorat.

Nos pronostics

A quelques semaines du premier tour, et au vu des sondages et tendances actuels, plusieurs scénarii sont envisageables.

Noter que les graphiques ci-dessous ne prennent en compte que les candidats qui devraient réunir un nombre conséquent de voix. Les autres candidats qui réussiront à réunir 500 signatures d’élus (condition nécessaire à la participation aux élections présidentielles) d’ici fin mars sont comptabilisés dans la catégorie Autres.

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Thibaud Rullier