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Vers une Économie sans pauvreté ?

“Une économie sans pauvreté” c’est la vision que nous propose Muhammad Yunus, prix Nobel de la Paix, et fondateur de la Grameen Bank(« banque des villages »). A travers cet article, je vous propose d’explorer un des concepts de son nouveau livre « Vers une économie à 3 zéros : zéro pauvreté, zéro chômage, zéro empreinte carbone ».

Lumière sur la « Grameen Bank »

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La Grameen Bank est la pionnière des banques alternatives. C’est la première qui offrit des minuscules crédits à ces clients: les microcrédits. Comme mentionné plus haut, elle fut imaginée par Muhammad Yunus en 1976.

Comment est-elle née ?

L’histoire de la Grameen Bank commence après la famine de 1974. M.Yunus travaille alors à l’époque proche d’un village nommé Jobra. Un constat le frappe rapidement: d’innombrables villageois se retrouvent enchaînés à leurs prêteurs après avoir contracté un emprunt. Les conditions de prêt « maintenaient les pauvres dans une dépendance proche de l’esclavage ». Il décida alors d’aider les villageois en se servant de ses propres fonds, puis fonda une nouvelle institution en 1976 : la Grameen Bank.

Les banques traditionnelles avaient failli aux habitants de Jobra, la Grameen Bank se devait donc d’être différente. En premier lieu, elle s’adresse à un autre type de clientèle. Laquelle? Celle issue des milieux défavorisés du Bangladesh et en particulier, les femmes. Ces dernières étaient alors les plus défavorisées de tous : contracter un prêt pour une femme était presque impensable.

Plus généralement, les banques de microcrédits s’adressent à des clients qui seraient généralement considérés comme non-solvables par les banques traditionnelles, et qui n’ont donc souvent pas d’actif à disposition.

Les banques offrant des microcrédits se distinguent également et évidemment par leur façon d’opérer* :

Les crédits accordés sont petits, comme l’indique la dénomination de « microcrédit » : en général, pas plus de quelques milliers de francs. En théorie, ceux-ci sont destinés à des activités productrices de revenus, à des logements, aux études et non à la consommation.

Qu’en est-il des taux d’intérêts ? Ceux de la Grameen Bank tournaient, à leur début autour des 20% ; ces taux diffèrent selon les institutions mais sont en général bien plus élevés que les taux des institutions « classiques ». Les taux peuvent grimper à plus de 70%. En moyenne, ils tournent autour des 30-35%. Pourquoi les taux d’intérêts sont ils aussi exorbitants, alors que les instituts de microfinance s’adressent justement aux individus exclus du système financier classique ?  Car ils doivent eux aussi couvrir leur coûts. En général, les institutions de microfinance prétendent avoir des coûts d’opération bien plus large que la normale. En effet, il est plus complexe de gérer 1’000 prêts de 100 francs plutôt qu’un seul prêt à 100’000 francs. Pourtant, certains coûts fixes peuvent être drastiquement réduits.

Comment ces banques opèrent-elles ? Ces banques se basent sur ce que l’on appelle un principe de confiance. Qu’est-ce que ça signifie concrètement ? Les emprunteurs contractent un prêt sans preuve de solvabilité, sans collatéral. Cependant, garantie, il y’a, mais de façon différente. Les emprunteurs forment des groupes d’une dizaine de personnes et doivent se porter garant l’un pour l’autre. Si l’un fait défaut, c’est le groupe entier qui le repêche, à défaut d’être exclus du système financier alternatif (“joint liability”).

Cette façon de procéder permettrait de réduire le risque moral (“moral hazard”) en incitant les individus à payer leurs dettes, à choisir consciencieusement les membres de leur propre groupe et donc de réduire la sélection adverse (“adverse selection”) tout en s’assurant que chacun surveille les actions des membres de son groupe (“monitoring”). In fine, cette méthode semble assurer des taux de défaut plutôt bas.

Chaque membre du groupe emprunte le même montant financier et le rembourse à intervalles régulier, par exemple une fois par semaine. Ainsi, les processus sont hautement standardisés, ce qui permet de réduire les coûts de la banque.

Quel est l’objectif de ces banques alternatives ?

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Comme mentionné plus haut, l’auteur déplore que de nombreux agents se trouvent exclus du système financier,  se retrouvant ainsi bloqués dans la misère, la pauvreté.

L’objectif de la Grameen Bank (et en général celles d’institutions offrant des microcrédits) est de donner accès au système financier à ceux qui en sont exclus. Les plus pauvres et défavorisés ? Les plus défavorisés vivent souvent en zone rurale, et n’auront donc pas accès à ce genre de service. Ils peuvent également être “exclus” d’un groupe se créant sur le principe de la responsabilité partagée, car considéré trop risqué, etc. Ainsi, l’éradication de la pauvreté via les instituts de microfinance semble utopique, et il n’est pas étonnant qu’ils aient déçu l’opinion publique suite à l’avenir divin qui leur avait été prédit.

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L’accès au crédit permet, selon Yunus, d’actionner un levier: “ (…)Les personnes pauvres (…) sont des « individus bonsaïs » dont on a empêché la croissance. La semence dont ils sont issus n’avait aucun défaut. Mais le système ne leur offre pas les mêmes opportunités qu’aux non-pauvres. En conséquence, ils ne peuvent utiliser leur créativité et leur esprit d’entreprise pour se développer comme les autres ”.

Pour Yunus, l’obtention d’un crédit c’est l’accès aux ressources, aux nutriments qui permettent aux individus de créer, de développer. Il clame que chaque individu peut être, non un demandeur d’emploi, mais bien un créateur d’emploi, ce que l’avènement des microcrédits permettrait donc de soutenir. Selon lui, ils réduiraient donc le chômage via la création de business, d’emplois. Parmi-eux, les social business.

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2 hypothèses sur la nature humaine

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L’auteur déplore que dans le système économique actuel, l’homme soit considéré comme un égoïste. Il agit seulement dans son propre intérêt, pour son profit. Non seulement considère-t-il que c’est faux, mais il estime également que le marché est mis en place pour favoriser les actions de ceux qui sont véritablement égoïstes. Pour Yunus, l’humain est également profondément altruiste et touché par le bonheur de ces semblables. Cela signifie qu’il travaille volontiers au sein d’entreprises dont le but est social.

Deuxièmement, l’auteur clame que chaque être humain a un potentiel créatif. Au fond de chacun d’entre nous sommeille donc un entrepreneur potentiel. Il suffit simplement d’avoir des ressources et des opportunités suffisantes pour pouvoir révéler cet « art » au monde. Dans ce contexte, Yunus déplore donc que de nombreux jeunes oublient une alternative logique (à la demande d’emploi) qui s’offre à eux: « Les jeunes ne sont jamais informés qu’ils sont tous nés avec ce choix, qu’ils conserveront tout au long de leur existence : celui d’être soit des demandeurs d’emploi, soit des créateurs d’emplois ».

Le social-business…

…permet de s’attaquer au problème du chômage tout en se concentrant sur des problèmes sociaux et environnementaux.

Les 7 principes de l’entreprise sociale sont les suivants[3] :

  1. Le but de l’entreprise est d’éradiquer la pauvreté ou de s’atteler à un autre problème qui améliore la santé, l’éducation, l’environnement ou encore l’accès à la technologie. Le but n’est pas la maximisation du profit.
  2. L’entreprise doit être économiquement et financièrement durable.
  3. Les investisseurs de l’entreprise ne touchent pas de dividende : ils récupèrent seulement leur mise initiale.
  4. Si l’entreprise génère des profits, ils sont réinjectés dans l’entreprise (une fois que les investisseurs ont été remboursés).
  5. L’entreprise doit respecter l’environnement.
  6. Les salariés touchent le salaire du marché et reçoivent de meilleures conditions de travail.
  7. Travailler avec joie.

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De nombreux exemples de social business existent à travers le monde :

Par exemple Impact Water, qui met à disposition de l’eau potable dans les écoles en Ouganda à travers des systèmes de purification particuliers.

Impact Hub, qui existe également en Suisse, fait aussi partie de ces social businesses. En créant des « communautés entrepreneuriales », ils veulent contribuer à résoudre les objectifs de développement durables (que l’on peut trouver ici : https://www.undp.org/content/undp/en/home/sustainable-development-goals.html) .

Un bilan mitigé ?

Les microcrédits auraient aidé quelques 300 millions d’indigents à améliorer leurs conditions de vie. Ce type de banques s’est propagé à travers le monde entier, et il existe aujourd’hui, selon la Banque Mondiale plus de “10 000 institutions de microfinance dans 85 pays, au service de 130 millions de personnes pour un encours de 30 milliards d’euros”.

L’impact des microcrédits et autres instruments comme les micro-assurances est difficile à estimer. C’est donc un sujet qui soulève quelques controverses et l’efficacité réelle de ces outils est souvent remise en question. Il arrive en effet souvent que des prêteurs exploitent les demandeurs de microcrédits, et les taux d’intérêts mirobolants sont vus avec des yeux effarants. Etant donné que les institutions de microcrédit sont, à l’origine, elles aussi des entreprises sociales, ce n’est pas la maximisation du profit qui devrait primer, mais seulement la stabilité financière, ou encore la “survie à long-terme”.  Cependant, depuis les années 90, de nombreuses institutions de microfinance sont devenus des organisations à but lucratif. A l’heure actuelle, de nombreuses institutions microfinancières co-existent, se distinguant par leur taux d’intérêts, leur façon d’opérer, la technologie utilisée ainsi que leur objectif à long terme ou leur statut juridique. Ce brouaha rajoute à la complexité de l’évaluation de l’impact social du secteur.

Les résultats d’études réalisées en Bosnie Herzégovine, Ethiopie, Inde, au Mexique, en Mongolie, au Maroc et aux Philippines révèlent quatre points majeurs:

  1. Les microcrédits n’ont pas réellement contribué à sortir les ménages de la pauvreté. Une hypothèse pour cela est que les ménages utilisent en fait ces prêts pour la consommation et non dans un but entrepreneurial.
  2. L’accès aux microcrédits n’a pas contribué à améliorer le bien-être des ménages.
  3. Les ménages ayant accès au microcrédit ont plus de liberté dans leur façon de gagner et de dépenser l’argent.
  4. Il n’y a pas d’évidence qui permette d’affirmer que l’accès aux microcrédits a un effet néfaste.
Conclusion

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Quelle est la vision, à très long-terme, de l’auteur ? Mohammad Yunus imagine une société où prospèrent deux sortes d’entreprises : d’un côté les entreprises lucratives, et d’un autre, les entreprises sociales (social-business): chaque être humain, en plus de pouvoir « facilement » créer son entreprise, peut choisir de s’investir dans des affaires lucratives ou sociales qui contribuent à améliorer l’état actuel du monde. Sa vision repose sur un changement de perspective sur la nature humaine. L’homme y est vu comme un être altruiste au potentiel créatif ne demandant qu’à être libéré.

A l’aide des microcrédits, les ménages peuvent sortir de la pauvreté en investissant dans l’éducation ou dans un potentiel projet faisant d’eux des entrepreneurs. En parallèle, à travers les business sociaux, les investisseurs contribuent plus facilement à une cause sociale, et les plus jeunes ont plus de facilité d’obtenir de l’aide et des financements. Il imagine donc une partie de la population s’atteler aux problèmes de la pauvreté et de l’environnement à travers les entreprises sociales, tandis que le chômage serait résorbé par l’offre de microcrédits permettant la “floraison” de business sociaux. C’est ainsi que le monde pourrait, selon l’auteur, évoluer vers une économie à trois zéros.

Sa pensée se révèle à travers ces quelques mots:

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« L’éradication de la pauvreté consiste à supprimer les obstacles, afin de libérer la créativité des plus démunis. Car ils ont le pouvoir de changer leur existence, si nous leur offrons les mêmes opportunités qu’à tout le monde. »

 

Yasmine Starein

Autres sources :

Texte

Vers une économie à trois zéros, Muhammad Yunus