Facebook News ou le paradoxe de la désinformation

Le 25 octobre 2019, c’est enfin confirmé. Mark Zuckerberg annonce la naissance de Facebook News. Ce service, attendu depuis de longs mois et disponible uniquement pour certains utilisateurs américains, fait déjà énormément parler de lui de l’autre côté de l’Atlantique et partout dans le monde. Le concept ? Un partenariat entre le plus grand réseau social mondial et les médias américains qui permet de relayer toutes les informations instantanément. Grâce à un véritable tri humain et un algorithme sélectif, Facebook tente ainsi d’étouffer son image souvent associée à ‘’une usine à fake news’’.

“Quand nous avons commencé à réfléchir à la façon dont on pouvait inclure davantage d’actualités sur Facebook, nous avons changé notre approche et nous avons demandé des conseils aux journalistes avant le développement du produit”. Ce sont les mots de Campbell Brown, responsable de l’opération. Grâce à ces conseils, le produit prend forme. Un onglet est créé sur la plateforme, onglet qui est lui-même divisé en plusieurs parties. L’une d’entre elles, intitulée ‘’A la une’’ consiste à mettre en avant les articles des médias partenaires. Plus de 200 médias sont concernés, avec entre autres le Washington Post, Fox News, ou le Wall Street Journal. La liste des médias évolue avec le temps, mais ils doivent automatiquement passer une série d’examens avant de pouvoir complètement s’intégrer dans la plateforme. Cette dernière partie est donc gérée par de véritables cerveaux humains, des journalistes indépendants choisis par Facebook, afin de trier l’information. Le tri est fait en fonction de plusieurs critères, de la propagande aux titres racoleurs, en passant par la divulgation de fausses informations. Facebook se lance donc dans le pari osé de la curation du contenu. Osé car chaque article divulgué est forcément l’objet de critiques de la part de l’opinion publique.

Selon Wikipédia, la curation de contenu est une pratique qui consiste à sélectionner, éditer et partager les contenus les plus pertinents du Web pour une requête ou un sujet donné. En d’autres termes, Facebook laisse une liberté totale aux personnes travaillant sur la plateforme, tout en exerçant un contrôle en amont. Cette pratique suscite beaucoup de critiques, également de la part de Donald Trump, accusant les réseaux sociaux d’être un ‘’cloaque de venin libéral’’ et hostile au Parti Républicain. En effet, l’année prochaine, en pleine période d’élection présidentielle américaine, Facebook News tiendra un rôle important dans la propagande de chaque acteur politique. Cette manière de faire permet d’avoir un contrôle total sur l’information divulguée, pouvant même orienter l’opinion publique dans la direction souhaitée. Dans une société en pleine digitalisation, où les gens passent davantage de temps sur les réseaux sociaux que devant un journal, Facebook News tient, de fait, une puissance de frappe énorme. Les chiffres relayés par ‘’Le journal du Web’’ sont astronomiques : chaque mois, Facebook compte 2,45 milliards d’utilisateurs actifs dans le monde et 1,62 milliards par jour. En contrôlant l’information, Facebook peut donc engendrer un phénomène de masse, mettant en lumière uniquement les informations jugées nécessaires d’être divulguées par la firme américaine. L’ombre de Big Brother et de l’information censurée et propagandiste plane sur la société du 21e siècle.

Quant au côté plus positif de l’opération, Facebook News met en lumière les journaux moins connus par le grand public et leur laisse la possibilité d’explorer un plus large éventail de sources médiatiques.

En conclusion, Facebook tente de redorer son image, souvent perçue comme néfaste au niveau des informations et tente d’aller dans le sens de Mark Zuckerberg qui souhaite ‘’un journalisme de qualité’’, comme il l’a affirmé devant le Congrès. Si l’action est louable, il semble difficile de ne pas faire face à des complications quant à l’utilisation de la curation humaine.

Tristan Bochatay