Faut-il se voiler la face ?

Nous voici le 9 mars 2021, un jour après la Journée internationale des droits des femmes et deux jours après une votation où nous avons statué sur les droits de celles-ci.

L’initiative « Oui à l’interdiction de se dissimuler le visage », soumise au vote populaire lors de ces dernières votations, vise à promouvoir la liberté et la sécurité. Elle ne vise pas seulement les femmes musulmanes mais les hooligans et vandales masqués également. Notons ce cocasse contraste ! Par une acceptation à la majorité, la burqa, le niqab et la cagoule seront désormais prohibés dans l’ensemble des lieux publics en Suisse. Des exceptions sont prévues en cas de raisons sanitaires, climatiques ou sécuritaires. Son usage est également permis dans les lieux de culte. La suite de cet article se penchera sur le sort des femmes, car c’est réellement ici que règne la dissension.

Avoir le droit ou obliger ?

Pour se pencher dans le vif du sujet, revenons tout d’abord sur un des mots qui a été des plus discutés et controversés de ce débat : droit.

Définition –

DROIT, « n.m. Liberté, prérogative, pouvoir que chaque individu possède par naissance et par nature », qui s’oppose à l’obligation qui se définit comme suit :

OBLIGATION : « Lien de droit qui oblige à faire ou à ne pas faire quelque chose ». Statuer sur le port de la burqa revient à restreindre en partie le droit inhérent à la gent féminine de décider de sa propre tenue et est donc contraire au prétexte même de liberté tant défendue. Rappelons qu’aujourd’hui, sur l’ensemble du territoire suisse, il est punissable par la loi de contraindre une femme à se dissimuler le visage. L’argument avancé, la volonté de pousser la liberté de la femme encore plus loin, remet partiellement en cause l’étendue de cette liberté.

Être pour la liberté ou contre le masque ?

Sur les pancartes et lors des débats, les arguments avancés en défense de l’initiative ont souvent été emplis d’émotion. Ces émotions ont donné lieu à des conversations qui ne tournaient pas autour de la liberté réclamée, mais autour de la dissimulation du visage et donc de l’objet permettant de le dissimuler. L’initiative réunissait et opposait à la fois d’un côté des femmes musulmanes et de l’autre, des vandales et hooligans.

Dans les débats, des opposants ont souvent évoqué une précédente initiative du parti UDC portant sur les minarets. Ces opposants ont été jusqu’à remettre le fondement de l’initiative en question et à se demander si elle n’était pas raciste. Pourtant, cette initiative est aussi faite pour lutter contre le hooliganisme. Selon la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP), la moitié des matchs de Super League est perturbée par des ultras qui, bien qu’en petit nombre, nuisent à la sécurité des spectateurs et provoquent des dégâts considérables.

La double punition

Une femme ne respectant pas la loi se verra contrainte de payer une amende qui pourra s’élever jusqu’à 10’000 francs. Un des arguments avancés par les défenseurs de la votation est que cette initiative a été faite en faveur des femmes contraintes ; de ces femmes qui ne peuvent pas jouir d’un des principes mêmes de notre société helvétique : la liberté. Ces femmes, toujours selon leur ligne, seraient alors punies à deux reprises : privées de liberté et amendées. Devions-nous punir la victime ? Avons-nous réellement touché le problème du doigt ?

Identification et contre-projet

L’alternative proposée par le Conseil fédéral et le Parlement consistait à devoir se découvrir le visage lors de contrôles policiers ou dans un but d’identification. Ce contre-projet permettait aux femmes de maintenir le port de la burqa ou de la niqab lorsque celles-ci le désiraient. A des fins d’identification ou lorsqu’un motif de sécurité aurait dû se présenter, il aurait pu être demandé à ces dernières de se découvrir le visage. En cas de refus, la personne aurait été punie d’une amende pouvant s’élever jusqu’à 10’000 francs.

N’oublions pas que cette votation a été faite en accord avec notre Constitution qui, quand bien même elle contient en son sein ses inconvénients, doit être respectée. Évidemment, certaines personnes musulmanes, des personnes souvent concernées par la votation, n’ont pas pu voter, n’étant pas naturalisées. Il n’en reste que cette loi est issue de la volonté de la majorité de la population et doit être par conséquence respectée.

Le mot de la fin

Pour mettre fin mot à cette initiative des plus émotionnelles et afin de rassurer chacun des partis, cette initiative ne concernait pas plus de 20 femmes sur l’ensemble du territoire suisse (selon un rapport de l’Université de Lucerne). Une acceptation ou un refus n’aurait remis en cause ni la laïcité, ni le féminisme mais remet en cause le vrai fondement de ce projet. Cette initiative se voulait-elle libératrice ? Se voulait-elle défenseuse des droits des femmes ? Par cet article, il a été abordé des arguments qui sont, aujourd’hui, malheureusement ou heureusement, passés à l’épreuve des urnes. En espérant que l’argument féministe n’ait pas été un prétexte pour cacher un dessein moins honnête, espérons que lors de futures élections les droits des femmes soient toujours aussi défendus et peut-être arriverons nous à défendre dès à présent l’ensemble des femmes, sans en léser aucune, résidant et séjournant sur notre territoire helvétique.

Lilou Gaudin

 

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Sources:

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