Extraits repensés III : Ça ne s’arrête pas

Cet article est le troisième d’une série de trois articles intitulée « Extraits repensés ». Vous pouvez trouver le premier volet ici et le deuxième volet ici.

Alors, où étions-nous ? Ah oui, les banales vérités qu’on découvre en dernier.

Savez-vous qu’à part les périodes de Tedium, ce sont nos échecs qui nous construisent ?

Je vais vous raconter l’histoire d’un roi népalais datant de deux millénaires. Shuddhodana était un roi très riche et leader du clan Shakya, qui vivait dans les montagnes. Un jour, lorsqu’une de ses femmes était enceinte, il eut la brillante idée d’avoir le fils parfait. Il a alors décidé de ne jamais le laisser quitter le palais, de lui donner absolument tout ce qu’il voulait, et de lui fournir tous les servants qu’il pouvait lui fournir. Le gamin s’est avéré gros, bête et astronomiquement gâté. Il était inévitable qu’un jour ou l’autre le petit veuille explorer l’au-delà du palace. Il a alors eu l’idée un soir de s’enfuir du château pour aller explorer. Ce qu’il vit se révéla être tout le contraire de ce qu’il attendait. Lorsqu’il est arrivé au village, il a découvert le monde, il a découvert la misère et il a découvert la souffrance. Il vit des gens dormir dans le froid, sans toit ni couverture et, venant s’ajouter à leurs ennuis, la famine.

Après bien des périples que je vais vous épargner, il eut à vivre dans les conditions les plus misérables, et il lui arriva de ne manger qu’une cacahuète par jour. Il décida alors de s’installer au bord d’un lac, à côté d’un arbre, et jura qu’il ne se lèvera de là seulement lorsqu’il trouvera la solution à tout ça. Après une cinquantaine de jours, il en vint à la conclusion que la pauvreté, ça craint. Mais il tira également la conclusion que la vie en elle-même est une souffrance. Ayant vécu dans l’extrême richesse et l’extrême pauvreté, il en a conclu que les pauvres souffraient de leur pauvreté, que les riches souffraient de leurs richesses, que les malades souffraient de leurs maladies et que tous les autres souffraient de ce qu’ils avaient. Cet homme est connu aujourd’hui sous le nom de Bouddha. Je parie que l’on ne vous racontera pas son histoire de cette manière à l’école.

Tout comme l’a dit le béni Bouddha, la vie est une souffrance. Mais j’aimerais rajouter une pensée à la conclusion qu’il a tirée. Il y a certaines choses que l’on ne choisit pas dans la vie, comme où l’on naît ou avec quels handicaps l’on naît, toutefois on choisit d’agir avec ce que l’on a entre les mains. Si un dimanche soir vous êtes tranquillement en train de regarder How I met Your Mother sur votre canapé en buvant un thé au citron et au gingembre, et que la télé s’éteint car l’électricité est coupée dans toute la ville à cause d’une éruption solaire, vous n’êtes pas fautifs. Mais si vous voulez continuer l’épisode pour savoir si c’est Marshall ou Barney qui va recevoir la gifle, vous êtes responsables de trouver une solution.

Oui, j’adore les problèmes à ce point de mon article. Ils me font vivre tous les jours et ils me font quitter mon lit chaque matin. Comme on a dit, boire des cocktails à longueur de journées nous rendra comme bébé Bouddha, l’ancien Bouddha, le petit, avant son escapade dans le monde des mortels.

Voyez-le comme cela : dans une partie de poker, chaque joueur reçoit des cartes. Avant de voir la suite du jeu, chaque joueur décide de se retirer, ou bien de continuer la partie. Ensuite, une majorité des cartes sont distribuées et rebelote, les joueurs choisissent de rester ou de quitter la partie, autrement dit de se coucher. Cependant, chaque joueur a le droit de miser une partie de sa fortune. Les autres joueurs, afin de rester dans la partie doivent suivre la mise. Ainsi de suite, jusqu’à ce que toutes les cartes soient affichées. Eventuellement, que les joueurs aient suivi, misé ou se soient couchés, la partie se termine. Et de temps en temps, le joueur avec des cartes lamentables bat le joueur qui avait initialement la paire de roi. Vous voyez où je veux en venir ?

La vie est une partie de poker, des cartes vous sont distribuées, puis vous décidez de quoi en faire. Vous n’êtes pas fautifs d’avoir eu des cartes nulles, mais c’est maintenant votre responsabilité de choisir quoi faire avec ces cartes. Voulez-vous tout miser, vous coucher sans aucun espoir que cette main aboutisse, ou suivre le mouvement ?

Si je peux vous prodiguer un conseil d’ami, c’est : ne suivez pas celui qui se couche au début, il a simplement peur ou pas confiance en ses cartes (et donc en lui). Si personne ne se couche, vous n’allez sûrement pas vous coucher, et puis même si les autres misent une somme, au moins une fois ça vaudra le coup de suivre, voire de miser le double. Les personnes qui se couchent sans penser aux éventuelles stratégies sont en général les personnes qui fuient les problèmes. Nos problèmes qui sont notre gasoil. Dans le pire des cas, ce sera une leçon. Rappelez-vous, aucun regret, seulement des leçons. Nadal a bien perdu contre son rival à Roland-Garros, et il est bien revenu plusieurs mois après pour casser les records.

En réalité, si l’on ne perd pas une partie de temps en temps, c’est que l’on ne joue que des parties faciles, dans notre zone de confort. Sortons de notre zone de confort et jouons de vraies parties, avec de vrais problèmes. Mais attention, si vous perdez tout le temps, ce n’est pas bien non plus. A un certain moment vous allez blâmer les cartes et penser que c’est vous contre tout le monde. Et quand vous pensez que c’est vous contre tout le monde, c’est souvent vous contre vous-même.

Ton camarade de classe a été accepté à Harvard parce qu’il a postulé, et pas toi. L’autre a été accepté pour un stage à Goldman Sachs, parce qu’il a pris la peine d’appeler. Et elle est sortie avec lui parce qu’il lui a demandé, et toi tu ne l’as pas fait. Maintenant reste dans ta bulle à regretter de ne pas avoir agi. Je ne dis pas qu’il faut tout le temps foncer tête baissée, mais il est parfois plus sage d’utiliser une page de ce livre, le livre du risque. Personne n’est arrivé à son but sans prendre des risques et des sacrifices. Beethoven a grandi malentendant et a fini sa vie malvoyant, et cela ne l’a pas empêché de composer la symphonie n°9, aussi appelée l’Eldorado de nos oreilles. Lorsqu’il l’a jouée pour la première fois au théâtre de Vienne, il regarde son orchestre, avec une satisfaction immesurable, et c’est là que son violon solo le tourne vers le public, qui était debout et lui offrait une ovation pharamineuse. Là, Ludwig a atteint son Atlantis psychologique, qui est le succès qu’il cherchait. Tout de même, il n’arrête pas la musique, et il continue de composer des musiques et des quatuors à cordes, et la seule raison pour laquelle il n’a pas composé d’autres symphonies est parce qu’il est mort trois ans plus tard.

Beethoven était sourd et aveugle à la fin, Roosevelt était paralysé et Stephen Hawking avait une maladie qui au fil des années l’a également paralysé. Je vous raconte tout ça pour vous dire que les problèmes font partie de nous et que nous n’avons aucun moyen de les fuir. Que ce soient des problèmes de santé, d’argent ou de personnalité, nous devons y faire face afin d’avancer. Et c’est en résolvant ces problèmes que l’on va de con, à légèrement moins con.

La conclusion que je tire de ces articles, c’est qu’il n’y a pas de repos pour nous dans ce monde, peut-être dans le prochain.

Khalil Elaouani
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