Femme Assise Sur Un Ottoman Devant Trois Tableaux

Trois œuvres d’art qui ont marqué l’Histoire

Depuis des millénaires, l’art nous permet de nous exprimer, de transmettre des messages à autrui sans même utiliser la parole, de marquer sur papier, toile ou pierre, nos pensées les plus intimes. Ainsi, il y a 20’000 ans déjà, un groupe de « peintres » décidèrent d’immortaliser des scènes de leur vie quotidienne sur les parois de la fameuse grotte de Lascaux. Depuis, l’on n’a cessé de chercher de nouvelles manières de communiquer à travers divers supports artistiques.

Cependant, à travers le temps, l’art est devenu une partie intégrante de notre vie, presque banalisé, au point que nous ne le remarquons finalement plus. Confrontés à l’information visuelle en face de nous, nous oublions parfois ce qui se cache sous le vernis des tableaux accrochés dans nos musées préférés. C’est pourquoi je vous propose dans cet article de nous pencher sur trois œuvres d’art qui, soit par leur message, soit par leur contexte, ont marqué l’Histoire.

LE PORTRAIT D’ADELE BLOCH-BAUER I DE GUSTAVE KLIMT

Portrait d'Adele Bloch-Bauer I, 1907 - Gustav Klimt - WikiArt.org
Gustave Klimt, Portrait d’Adèle Bloch-Bauer I, 1907, huile, or et argent sur toile, 138 x 138 cm, New York, Neue Galerie

Ce tableau du célèbre peintre autrichien Gustave Klimt est indéniablement magnifique ; le peintre a utilisé de réelles feuilles d’or sur son tableau, et c’est effectivement la première chose qui nous saute aux yeux. Puis, nous remarquons que le tableau représente le portrait d’une jeune femme magnifiquement parée et auréolée de dorures, celui d’Adèle Bloch-Bauer plus exactement. Cependant, les délicats détails et la beauté transcendante de cette peinture pourraient presque nous faire oublier l’histoire particulière de ce tableau.

Commandé par Ferdinand Bloch-Bauer, banquier autrichien et mari d’Adèle, le tableau est réalisé en 1907 pour l’utilisation privée de la famille Bloch-Bauer. Adèle est issue d’une famille appartenant à la bourgeoisie juive viennoise, tandis que Ferdinand est le directeur général d’une banque viennoise, mais les deux sont surtout de grands passionnés d’art. Ils acquièrent au fil des années une collection impressionnante d’œuvres d’art, et notamment ce fameux portrait d’Adèle. En 1925, Adèle décède et en 1938, l’Autriche est annexée par l’Allemagne nazie. Au même moment et dans la continuité de leur politique antisémite, la population autrichienne juive est dépossédée de tous ses biens et possessions. C’est le cas aussi pour les œuvres de la famille Bloch-Bauer, et notamment du portrait d’Adèle. La famille Bloch-Bauer en fuite réussit à s’établir aux Etats-Unis tandis que le mari d’Adèle échappe aux Nazis en se réfugiant à Zürich, d’où il essayera de récupérer les portraits de sa femme et mourra en 1945 sans jamais avoir réussi. Cependant, dans son testament, il léguera tous ses biens à ses proches, dont sa nièce, Maria Altman, qui avait réussi à s’enfuir aux Etats-Unis.

Pendant ce temps, le fameux portrait d’Adèle est récupéré par l’Etat autrichien qui décide de l’exposer au musée du Belvédère à Vienne. Cette situation perdure jusqu’à ce qu’en 2000, Maria Altmann décide d’intenter une action civile contre l’Etat autrichien, afin d’obtenir la restitution du tableau ainsi que celles d’autres tableaux spoliés. S’appuyant sur une loi autrichienne visant à faciliter la restitution des œuvres d’art volées par le régime nazi et sur le testament de Ferdinand la désignant comme héritière de l’œuvre, Maria Altmann mène une bataille juridique ardue contre le gouvernement autrichien pour récupérer les biens de sa famille. En 2006, une décision est enfin rendue et l’Etat autrichien est obligé de restituer à Maria Altmann ses biens. Pour les plus curieux, vous pouvez visionner le film La femme au tableau sorti en 2015, et qui retrace le combat acharné de Maria Altmann pour récupérer le portrait de sa tante Adèle.

LE RADEAU DE LA MÉDUSE DE THÉODORE GÉRICAULT

Théodore Géricault, Le Radeau de la Méduse, 1818-1819, peinture à l’huile et toile sur bois, 491 x 716 cm, Paris, Musée du Louvre

Cette huile sur toile peinte par le français Théodore Géricault entre 1818 et 1819 représente, contrairement à ce que l’on pourrait penser, un événement historique bien réel, celui du naufrage de la frégate Méduse. Si vous avez eu l’occasion de voir ce tableau, vous admettrez qu’il est impressionnant, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, ses dimensions titanesques sont rares parmi les habituelles œuvres exposées dans les galeries : avec une dimension avoisinant les 5 mètres sur 7, Géricault dépeint une scène grandeur nature, et son talent de maître permet au spectateur de presque « entrer » dans le tableau et avoir l’impression de faire, en quelque sorte, partie de la scène. Ensuite, l’image que le spectateur observe est effroyable : la mort, la misère et le désespoir se côtoient dans une palette de couleurs sombres, où certains points de lumière permettent aux yeux de s’accrocher sur quelques détails troublants.

Cependant, tout ce savant mélange prend une forme épouvantable quand l’histoire dépeinte sur le tableau est connue du spectateur. En effet, la Méduse est une frégate française qui fit naufrage le 2 juillet 1816 au large des côtes de la Mauritanie, avec à son bord presque 400 hommes. Par une gestion catastrophique de l’événement et une inégalité de traitement entre les passagers, 149 personnes se retrouvèrent forcées à monter à bord d’un radeau de fortune, sur lequel ils passèrent presque deux semaines épouvantables, où le temps orageux, la faim et la soif conduisirent l’équipage à la folie, l’anthropophagie et la mort de la plupart des hommes. Il n’y eut que quinze survivants à ce naufrage.

Géricault s’inspira donc de ce fait divers qui fit grand bruit et scandale à l’époque et, pour pouvoir au mieux représenter la scène, il visita des morgues pour pouvoir dépeindre le plus réalistement possible les éléments du tableau. Cependant, lorsqu’il présenta son tableau au Salon de peinture et de la sculpture en 1819, le tableau fit lui aussi scandale à cause du réalisme cru et de l’horreur de la scène. Pour ceux qui désirent le voir, sachez que le tableau est aujourd’hui visible au musée du Louvre à Paris.

LE CHRIST ET LA PARABOLE DE LA FEMME ADULTÈRE DE HAN VAN MEERGEREN

Ce tableau a une histoire toute particulière. Déjà, dissipons tout doute, c’est un faux. C’est en effet une copie « presque » parfaite du tableau du même nom, mais dont l’auteur n’est autre que le fameux peintre néerlandais Johannes Vermeer, qui a notamment peint La Jeune Fille à la Perle ou La Laitière, pour ne citer que ces deux œuvres. La version de Han van Meergeren, même si c’est une contrefaçon, n’en possède pas moins une histoire improbable.

Han van Meergeren est un peintre, lui aussi néerlandais mais qui, contrairement à Vermeer, n’a pas connu le même succès que ce dernier. Face aux critiques d’art qui déprécient son travail et car aucun musée ni particulier ne souhaitait acheter ses toiles, Han van Meergeren commence à copier le style et la technique des grands maîtres de la peinture néerlandaise, et son talent est tel que même les meilleurs experts et critiques d’art ne parviennent pas à détecter la fraude. Pour tromper tout ce beau monde, il achète de vieux tableaux sans valeur de l’époque, dont il gratte la couche de peinture pour ne garder que le support d’origine. Il réussit à se procurer les mêmes pigments que ceux utilisés par les grands maîtres et fait même sécher ses peintures dans un four pour provoquer artificiellement l’aspect craquelé et abîmé des anciennes toiles. Son succès est fulgurant, il réussit à vendre un nombre impressionnant de « fausses » toiles, soudainement redécouvertes, des plus grands génies de la peinture.

Cependant, cette escroquerie ne va pas durer… En effet, pendant la 2ème Guerre mondiale, Hermann Göring, un des membres du gouvernement du Troisième Reich, décide d’acquérir auprès de Han van Meergeren une toile de Vermeer, Le Christ et la parabole de la femme adultère. Cette toile est bien évidemment une fausse mais, Göring l’ignore et propose, en échange de la toile, de livrer à Han van Meergeren 200 vraies toiles qui avaient été saisies par le régime nazi dans les musées néerlandais. Voilà pour Han van Meergeren l’affaire du siècle ! En échange d’une fausse toile, il obtient 200 authentiques œuvres d’art.

Après la fin de la guerre, c’est le drame pour le faussaire : on l’accuse d’avoir collaboré avec l’ennemi ! En effet, la société et le gouvernement néerlandais ignorent encore tout de sa supercherie, et l’on pense qu’il a réellement vendu une œuvre appartenant au patrimoine culturel néerlandais aux ennemis allemands. Risquant la peine capitale, Han van Meergeren est au pied du mur et pour sauver sa peau, il avoue le mensonge de toute une vie : tous ses tableaux sont des faux, et il n’a jamais vendu d’authentique Vermeer au régime nazi. Cependant, la qualité de ses copies est telle qu’on ne le croit pas, il décide alors de peindre devant des témoins une copie d’un autre Vermeer afin de prouver son talent et de se disculper.

Han van Meergeren en train de peindre une copie d’un tableau de Vermeer (Koos Raucamp, Nationaal Archief NL, 1945)

Après une fine analyse d’un groupe d’experts, on conclut sur le fait qu’effectivement, le tableau vendu à Göring est un faux. Han van Meergeren fut disculpé de l’accusation de collaboration mais écopa tout de même d’une peine d’un an de prison pour ses activités de faussaire. Cependant, il décédera seulement quelques semaines plus tard, avant même d’avoir pu effectuer sa peine de prison. Mais la réputation de Han van Meergeren, elle, lui survivra bien longtemps après, car il resta dans l’esprit de la société néerlandaise comme l’homme qui avait réussi à tromper les Nazis et même à sauver 200 toiles du patrimoine néerlandais.

Ismira Mahmutovic
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