Aujourd’hui même, 1er novembre 2023, le dernier film du réalisateur japonais Hayao Miyazaki sort dans tous les cinémas de suisse romande ! Hayao Miyazaki est le fondateur d’un célèbre studio d’animation : le Studio Ghibli. Après l’annonce de son départ en 2013, le réalisateur était tout de même resté actif au sein de l’entreprise de création de long métrage d’animation. En 2020, il annonce définitivement sa retraite pendant la réalisation de son dernier film Le Garçon et le Héron. Ce film marque la finitude des œuvres de l’artiste. Dans cet article, nous explorerons son parcours, les thèmes essentiels présents dans ses histoires, et enfin, les raisons pour lesquelles il est considéré comme un artiste.
Hayao Miyazaki : un artiste et un politologue diplômé ?
Hayao Miyazaki naît au Japon en 1941, au sein d’une famille bourgeoise. Pendant la guerre, son père, directeur d’une entreprise d’aéronautique, participe à la fabrication des avions de chasse japonais. Dans son cercle familial proche, Yoshiko, sa mère, est une femme très intelligente, réservée et stricte mais elle exercera une forte influence sur ses œuvres. Son père est un homme discret que Hayao Miyazaki décrit comme “noble” et d’”inspirant”. Il regrette tout de même de n’avoir pas pu plus parler avec son père de ses sentiments anarchistes, surtout sur ses revendications cachées anti-guerres.
Enfant, il eut une vie difficile entre ses problèmes de santé et la guerre. A l’âge de 4 ans, la ville d’Utsunomiya, où il habite, est ravagée par les bombardements. Les paysages de ruines et de destruction sont d’ailleurs très présents dans son œuvre. En raison d’une santé fragile, on lui annonce qu’il ne vivra pas plus de 20 ans. Il passe donc ses journées à lire et apprend à dessiner en autodidacte.
Son intérêt pour les films provient de son père qui l’emmenait souvent au cinéma. Avant son entrée au lycée Toyotama, au lieu de réviser pour ses examens d’entrée, il va fuger pour aller découvrir le premier long métrage d’animation japonaise au cinéma Le Serpent Blanc. Ce film est la révélation pour le futur réalisateur.
Miyazaki ne s’arrête pas là ! Au-delà de son intérêt pour l’art et la cinématographie, il poursuit ses études à l’université en science politique et économie. Il rejoint le « Club de recherche sur la littérature pour enfants » qui se rapproche d’un club de bande dessinée où il sera souvent le seul participant. Il reste en bon contact avec son professeur d’art au Collège et dessine dans son atelier. Ils buvaient souvent ensemble en parlant de politique.
Pendant son cycle universitaire, Miyazaki commence des milliers de pages de débuts de récit mais les termine jamais ! Plus jeune, ses premiers essais furent très largement inspirés du dessinateur Osamu Tezuka. Miyazaki avait pour mauvaise habitude de brûler tous les mangas qu’il dessinait, car il pensait que réaliser des copies entravait son développement en tant qu’artiste.
Après l’obtention de son diplôme, il entre à Toei Animation, où il s’investit dans le syndicat qui œuvre pour la justice sociale. Hayao poursuit sa carrière en collaboration avec Isao Takahata. Son premier long métrage Le Château de Cagliostro est réalisé chez Telecom Animation Film, ou il participe également à la formation de nouveau animateurs.
En 1984, Takahata et Miyazaki choisissent le studio Topcraft pour réaliser Nausicaä de la vallée du vent. Dans cette œuvre révélatrice pour le réalisateur, il met en scène un univers postapocalyptique dans lequel Nausicaä lutte pour rétablir un équilibre entre les humains et la nature.
Après le succès du film, en juin 1985, Miyazaki, Takahata et Suzuki décident de fonder leur propre studio d’animation : le studio Ghibli.
Les 12 œuvres marquantes de la production :
- Le Château dans le Ciel (1986)
Le Château dans le Ciel raconte l’histoire de deux jeunes enfants à la recherche d’une mystérieuse cité flottante, gardée par un château dans les nuages. Le film est un mélange aventure, magie et exploration pour créer un univers enchanteur.
Dans ce film, Miyazaki s’inspire de l’architecture grecque et des modèles urbains européens pour concevoir le décor, mais aussi de l’architecture d’une ville minière galloise.
- Mon Voisin Totoro (1988)
Mon Voisin Totoro est un film qui suit les aventures de deux soeurs, Satskui et Mei, qui découvrent des esprits de la nature dans leur nouvelle maison à la campagne. Dans ce film on célèbre l’innocence de l’enfance et la connexion avec la nature.
- Le Tombeau des lucioles (1989), Isao Takahata
Le Tombeau des Lucioles est un film émouvant qui raconte l’histoire de deux frères, Seita et Setsuko, luttant pour survivre pendant la Seconde Guerre mondiale au Japon. Le film nous ouvre aux thèmes de la guerre, la perte et de la tragédie.
- Kiki la petite sorcière (1989)
Le Studio Ghibli acquiert les droits pour adapter le roman, et le film devient un grand succès au box-office. Kiki la petite sorcière suit les aventures de Kiki, une jeune sorcière en formation, alors qu’elle part seule pour une année dans une nouvelle ville. Le film explore son voyage vers l’indépendance, tout en mettant en avant les thèmes de l’amitié et de la persévérance.
- Porco Rosso (1992)
Initialement conçu pour une compagnie aérienne, le film aborde des thèmes anti-guerre. Porco Rosso transporte les spectateurs dans l’entre-deux-guerres, ou un ancien pilote de chasse, devenu homme-cochon, combat des pirates de l’air en mer Adriatique. Ce film est une réflexion profonde sur les thèmes de la nostalgie et de l’amour.
- Princesse Mononoké (1997)
Le film est réalisé avec un budget important et est acclamé par la critique, devenant un des plus grands succès commerciaux du studio. La Princesse Mononoké plonge les spectateurs dans un conflit entre la nature et l’humanité. Le personnage principal, Ashitaka, cherche à comprendre les enjeux entre la coexistence de deux mondes.
- Le voyage de Chihiro (2001)
Le film aborde des thèmes tels que l’avidité et l’illusion des hommes et devient l’un des plus grands films des années 2000, remportant de nombreux prix. Le voyage de Chihiro, suit les aventures de la jeune Chihiro qui se retrouve piégée dans un monde spirituel étrange après que ses parents se soient transformés en porcs. Le film met en avant le courage et la détermination de la jeune femme.
- Le Château ambulant (2004)
Inspiré par des paysages d’Alsace en France, le film est aussi un succès au box-office. Le Château ambulant raconte l’histoire de Sophie, une jeune femme transformée en vieille dame par une malédiction. Elle découvre le château ambulant de Howl, un magicien, et se lance dans une aventure fantastique pour briser le sort. Ce film aborde les thèmes de l’amour et de la recomposition personnelle.
- Ponyo sur la falaise (2008)
Inspiré par La Petite Sirène d’Andersen, Miyazaki célèbre l’univers enfantin. Ponyo sur la falaise est une histoire d’amitié entre Sosuke, un jeune garçon, et Ponyo, un poisson magique qui veut devenir humain. Le film capture la magie de l’enfance et la puissance de la nature, notamment de la mer.
- Arrietty (2010), Hirosama Yonebayashi
Arrietty, le Petit Monde des Chapardeurs suit les aventure d’Arrietty, une petite personne (de la taille des « Minimoys ») qui emprunte des objets de taille humaine pour sa famille. Le film explore le monde secret des petites choses et permet de tisser le lien entre le petit et le grand. Ce film invite les auditeurs à aimer les petites choses de la vie.
- La Colline aux Coquelicots (2011), Gorō Miyazaki
La Colline aux Coquelicots se déroule dans les années 1960 et suit l’histoire d’Umi, une jeune fille qui découvre le mystère familial autour de la disparition de son père, tout en s’impliquant dans des activités étudiantes. Le film aborde les thèmes de la nostalgie, de la recherche de son identité et des amours de jeunesse.
- Le Vent se lève (2013)
Le Vent se lève est une biographie retravaillée de Jiro Horikoshi, l’ingénieur derrière les avions Mitsubishi utilisé pendant la Seconde Guerre Mondiale. Le film explore le rêve de Jiro de concevoir de magnifiques avions et de laisser court à la création, à l’art et à l’amour pendant la guerre.
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Cette sélection n’est qu’une partie infime des productions du Studio Ghibli, elles appartiennent principalement à Hayao Miyazaki.
Il faut admettre que la beauté des films du Studio Ghibli provient aussi des œuvres de ses collègues tels qu’Isao Takahata, qui a réalisé notamment Le Tombeau des Lucioles, Pompoko, Souvenir goutte à goutte, Mes voisins les Yamada et Le Conte de la princesse Kaguya.
D’autres personnalités méconnues réalisent elles aussi d’autres productions comme celle d’Hiromasa Yonebayashi avec Les Souvenir de Marnie, Tomomi Mochizuki avec Je peux entendre l’océan, Yoshifumi Kondo avec Si tu tends l’oreille, Hiroyuki Morita avec Le Royaume des chats et le fils de Miyazaki : Goro Miyazaki avec Les Contes de Terremer. Finalement, il reste un certain nombre de réalisateurs parmi le Studio Ghibli, ce qui nous invite à penser que la vie de la box-office n’est pas terminée malgré le départ d’Hayao Miyazaki.
Le dernier long métrage du réalisateur : Le Garçon et le Héron
Dans sa dernière œuvre annoncée en 2016, Miyazaki commence à travailler sur le projet sans recevoir d’approbation officielle, car il s’inspire fortement du roman Et vous, comment vivrez-vous ? de Genzaburo Yoshino, publié en 1937.
Voici le scénario du film pour vous y donnez un avant-goût :
« Après la disparition de sa mère dans un incendie, Mahito, un jeune garçon de 11 ans, doit quitter Tokyo pour partir vivre à la campagne dans le village où elle a grandi. Il s’installe avec son père dans un vieux manoir situé sur un immense domaine où il rencontre un héron cendré qui devient petit à petit son guide et l’aide au fil de ses découvertes et questionnements à comprendre le monde qui l’entoure et percer les mystères de la vie… »
En décembre 2020, Suzuki déclare que l’animation du film est « à moitié terminée » et ajoute qu’il ne prévoit pas la sortie du film avant trois ans. Le film est déjà sorti le 14 juillet dernier au Japon. Aujourd’hui, c’est à l’Europe d’avoir l’opportunité d’apprécier sa dernière création.
Idéologies principales du réalisateur :
« Nous ne savons jamais où va aller l’histoire, mais nous continuons à travailler sur le film au fur et à mesure qu’il se développe », explique-t-il. Miyazaki utilise des méthodes traditionnelles de dessins à la main. Il utilise par la suite l’ordinateur pour enrichir l’aspect visuel. Les œuvres de Miyazaki sont caractérisées par la récurrence de thèmes tels que l’écologisme, le pacifisme, le féminisme, l’amour et la famille.
Les films de Miyazaki mettent souvent l’accent sur l’environnement et la fragilité de la Terre. On constate que plusieurs antagonistes des films de Miyazaki « tentent de dominer la nature dans le but d’exercer une domination politique, et sont en fin de compte destructeurs de la nature et de la civilisation humaine », nous dit Peter Schellhase. Les protagonistes sont mis en scène pour rétablir l’ordre et le lien entre l’humanité et la nature.
La critique constate que Miyazaki veut faire la promotion de la paix et souvent le rallient à de grandes figures tels que Mahatma Gandhi. Malgré le fait que Miyazaki ne se classe dans aucune obédiance spirituelle, il prône les valeurs bouddhistes comme l’amour, la générosité, la bienveillance et la sagesse, au-dessus de maux tels que la mauvaise volonté, l’égoïsme et l’illusion.
Suzuki qualifie Miyazaki de féministe en référence à son attitude envers les travailleuses. Celui-ci décrit ses personnages féminins comme « des filles courageuses et autonomes qui n’hésitent pas à se battre pour ce en quoi elles croient de tout leur cœur », déclarant qu’elles peuvent « avoir besoin d’un ami ou d’un soutien, mais jamais d’un sauveur » et que « toute femme est tout aussi capable d’être un héros que n’importe quel homme ».
Miyazaki met l’accent sur la façon dont les individus solitaires ou même vulnérables sont intégrés dans des relations de confiance et de responsabilités mutuelles. Par exemple, il inclue les familles dite « anormale » à vivre ensemble. Dans plusieurs de ces œuvres, notamment celle du Garçon et du Héron, il met en lumière des familles ou des groupes recomposés. Il veut que chacun puisse trouver un lieu d’appartenance sains malgré les différences sociales.
Miyazaki, une figure socialiste ?
Miyazaki critique l’exploitation sous le communisme et le capitalisme, ainsi que la mondialisation et ses effets sur la vie moderne. Selon lui, « une entreprise est la propriété commune des personnes qui y travaillent ». On dira plutôt qu’il est pour une économie participative ou les travailleurs d’une entreprise jouent un rôle actif dans la gouvernance et la gestion de l’entreprise. Il est contre les inégalités dans tous les cas et le monopole des richesses et des pouvoirs. En 2014, il déclare : « j’aspire toujours au fond de moi à une société plus juste, et je reste influencé par l’idéal communiste formulé par Marx ».
En 2003, il refuse d’assister à la cérémonie des Oscars pour protester contre l’implications des USA dans la guerre d’Irak, déclarant plus tard qu’il ne voulait pas visiter un pays qui bombardait l’Irak. Miyazaki exprime également son opinion sur l’attaque terroriste dans les bureaux du magazine satirique français Charlie Hebdo, critiquant la décision du magazine de publier le contenu cité comme le catalyseur de l’incident. En novembre 2016, Miyazaki affirme qu’il pense que « beaucoup des personnes qui ont voté pour le Brexit et Trump » ont été affectées par l’augmentation du chômage.
Conclusion :
Miyazaki est un artiste sur tous les plans. Il dessine et écrit des récits fantastiques tout en gardant les pieds sur terre. Comme le dit la célèbre citation de Pablo Picasso : « tous les enfants naissent artistes, le problème est de rester artiste quand on grandit ». Hayao Miyazaki a toujours gardé au fond de lui une âme d’enfant, il s’inspire, essaie et crée. Il ne sera jamais satisfait entièrement par ses créations, il affirme même qu’après avoir fini ses productions, il ne voulait plus les voir.
Personnellement, je suis fascinée par les films de Miyazaki, non seulement en raison de leur qualité visuelle, mais également en raison des messages moraux profonds que nous inculque chaque histoire.
C’est pour moi merveilleux de voir comment les créations d’artistes tels que Suzuki, Takahata, Hisaishi peuvent créer un univers candide et serein à la fois. Leur pouvoir transcende les générations, touchant les émotions de tous.
Après avoir visionné à plusieurs reprises les 12 films mentionnés dans cet article, je vous recommande fortement, en cette période de pluie de vous rendre au cinéma pour découvrir cette nouvelle (et dernière) œuvre d’Hayao Miyazaki.
Pour plus d’informations, n’hésitez pas à consulter la page de Pathé Suisse :
https://www.pathe.ch/fr/films-evenements/le-garcon-et-le-heron-36322
SOURCES (cliquez sur les titres pour en savoir plus)
1. La Suisse et la sortie du dernier film d’Hayao Miyazaki
2. Biographie complète d’Hayao Miyazaki
4. Alliance d’artistes inédite
5. Classement des 22 films du Studio Ghibli
6. Film résumé de la vie du réalisateur
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