Review: Réparer les vivants

De Katel Quillévéré


Sortie au cinéma le 2 novembre 2016 – Durée 1h43

 

Par Alexia Malige

 

Réparer les vivants en déchirant les cœurs

Simon a 18 ans. Il aime le surf, le vélo et sa petite amie Juliette. Son existence est calme et paisible. Une simple vie d’adolescent. Un matin, alors qu’il revient de l’océan avec ses amis, le mini van fait une sortie de route et sa tête se fracasse contre le pare-brise. Simon est transporté à l’hôpital, mais il est déjà trop tard : il se trouve en état de mort cérébrale. Ses proches sont anéantis et ils vont être immédiatement confrontés à une décision importante : donner ou non les organes de Simon. Un choix lourd et pénible que Marianne et Vincent vont devoir faire rapidement, l’organisme de leur fils ne pouvant être maintenu en état indéfiniment.

 

Le livre était magnifique. Lente dissection des sentiments comme des corps, il avait su toucher les lecteurs jusqu’à leur arracher les larmes. Maylis de Kerangal était parvenue à écrire une histoire forte, où les émotions des personnages étaient si intenses, qu’on se sentait couler avec eux au fil des lignes.

Katell Quillévéré s’est vu confier la lourde tâche d’adapter ce roman, si délicat et fin. Un pari qu’elle a remporté avec brio. Loin de s’être laissée submerger par tous ces personnages et leurs âmes dévastées, la réalisatrice a su faire une sélection. Difficile mais nécessaire.

Elle n’a gardé que l’essentiel, le profond. Un regard, une respiration, un geste ou quelques mots. Tout est cadré, tout est millimétré. La sobriété était fondamentale, tant la douleur occupe l’espace de chaque scène. Elle attrape le spectateur et ne le lâche plus. Impossible de ne pas se noyer dans ce monde de tristesse et de chagrin quand la vague de souffrance s’abat violemment sur nos têtes.

 

Si le deuil a assombri le film dès ses premiers instants, une lueur d’espoir réussit tout de même à éclairer la suite de ce drame. Car si la mort de Simon est cruelle et brutale, il en ressort cependant quelque chose de beau. En abandonnant sa vie, le jeune homme permet d’en construire de nouvelles. Des survivants, qui vont pouvoir devenir simplement vivants grâce à lui. Grâce à ses dons. Parmi eux, se trouve Claire, une malade du cœur, qui par le sens propre de sa pathologie s’en est créée une deuxième au sens figuré. Bien que ses deux fils soient présents, elle refuse de faire subir son handicap aux autres et s’en éloigne. Interprétée par l’excellente Anne Dorval, qui avait fasciné la critique dans Mommy de Xavier Dolan. D’ailleurs, tous les acteurs sont à la hauteur de leur rôle, et ont adopté un jeu pur et sincère, qu’ils ne viennent pas envelopper de fioritures inutiles. Tahar Rahim, est, comme à son habitude extrêmement juste. Ses yeux suffisent à faire pleurer les nôtres. Il est impeccable dans son rôle de coordinateur, à la fois dans l’histoire et à l’écran. Il fait le lien entre la famille et les médecins, mais aussi entre le film et les spectateurs. Il parle aux proches comme il parle au public. Un joli travail d’interprétation, qui relance l’humanité là où il n’y a plus que l’insupportable.