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Salvator Mundi – de l’art à tout prix

Suite à l’inauguration récente du Louvre Abu Dhabi en grande pompe, on a appris que le tableau authentifié comme un Léonard de Vinci, Salvator Mundi, prendrait place au sein de ce nouveau musée, parmi une vaste collection d’œuvres anciennes et contemporaines.

Précédemment, plusieurs médias ont spéculé sur l’origine de l’acquéreur du Salvator Mundi, allant jusqu’à avancer que cela pourrait être le prince héritier d’Arabie Saoudite, Mohammed ben Salmane derrière cet achat de 450 millions de dollars. Cependant, cette information a été infirmée par un tweet officiel du Louvre Abu Dhabi, précisant que « l’œuvre a été acquise par le Département de la Culture et du Tourisme d’Abu Dhabi ».

Le parcours de cette peinture sur bois de noyer est véritablement incroyable. L’œuvre aurait vraisemblablement été commandée à Léonard de Vinci par le roi de France Louis XII et par la suite serait même devenue propriété des rois d’Angleterre. Le tableau est tombé ensuite dans l’oubli, perdu, et enfin miraculeusement réapparu vers la fin du XIXe siècle. Restauré puis authentifié par les experts en 2005, sa cote a rapidement pris l’ascenseur. Il est important de noter que l’authentification d’une telle œuvre est un long et complexe processus qui requiert l’avis de plusieurs experts. Ainsi, en mai 2008, l’œuvre est envoyée à la National Gallery de Londres pour y être comparée à La Vierge aux rochers (autre œuvre de Léonard de Vinci). Plusieurs experts de Léonard sont invités à se pencher sur la peinture, notamment Carmen Bambach, spécialiste de la Renaissance italienne et conservatrice en chef au Metropolitan Museum of Art de New York, et Martin Kemp, professeur d’histoire de l’art à l’Université d’Oxford et spécialiste de Léonard de Vinci.

Après plusieurs études approfondies, on peut présenter quelques caractéristiques qui ont conduit à l’attribution du tableau à Léonard de Vinci : une technique inhabituelle du dégradé comparable au sfumato et la manière dont les plis des vêtements et les boucles de cheveux sont réalisés. Concernant le matériel, le support en panneau de noyer est cohérent avec d’autres supports similaires employés par Léonard et l’analyse des pigments aussi. Un dernier point intéressant concerne la réfraction de la lumière sur l’orbe de cristal, démontrant un intérêt et une virtuosité que l’on peut aisément mettre en lien avec les connaissances et expériences scientifiques de Léonard. Bien évidemment, ceux-ci ne sont que quelques détails servant à titre d’illustration et ne reflètent en rien la complexité et la lourde tâche qu’incombe l’attribution de cette œuvre à Léonard de Vinci.

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Le Louvre Abu Dhabi : zoom sur l’imposante structure de Jean Nouvel, 180 mètres de diamètre, (équivalent de la superficie de la cour carrée du Louvre à Paris).

Une chose est sûre, c’est un coup de marketing formidablement réussi (et onéreux) pour le Louvre Abu Dhabi. En effet, comme le relève Martin Kemp, Salvator Mundi « peut être décrit d’une certaine manière comme l’équivalent pieux de Mona Lisa de par son caractère doux, apaisant. » Une pièce maîtresse donc, qui servira volontiers de « repaire » aux visiteurs parmi la très vaste collection de ce musée : œuvres anciennes et contemporaines, sculptures, tapisseries, orfèvrerie, objets antiques, pièces du Moyen-Orient, d’Inde et même de Chine. À cela s’ajoutent aussi 300 œuvres prêtées par 13 musées français.

Si le coût de l’œuvre interpelle, il n’est pas anodin de savoir que la construction du musée conçu par Jean-Nouvel, aura coûté plus de 600 millions d’euros et que la concession du nom du Louvre jusqu’en 2037 au musée d’Abu Dhabi, rapportera 400 millions d’euros au musée parisien.

Alexandre Lachat