Évidemment, lorsque le nom de Thomas Cook est prononcé, ce n’est pas forcément le terme « success story » que l’on a en tête. En effet, on aurait tendance à penser plutôt aux escapades pittoresques nous offrant de rafraîchissants moments de détente. Comment ? Vous avez dit « faillite » ? Oui, accessoirement Thomas Cook a fait faillite le 23 septembre dernier, mais il faut savoir qu’avant cela, Thomas Cook était le plus ancien voyagiste encore en activité au monde et bénéficiait d’une place de choix dans le cœur des anglais.
De voyages en train en Angleterre au tour du monde
À l’origine de cette grande entreprise, un homme, apprenti ébéniste à la base. Il s’appelle Thomas Cook et c’est en 1841 dans le Leicestershire qu’il organise sa première excursion. Il s’agit d’un voyage aller-retour en train d’une vingtaine de kilomètres seulement. Le coût ? Un shilling. Ce n’est certainement pas à ce prix-là qu’il allait donc pouvoir faire du profit. Ce n’est que quatre ans plus tard qu’il commence véritablement à faire un profit avec son premier voyage à titre commercial. Cette fois, c’est un autre voyage en train vers Liverpool depuis Leicester, Nottingham et Derby. Pour cette occasion, un livre de poche (comparable aux guides de voyages), est tout spécialement édité et publié. Il accompagne et occupe ainsi ses premiers clients lors de leur trajet.
Pour la suite, Thomas Cook poursuit l’expansion de son entreprise en dehors et au-delà de l’Angleterre pour proposer des voyages en Europe et ailleurs. Sa marque est devenue un nom aussi commun que la Migros en Suisse et son slogan est devenu aisément reconnaissable puisqu’il joue avec le nom de famille de son père fondateur :
“Don’t just book it, Thomas Cook it!”
Voici une petite timeline pour vous faire une idée des autres événements marquants dans l’histoire de l’entreprise :
1841 : Création de l’entreprise par Thomas Cook
1845 : Premier voyage commercial
1855 : Premier voyage organisé en Europe passant notamment par Paris pour l’exposition universelle
1864 : John Mason Cook, le fils de Thomas Cook rejoint l’entreprise à l’âge de 30 ans
1865 : Ouverture du premier magasin à Londres
1866 : Organisation du premier voyage en Amérique
1872/73 : Thomas Cook met en place et dirige le premier tour du monde. Ce voyage extraordinaire durera 222 jours et plus de 46’000 kilomètres
1892 : Décès de Thomas Cook, père fondateur de l’entreprise à l’âge de 83 ans
1896 : L’entreprise est désignée comme « Official Passenger Agent » lors des premiers Jeux Olympiques modernes à Athènes
1922 : Premier tour à travers l’Afrique, du Caire au Cap, le voyage dure 5 mois et comprend un safari d’un mois.
1927 : Premier tour par les airs : un groupe de six personnes prend l’avion de New-York à Chicago pour 575 dollars par personne
1928 : L’entreprise est vendue à la Compagnie Internationale des Wagons-Lits et des Grands Express Européens
1965 : Les profits dépassent £1mio pour la première fois
1989 : Développement de nouveaux réseaux à l’échelle mondiale
1990 : Acquisition des opérations de change au détail à Deak International, permettant ainsi à Thomas Cook de devenir leader mondial dans ce domaine
1997 : Thomas Cook permet de réserver ses vacances sur internet, il est le premier voyagiste en Angleterre à proposer ce service
2003 : Lancement de Thomas Cook Airlines
2015 : Nouveau partenariat avec le groupe d’investissement chinois Fosun Int. Ltd.
2019 : Faillite de Thomas Cook aboutissant au plus grand rapatriement de civils en temps de paix dans l’histoire de l’Angleterre
La chute d’un empire, causes et coupables
Tout semblait pourtant sourire au voyagiste avant cette fin brutale, quoique pas si brutale que cela en fait. Déjà en novembre 2011, l’action Thomas Cook a chuté de 75%, pénalisée par ses actionnaires à la suite du report de la publication des résultats du groupe. En effet, l’entreprise était apparemment déjà en discussion avec les banques… Cela s’explique notamment suite aux troubles occasionnés par le Printemps Arabe sur le tourisme et sur un pouvoir d’achat faiblissant au Royaume-Uni.
Par ailleurs, Thomas Cook souffre encore de sa fusion avec son concurrent My Travel, qui était déjà dans les chiffres rouges. L’arrivée ensuite de la concurrence par la voie numérique, les sites internet proposant des voyages à prix cassés (pour une crédibilité parfois douteuse) expliquent aussi la posture difficile du voyagiste. D’après d’autre sources, le coût d’exploitation de sa propre compagnie aérienne est aussi à mettre en cause. De plus, exploiter une telle compagnie sur le marché aérien européen n’a rien d’anodin lorsqu’on est confronté à des compagnies low-cost et à un marché du kérosène où les transactions doivent être faites en dollars. Ajoutez à cela la livre sterling qui perd considérablement de sa valeur à cause de la menace du Brexit sans deal et tout est réuni pour partir avec un fort désavantage face à la concurrence.
Enfin, et puisqu’on en parle, le danger d’un Brexit a incité une partie des clients anglais de Thomas Cook à repousser leurs voyages.
Apparemment donc, ce n’est pas uniquement Thomas Cook qui est à mettre en cause dans cette histoire de faillite, mais plutôt le contexte économique tendu exacerbé par l’incertitude qui règne dans le monde politique au Royaume-Uni face au Brexit. Thomas Cook, certes en posture déjà fragilisée, est la première victime du Brexit et il ne serait pas étonnant de voir d’autres entreprises en difficulté (aussi anciennes soient-elles) souffrir de cette situation.
Alexandre Lachat