La légalisation du cannabis, la question épineuse de la prochaine décennie

La question de la légalisation du cannabis agite l’opinion publique depuis plus de 20 ans. Les récentes avancées sur le sujet effectuées par le Canada, la Californie ou encore l’Uruguay ont relancé ce débat houleux.

Avant d’analyser les avantages et inconvénients d’une potentielle légalisation du cannabis, quelques précisions sont nécessaires pour comprendre les effets du cannabis récréatif sur notre organisme. En effet nous parlerons dans cet article uniquement du cannabis récréatif (qui est illégal) dont la substance active principale est le THC, et non pas du CBD légal en Suisse.

Le cannabis est considéré comme une drogue douce car il ne peut causer d’overdose ou de dépendance physique. Ses effets principaux sur l’organisme sont l’euphorie, la relaxation, la stimulation de l’appétit, l’amélioration du sommeil, le ralentissement ou l’augmentation de la perception visuelle, la stimulation de la créativité et les hallucinations (pour des doses très fortes).

La dépendance éventuelle au cannabis est uniquement psychique, c’est-à-dire qu’aucun effet direct n’est constaté sur le corps. Les seuls effets de manque qui peuvent se produire en cas de consommation élevée et chronique sont des troubles du sommeil, de l’appétit et de l’humeur.

Dans certains cas l’addiction est due non pas au cannabis, mais à la nicotine. En effet, de nombreuses personnes coupent leur herbe avec du tabac, ce qui peut provoquer une addiction à la nicotine en cas de consommation régulière.

Lorsque le cannabis est mélangé avec de l’alcool à forte dose de façon régulière, on peut voir apparaitre certains troubles de l’apprentissage et de la mémoire (troubles cognitifs), les mêmes qui peuvent survenir chez de très jeunes consommateurs. Leur cerveau n’ayant pas encore complètement fini d’évoluer, ils s’exposent à un risque beaucoup plus élevé en cas de consommation régulière. Les troubles cognitifs sont bien plus importants chez l’enfant que chez l’adulte (jusqu’à une perte de 8 points de Q.I chez l’enfant).

Pour des consommateurs de longue date, réguliers et adultes, on estime que les troubles cognitifs surviennent en général vers l’âge de 50 ans.

Le cannabis à forte concentration de THC (plus de 10%), notamment tel qu’à Amsterdam, pourrait, selon des scientifiques, augmenter encore plus le risque de développer des troubles mentaux.

La seule substance dans le cannabis qu’on peut considérer comme dangereuse directement pour la santé physique (risque de cancer, maladies cardio-vasculaires etc.) est le tabac, utilisé parfois pour « couper » l’herbe. Pourtant il existe plusieurs moyens où aucune combustion n’a lieu et où aucun tabac n’est nécessaire, comme par exemple les vaporisateurs.

Certains scientifiques avancent aussi qu’il existe une sorte de chronologie dans la prise de drogues. C’est-à-dire que si l’on consomme de manière occasionnelle ou régulière de l’alcool, du tabac puis qu’ensuite on commence à prendre du cannabis, on sera plus enclin à essayer des drogues plus fortes comme par exemple le LSD, l’extasie ou encore la cocaïne. Le sommet de cette pyramide étant bien entendu l’héroïne et ses dérivées qui peuvent provoquer une addiction puissante dès la deuxième prise. Ainsi, dans cette logique, la légalisation du cannabis pourrait favoriser la prise de drogues dures.

Malgré tout cela, le cannabis est considéré par de nombreux scientifiques comme moins dangereux que l’alcool (bien entendu, la comparaison est également valable pour la cigarette mais son effet psychotrope étant extrêmement faible, faire le parallèle avec l’alcool paraissait plus pertinent).

En effet, l’alcool, bien qu’autorisé par la loi, est bien plus nocif pour la santé de façon directe que le cannabis. En plus d’altérer les fonctions cognitives lors d’une consommation régulière à long terme, la consommation d’alcool peut engendrer une cirrhose du foie, augmenter le risque de cancers et de maladies cardio-vasculaires et peut créer une réelle dépendance physique (tremblements, sueurs et agitation lors du sevrage).

La question qu’il est légitime de se poser est la suivante : pourquoi avoir interdit le cannabis et non l’alcool ou la cigarette ? L’origine de cette prohibition est expliquée dans un documentaire intitulé Grass is greener. Disponible sur Netflix, il retrace l’histoire du cannabis et comment il a été volontairement connoté de manière négative par le gouvernement américain au début du 20ème siècle pour stigmatiser les populations afro-américaines et latino. Ce dernier a même été plus loin en inventant de fausses études (depuis largement réfutées par les scientifiques) qui faisaient le lien entre le taux de criminalité de certaines villes où la population était en majorité afro-américaine et latino et la consommation de cannabis. Le terme Marijuana a été répandu par ce gouvernement pour que par sa prononciation hispanique les gens fassent délibérément le lien entre « drogue » et population latino. Forcément, à ce moment-là de l’histoire, les États-Unis étant extrêmement influents sur le monde, tous les États européens ont suivi en interdisant la consommation, bien que cette dernière soit présente dans nos sociétés depuis le Néolithique.

Si l’État vient à légaliser le cannabis, du moins sous une forme contrôlée comme à Amsterdam, il pourra non seulement maîtriser le marché en protégeant le consommateur au niveau de la qualité (parfois le cannabis peut être coupé aux métaux lourds ou aux additifs), mais permettra également l’anéantissement presque complet du marché noir du cannabis tout en récoltant une manne énorme qui permettrait bien des choses.

Par exemple, lors de la légalisation du cannabis au Canada l’année dernière, une sorte d’engouement boursier est apparu. On estime que 6 milliards de dollars pourraient être générés chaque année au Canada grâce au cannabis, sans compter le cannabis thérapeutique.

Environ 130 tonnes de cannabis sont consommées chaque année en Suisse. Environ un tiers de la population des moins de quinze ans l’a déjà expérimenté. Environ 200 000 personnes en fument chaque mois. Le cannabis, étant la drogue illicite préférée des Suisses, n’est plus contrôlable par l’État. Le deal se fait presque sous les yeux des policiers. De plus, la consommation est de manière générale acceptée socialement. Le Conseil Fédéral a d’ailleurs commencé à assouplir la base légale concernant le cannabis pour permettre des essais dans plusieures villes de Suisse.

Pour conclure, le cannabis est une drogue et on ne dira pas le contraire, mais elle n’est pas plus dangereuse pour la santé que la cigarette ou l’alcool.

Elle est tellement consommée qu’il ne fait plus sens de punir les consommateurs. Il faut même les protéger en mettant en place une forme de légalisation contrôlée qui permettrait d’améliorer la qualité, d’en restreindre l’accès, et d’en tirer des bénéfices qui profiteraient à l’ensemble de la société. Nous pouvons même imaginer une réglementation sur le taux maximal de THC dans le cannabis.

Cette question va probablement être inscrite à l’agenda politique du nouveau parlement qui sera élu ce dimanche (je vous encourage à voter si ce n’est pas encore fait). En effet de nombreux candidats, de gauche comme de droite ont affirmé leur volonté de légaliser le cannabis dans les prochaines années.

Jean Loye