Le racisme dans le football

‘’Black Friday’’. Voici la une du journal sportif italien Corriere dello Sport du 5 décembre 2019. Cette manchette, qui ne fait nullement référence à la journée commerciale d’avant Noël, fait grandement polémique de l’autre côté des Alpes. En effet, ce titre accompagne la photo de deux joueurs africains du championnat italien. De même, ce week-end du 7 décembre 2019, un supporter de l’équipe de Manchester City est aperçu à la télé mimant des gestes de singe lorsqu’un joueur de couleur de l’équipe adverse se présente face à lui. Ces deux événements démontrent une tendance qui dépasse le sport et que nous cherchons à éradiquer : le racisme.

La médiatisation du football

Depuis une dizaine d’années, le football est incontestablement le sport le plus populaire de la planète. Ce grand boom s’explique par le développement de ce sport, que ce soit au niveau des infrastructures dispersées partout dans le monde ou des droits TV qui ont transformé la discipline en véritable marché économique. En effet, l’économie a pris peu à peu le contrôle du football, avec des stades toujours plus grands, des salaires astronomiques ou encore des prix exorbitants pour assister à un match. Cette médiatisation accentue la visibilité du racisme au sein des populations, le stade étant un rare endroit public où les voix racistes peuvent se faire entendre.

Ce développement a de nombreuses conséquences, notamment avec le changement des types de personnes venant au stade. Les supporters ont petit à petit laissé leur place à la classe supérieure, et ceci est dû à l’augmentation des prix des billets.

Tout ceci nous amène au constat suivant : depuis la politisation du football, les actes racistes se sont multipliés. En analysant les cas d’incidents racistes des 50 dernières années, nous pouvons relever que la grande majorité se sont produits il y a moins de 15 ans. “Dans toute l’Europe, on assiste depuis quelques années à une montée du nationalisme, ainsi qu’à la libération d’une parole qui est longtemps restée tue parce que honteuse, et qui ne l’est manifestement plus”, souligne Nicolas Bancel, un historien du sport dans notre magnifique Université de Lausanne.

D’ailleurs, c’est seulement en mai 2013 que la FIFA (La Fédération Internationale du Football Amateur) prend des mesures radicales par rapport à la problématique raciale. Elles sont les suivantes :

  • Pour une première infraction ou une infraction mineure, les sanctions que sont l’avertissement, l’amende et/ou le huis clos (match joué sans supporter) doivent être prononcées.
  • Pour une récidive ou une infraction grave, les sanctions que sont la déduction de points, l’exclusion d’une compétition ou la relégation devraient être prononcées.

Le volet sanctions conclut que toute personne (joueur, officiel, arbitre, etc.) commettant pareille infraction doit se voir infliger une suspension d’au moins cinq matches assortie d’une interdiction de stade.

L’année 2019

Lors de cette année 2019, de nombreux incidents se sont produits, principalement dans les championnats anglais et italien. Dans ceux-ci, énormément de joueurs africains font partie des équipes et ceux-ci sont régulièrement victimes d’actes racistes, allant de chants discriminatoires aux bruits de singe, en passant par des lancers de banane.

L’incident qui a fait le plus parler de lui cette année 2019 est celui que j’ai présenté en préambule, avec le titre ‘’Black Friday’’. Cette histoire remonte à septembre 2019 lorsque le joueur congolais du club de Milan, Romelu Lukaku, est victime de cris de singe de la part de ses propres supporters. A la fin du match, et après une réaction ferme de la part de la victime, ces derniers ont tenté de clarifier la situation avec un communiqué dans lequel ils affirment notamment que ces cris ont pour but d’aider le joueur et l’équipe dans la globalité. Lukaku, qui décrit ce communiqué comme ‘’surréaliste’’, demande aux fédérations de football de prendre des sanctions, en vain…

Deuxième cas qui a fait polémique cette année, celui de Raheem Sterling, joueur évoluant dans le club de Manchester City et régulièrement victime de chants racistes, du fait de sa couleur de peau. Sterling est devenu une véritable figure de proue de la lutte contre le racisme, notamment avec son article dans The Times, où il affirme que le problème racial dans le foot est ‘’profond’’ et ‘’loin d’être réglé’’. Il propose aussi des solutions, telles que des retraits de points ou des matchs à huit clos, c’est-à-dire sans spectateurs.

Les solutions

C’est donc dans ce contexte tendu et difficile à gérer que les instances du football tentent de trouver les solutions les plus efficaces face à ce problème majeur. Car, malgré les retraits de points et autres amendes qui ne pèsent pas bien lourd dans les comptes des clubs, les actes se succèdent et ne cessent pas. Les mesures de 2013 présentées plus haut sont rarement suivies jusqu’au bout, puisque les organisations se limitent souvent aux simples charges financières. Des sanctions beaucoup plus sévères doivent être étudiées, comme par exemple l’exclusion du club de la compétition ou des interdictions de stade pour les supporters.

Un deuxième levier serait de ne pas laisser les instances du football gérer seules le problème. Par exemple, dans les cas de chants racistes, les coupables doivent être suivis et jugés judiciairement. Malheureusement, le football peine à s’ouvrir et tient à son autonomie, ce qui freine grandement ce processus.

Enfin, une diversité est nécessaire. Que ce soit dans les stades ou au sein des instances footballistiques, les personnalités issues de l’immigration sont rares et seraient bénéfiques à la résolution du problème. En effet, si les équipes regorgent de joueurs de nationalités diverses, le football reste essentiellement dirigé par des hommes blancs et il faut démontrer que l’on peut occuper des postes importants, quelle que soit son origine. Au niveau des joueurs, ils tentent d’éradiquer le problème avec de nombreuses campagnes anti-racistes, dont la plus connue a pour slogan ‘’Say no to racism’’.

En conclusion, des efforts de tous les côtés sont impératifs, pour faire taire le racisme et laisser place uniquement au beau jeu.

Tristan Bochatay