Pourquoi est-ce que nous faisons ce que nous faisons ? La théorie de l’auto-détermination d’Edward Deci et Richard Ryan peut nous aider à répondre à cette question.
Commençons par brièvement discuter de la nature humaine. Nous pourrions dire qu’une caractéristique centrale de la nature humaine est l’exercice actif de notre volonté ainsi qu’une disposition particulière à la synthétisation. En d’autres mots, j’ai des envies particulières propres à moi-même et mes intérêts, et je cherche à les réaliser. Ensuite, je fais sens de ces expériences en « les encodant » de manière intelligible dans mon esprit. Depuis notre naissance nous cherchons à nous réaliser. Nous sommes curieux, découvrons quelque chose de nouveau et cherchons à le comprendre. Notons que ce comportement est volontaire, il n’est pas motivé par une récompense externe.
Les choses que nous entreprenons ont des difficultés variables. Les épreuves les plus empoignantes sont les épreuves de difficulté « optimale ». Elles ne sont ni trop faciles, ni trop difficiles. Nous cherchons volontairement ces expériences de difficulté optimale. Nous les maîtrisons, synthétisons ce que nous avons appris et par cela nous ajoutons une brique à l’édifice de nos capacités.
En d’autres mots, l’humain a une tendance naturelle à explorer, puis organiser et structurer le monde et son esprit de manière de plus en plus élaborée. Mais pourquoi faisons-nous ça ?
L’être humain est un animal dual. Nous avons une composante matérielle avec des besoins physiques comme manger, boire ou dormir. Ces besoins sont régulés de manière autonome par notre physiologie. Mais nous avons également une composante immatérielle et la théorie de l’auto-détermination propose que nous ayons donc également des besoins psychologiques.
Quels sont donc ces besoins psychologiques d’une part, et qu’est-ce qui les régule d’autre part ? Ces besoins sont la compétence, l’autonomie et la connexion sociale. Ce qui régule ces besoins est le « soi ».
Le besoin de compétence décrit les efforts entrepris afin de contrôler le résultat d’une action et pour ressentir son efficacité dans l’obtention de ce résultat. En d’autres mots, le besoin de compétence décrit le besoin de comprendre les instrumentalités nécessaires à l’obtention d’un résultat souhaité et de réussir à exécuter ces instrumentalités de manière fiable. Le besoin d’autonomie englobe le souhait d’être agentique, de se sentir comme étant l’origine de nos actions, et d’avoir son mot à dire quant à nos actions. Il concerne le désir de sentir ses actions comme émanant du « soi », de soi-même, libre de contraintes. Finalement, le besoin de connexion sociale comporte le désir de se sentir connecté à d’autres, et de vouloir prendre soin des autres. De sentir que les autres et nous avons une relation authentique vis-à-vis de qui nous sommes. De manière plus générale, le besoin de connexion sociale est assouvi si nous sentons que nous participons de manière cohérente et satisfaisante au monde social.
Ces besoins psychologiques, comme les besoins physiologiques peuvent être insatisfaits. Cela génère de la motivation, une sorte d’énergie qui nous pousse à agir afin d’assouvir ces besoins. Si j’ai faim, je serai motivé à manger. Si j’ai un manque d’autonomie, je serai motivé à effectuer des actions dont je me sens être l’origine.
Ces besoins psychologiques sont donc l’origine de cette tendance naturelle, cette motivation intrinsèque à agir. C’est ensuite que rentre en scène le soi. Il y a beaucoup d’idées concernant le soi. L’une d’entre elles, popularisée par les apps de méditation, est que le « soi » est une illusion, que le « soi » n’existe pas. C’est une proclamation provoquante car j’ai tout de même la sensation d’être moi.
Ce que cela veut dire est que le « soi » est comme un programme installé sur un ordinateur qui a pour but la structuration de notre expérience. Nous sommes bombardés d’informations de provenance interne – des besoins psychologiques – ou externe – du contexte social. Le soi transforme et traite ces données de sorte qu’elles soient « en fonction de moi » ce qui est un format compréhensible et utile. Cette vision s’accorde avec la vision de la théorie de l’auto-détermination qui nous explique que le soi est une collection de processus régulateurs et assimilateurs, que le soi est la matrice qui nous permet d’interagir avec et de comprendre notre environnement social. C’est cette intégration d’événements qui est à l’origine de notre développement.
Nos besoins psychologiques, qui sont les besoins de compétence, d’autonomie et de connexion sociale, sont à l’origine de notre tendance naturelle à explorer. Ces expériences génèrent des données brutes qui doivent être traitées afin d’être assimilées. Le soi traite ces données en les intégrant à une « structure » unique, comme ajouter un étage à un gratte-ciel. Le soi joue donc le rôle de « chroniqueur » de notre vie, créant un fil rouge qui nous aide à faire sens des événements d’origine interne et externe auxquels nous sommes confrontés.