Comment la santé des migrants(es) est traitée comme un enjeu de sécurité en Grèce

La sécurité nationale, la biosécurité, la sécurité humaine et la sécurité de la santé publique sont les quatre principaux problèmes que les organisations de santé cherchent à surveiller.

C’est grâce à l’Initiative de sécurité de la santé mondiale que beaucoup de problèmes de santé et de sécurité ont été envisagés. Plus tard, l’Assemblée mondiale de la Santé est venue s’occuper de ces questions également.

La question repose sur la relation entre la sécurité nationale et la sécurité internationale. En d’autres termes, dans quelle mesure une maladie, une attaque (chimique ou biologique) sera-t-elle considérée comme une menace à la sécurité internationale ou nationale ? C’est après l’attaque du 11 septembre 2001 aux États-Unis que nous avons réalisé à quel point il était facile d’organiser une telle attaque ; ce qui était encore plus choquant, c’est que, quelques semaines plus tard, des lettres à l’anthrax avaient été envoyées à des civils, ce qui montrait qu’il était facile d’obtenir un accès à ces matériaux biologiques. C’est grâce à ce genre d’événements que la santé et la sécurité ont été considérées comme un ensemble.

Ebola, la poliomyélite et le virus H1N1 sont différents d’une certaine manière des maladies telles que le VIH (SIDA), la tuberculose et le paludisme (qui d’ailleurs font environ 5 millions de décès par an). Les maladies comme Ebola, le virus H1N1 et les poliomyélites sont des maladies qui pourraient être évitées et guéries en employant une stratégie de « risque » dans les pays en voie de développement. Cela servirait à éviter des victimes innocentes.

De plus, deux spécialistes notent que « la perte de vie prématurée et inutile est peut-être la plus grande insécurité de la vie humaine » (Chen et Narismhan 2003: 5). Des pays à faible revenu sont freinés par la faiblesse des infrastructures de santé publique ; les pays en développement doivent être prioritaires en la matière.

L’encadrement sécuritaire des maladies améliore-t-il ou diminue-t-il les tentatives internationales pour les gouverner plus efficacement ?

« Le discours sur la sécurité comporte quatre éléments constitutifs qui doivent être réunis pour garantir la réussite de la sécurisation (Buzan et al. 1998: 24, 36) : (1) les acteurs de la sécurisation (dirigeants politiques, experts du renseignement, etc.) doivent déclarer (2) qu’un objet de référence (tel qu’un État, une société ou une population) doit être menacé de manière existentielle (par exemple par une invasion immanente) et doit lancer un appel persuasif en faveur de l’adoption (3) de mesures d’urgence pour contrer cette menace (par exemple en déclarant une guerre ou en imposant un couvre-feu), et (4) le public doit alors également accepter cet argument dans une mesure suffisante pour qu’il soit possible de faire des choses de manière politique qui n’auraient pas été possibles autrement dans des conditions politiques normales ou plus courantes. » (Ibid., 11).

Toutefois, nous pouvons observer à travers le cas de la Grèce que nous avons des maladies non seulement physiques mais également mentales qui peuvent être utilisées dans un discours sécuritaire afin que le public accepte l’action des entités gouvernementales. L’organisation Human Rights Watch s’est rendue sur place à l’intérieur du camp de Moria situé sur l’île de Lesbos. Ces derniers ont constaté de mauvaises conditions d’hygiène, mais aussi que la pression et le harcèlement psychologique que les migrants reçoivent sont un vrai calvaire pour ces derniers.

Est-ce que l’instabilité mentale des migrants est un véritable argument sécuritaire ou plutôt une simple excuse pour que ces derniers ne viennent pas en Europe ?

Les migrants se trouvent dans des camps éloignés de la population ; ceci est justifié par le gouvernement qui prétend que de cette manière ils pourront recevoir le nécessaire pour leur survie.

Donc, le public accepte que ce soit l’Etat qui gère ces migrants de la manière qu’il considère légitime.

De plus, les maladies transmissibles telles que la grippe, la tuberculose, le choléra, le VIH ou l’hépatite sont prises comme des mesures de risque. Afin d’éviter un futur chaos ou que la population du pays concerné (dans ce cas, la Grèce) soit mise en danger, un discours « sécuritaire » est mis en place. Les migrants sont donc placés dans un espace séparé de la population. Les mesures employées varient, mais en général ils essaient d’avoir accès à des mouchoirs, à l’eau potable pour garder la meilleure hygiène possible et à des cours d’éducation sexuelle pouvant diminuer les risques de propagation de certains virus. C’est de cette manière que la santé des migrants(es) est traitée et est mise en avant comme un enjeu de sécurité.

Finalement, à travers certains articles scientifiques ainsi qu’avec des témoignages et des articles rédigés par des entités telles que l’Organisation mondiale de la Santé, Médecins sans frontières et Human Rights Watch, on peut voir à quel point la santé des migrants(es) est traitée ou gérée comme un enjeu de sécurité par l’État, particulièrement en Grèce. Le discours « sécuritaire » mis en place par l’Etat en isolant les migrants dans des camps loin de la population découle des « besoins spéciaux » dont les migrants auraient besoin. C’est-à-dire, ces derniers ne sont pas en « mesure » de rejoindre la population soit parce qu’ils sont porteurs de maladies telles que le choléra, la grippe, le COVID-19 ou la tuberculose, ou alors car ils ne sont pas en mesure psychologiquement de pouvoir s’intégrer avec le reste de la population.

Toutefois, lorsqu’il y a des problèmes avec les migrants portant sur un manque d’hygiène ou encore la pression psychologique dont souffrent ces derniers, l’État se cache derrière un autre discours politique. Il parle du « manque de ressources et d’aide » envers ces migrants qui affluent de plus en plus sur place.

Les discours varient donc essentiellement entre risque et menace, selon le but poursuivi par l’État.

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Gabriela Baechler
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– Michaël Wegmüller –

Sources:

Littérature :

Laurence Pillant, « En Grèce, une crise migratoire chronique », Plein droit 2016/4 (n° 111), p. 31-34.
DOI 10.3917/pld.111.0031

Revet, Sandrine. 2009. « « Vivre dans un monde plus sûr » ». Cultures & Conflits, no 75 : 33‑51

Aradau, Claudia, et Rens Van Munster. 2011. Politics of Catastrophe: Genealogies of the Unknown. New York : Routledge. Chapitre 1.

Elbe, Stefan. 2010. Security and Global Health. Cambridge : Polity. Chapitre 1.

Kelle, Alexander. 2007. « Securitization of International Public Health: Implications for Global Health Governance and the Biological Weapons Prohibition Regime ». Global Governance 13 (2) : 217‑35.

Articles :

Avramidis, Alexandros. “Grèce : Des Conditions d’accueil Inhumaines à La Frontière Terrestre,” juillet 2018. https://www.hrw.org/fr/news/2018/07/27/grece-des-conditions-daccueil-inhumaines-la-frontiere-terrestre.

Bernard, Pierre-Yves. “MSF Dispense Une Aide Humanitaire En Grèce Pour Les Personnes Fuyant La Guerre et Les Persécutions, Avant Qu’elles Ne Poursuivent Leur Voyage à Travers l’Europe.,” June 29, 2016. https://www.msf.ch/nos-actions/pays/grece.

Betty, Goguikian. “UNIGE/UNINE | L’accueil Des Migrants Impacte Leur Santé,” October 23, 2017. https://asile.ch/wp/wp-content/uploads/2017/10/Limpact_des_conditions__daccueil_sur_la_sante_mentale_des_migrants_1.pdf.

Descamps, Maud. “Les Migrants Sous La Menace Des Maladies Infectieuses,” December 4, 2016. http://www.europe1.fr/international/migrants-la-problematique-des-maladies-infectieuses-2717677.

Human Rights Watch. “Grèce : La Sécurité et La Santé Des Demandeuses d’asile Menacées,” May 12, 2017. https://www.hrw.org/fr/news/2017/12/15/grece-la-securite-et-la-sante-des-demandeuses-dasile-menacees.

Organisation mondiale de la Santé. “Migration et Santé : Les Principaux Enjeux.” 2018, n.d. http://www.euro.who.int/fr/health-topics/health-determinants/migration-and-health/migrant-health-in-the-european-region/migration-and-health-key-issues#page-wrap