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It’s a match? Retour sur un blind date entre économie et environnement

L’économie peut-elle aller de pair avec l’environnement ? C’est la question à laquelle s’est attelée la table ronde organisée par deux associations, oïkos Lausanne et Rethinking Economics Lausanne ce 27 février. L’association oïkos œuvre pour le management et l’économie durable, ayant pour mission de sensibiliser les étudiants et les étudiantes aux problèmes climatiques. Rethinking Economics Lausanne quant à elle défend le pluralisme économique afin de promouvoir plusieurs écoles de pensées et pas seulement les écoles classiques. Il s’agit lors de cette conférence d’évoquer le cas de deux écoles des sciences économiques ; l’école de l’économie de l’environnement et l’école de l’économie écologique.

Cette table ronde fut animée Haro Maas, historien de l’économie au Centre Walras-Pareto. Parmi les invités figurèrent Valérie Boisvert, économiste et professeure à l’institut de géographie et de durabilité et Nils Moussu, politiste et maitre-assistant en géosciences qui s’inscrivent davantage dans l’économie écologique. Jean-Pierre Danthine, professeur honoraire à l’EPFL et Sébastien Houde, économiste de l’environnement et professeur en HEC, complètent la table ronde en se rapprochant davantage de l’économie écologique, même si le titre de la table ronde et ces catégories seront discutées au cours de la conférence.

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Avant de rentrer dans le vif du sujet, la table ronde fut introduite par un bref rappel historique et la publication en 1972 du rapport du Club de Rome, Limmits of Growth. Ce rapport prévoyait des catastrophes à venir, ce qui était en son temps révélateur même si ce rapport a essuyé de nombreuses critiques. Ce rapport est une façon très moderne de modéliser l’économie, car il prend en compte les ressources et la technologie. Selon ce rapport, peut avoir un avenir durable étant donné les ressources et les technologies dont nous disposons ? Cela reste possible, mais fort peu probable. De cette façon, is it a match ? Est-ce que l’économie pourrait « matcher » l’environnement dans le cadre figuré d’un blind date entre géosciences, économie écologique, des économistes environnementaux ?

En effet, la question de l’environnement fait problème dans les sciences économiques : les modèles économiques sont souvent critiqués car ces derniers seraient invariables, en ne prendraient pas en compte les changements de long terme dans leurs modélisations. D’autres acteurs ont mis en lumière le manque d’institutions sociales et politiques. Encore pour de nombreux économistes, les ressources épuisables n’existent pas car il y a des substituts, en particulier par le progrès technique, qui serait alors sous-estimé. Or, d’autres acteurs et actrices ont défendu la thèse selon laquelle les problèmes environnementaux ne résolvent pas si l’on pense les ressources comme des substituables. Que faire de ces ressources naturelles, souvent considérées comme un bien public ? Comment élaborer un système incitatif et déterminer la bonne solution ? Et qui va le déterminer ? Est-ce que l’économie ne va pas finalement à l’encontre de l’environnement ?

L’économie écologique contre l’économie environnementale ?

En premier lieu, Nils Moussu rappelle que ces questions sont débattues dans un champ multidisciplinaire. Nous devons donc nous poser la question des unités à évaluer : des tonnes, des calories, des dollars ? Il faudrait également davantage discuter le cadrage dominant de la pollution comme externalité négative qu’il faut internaliser. Pour Sébastien Houde, les choix des agents économiques révèle le bien-être, donc il faut mesurer les choix et le bien-être des agents. Car ces choix s’établissement sous contrainte selon l’école des choix révélés. Il faut donc prêter attention aux marchés, car les prix absorbent toutes les informations, ce sont des éponges qui permettent de mesurer des préférences ; le prix est un mécanisme d’agrégation des préférences.

Pour Jean-Pierre Danthine, il ne fait pas sens d’opposer économie et environnement car l’économie comprend forcément les dynamiques environnementales dans son analyse. En rappelant les principes de l’équilibre général de Léon Walras, il faudrait proposer un mécanisme d’allocation des ressources fondées sur l’intérêt individuel qui promeut l’intérêt collectif. C’est ce qui permettrait d’éviter le chaos, en s’organisant par le système des prix, c’est-à-dire le marché. Sous certaines conditions, les décisions individuelles iront dans le sens de l’intérêt collectif. L’enjeu est ainsi de voir quand il y a et n’y a pas alignement entre les intérêts individuels et l’intérêt collectif ; quand cet alignement n’est pas observé, il faut que le collectif intervienne. Concernant l’environnement, le problème est qu’il n’y a pas de marché ; il faut donc trouver une solution collective, pour établir des contraintes sociales.

Pour Valérie Boisvert, la distinction entre écologie de l’environnement ou économie écologiste ne fait pas toujours sens. Il faudrait commencer par une économie des ressources, en s’intéressant à ce que produisent les créations de marché de toutes pièces. Il y a un enjeu de la qualification du problème ; des êtres comme les animaux par exemple brouillent les frontières de l’économie d’un point de vue éthique et moral, car ces animaux sont considérés comme des objets par certaines approches scientifiques. Pour Nils Moussu, la mise en marché des ressources est présentée comme une solution à de nombreux problèmes, mais serait en réalité davantage un postulat. Il faudrait donc à l’inverse se poser la question des instruments à mettre en œuvre et ce que l’on considère comme souhaitable. Pour Sébastien Houde, il faut mettre en place des incitations, des régulations, et de l’information. C’est la combinaison de ces trois aspects qui permet de construire une politique environnementale, car, à l’heure actuelle, on essaye de régler le problème sans comprendre les mécanismes de marché. Valérie Boisvert répondra que la nature résiste souvent à sa mise en marché, et Nils Moussu insista sur l’importance de politiser les limites planétaires, en se demandant qui est concerné par ces limites, et non penser le problème de manière uniforme comme le font les sciences économiques.

Nicolas Lenci
Nicolas Lenci
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