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Retour sur la conférence « Les clés pour mieux comprendre une personne autiste »

Le 3 octobre 2024, à l’occasion des Jours Santé de l’EPFL et de l’UNIL, a eu lieu la conférence de Cédric Goedecke et Lauriane Villain sur les choses à savoir pour mieux comprendre les défis auxquels sont confrontées les personnes autistes dans notre entourage.

Cédric Goedecke, coprésident de l’association A-Cube et pair-aidant spécialisé en autisme, a lui-même été diagnostiqué avec un trouble du spectre de l’autisme à l’âge de 42 ans. Lauriane Villain, ergothérapeute orientée dans l’accompagnement des adultes autistes à domicile, est également elle-même autiste.

Le but ultime de cette conférence était de sensibiliser les personnes non-autistes aux expériences vécues par les personnes autistes en explorant les défis principaux auxquels elles sont confrontées au quotidien, ainsi que de les former aux différentes façons d’éviter de les placer en situation de handicap.

Qu’est-ce que le TSA ?

Le trouble du spectre de l’autisme (TSA) est un trouble neurodéveloppemental qui affecte principalement la communication socio-émotionnelle, créant des difficultés dans la réciprocité sociale. Ce trouble se manifeste également par des intérêts restreints et des comportements répétitifs, et concerne aussi bien les enfants que les adultes. Il est important de noter que l’autisme est un spectre : il existe donc une variété infinie de cas, chaque personne autiste étant unique. Contrairement aux idées reçues, la plupart des personnes autistes n’ont pas de déficience intellectuelle et sont capables d’apprendre à des rythmes variés, sans qu’il existe un domaine standard où elles excellent plus que les autres.

« On ne voit pas, donc ça n’existe pas »

Le manque de compréhension est quelque chose de récurrent dans notre société. Cédric Goedecke explique que beaucoup de personnes, notamment ici à l’EPFL, sont des personnes ayant appris à « être caméléon », c’est-à-dire qu’ils s’adaptent constamment à la société forgée par les autres, de telle sorte qu’on ne voit pas (ou très peu) leur handicap. Lauriane Villain décrit que ce phénomène est très récurrent chez les femmes autistes, notamment à cause de toutes les valeurs sociétales imposées à celles-ci.

« L’autisme est une sorte de rempli, un retrait : lorsque nous voyons une petite fille dans son coin, on va se dire que c’est normal, qu’elle est juste timide. À l’inverse, quand c’est un petit garçon, cela saute tout de suite aux yeux, comme si quelque chose n’allait pas. »

L’ignorance présente autour du sujet fait que beaucoup d’entre eux se voient maltraitées dans de multiples actions du quotidien, des actions paraissant banales aux autres, mais qui sont en réalité de réelles difficultés pour les personnes autistes.

« Ce qu’il faut s’imaginer en ce qui concerne une interaction sociale pour une personne autiste, si on fait le rapport avec un paraplégique, c’est comme lui demander de monter un escalier sans sa chaise, en rampant. Quand il arrive au palier supérieur, il n’en peut plus. C’est pareil pour une personne autiste, mais nous ne le voyons pas. Chaque fois qu’on demande à une personne autiste de forcer des relations sociales, on le traîne, c’est de la maltraitance pure, mais les gens ne s’en rendent pas compte, car c’est de l’autisme. Ne pas voir, c’est ignorer. »

La traduction entre deux mondes

Lauriane Villain explique qu’il y a souvent des quiproquos dans le monde de l’autisme. Parfois, lors d’une interaction sociale, la personne autiste pense comprendre quelque chose venant de son interlocuteur, en s’imaginant que lui aussi a compris ce qu’il veut dire réellement, alors que ce n’est pas le cas. Quand quelqu’un a ses difficultés, il faut toujours s’assurer que l’échange soit clair et que la personne soit sur la même longueur d’onde conversationnelle.

Cédric Goedecke, en tant que pair-aidant, nous rapporte son expérience en disant que lorsqu’il intervient dans des relations impliquant des personnes (patron/employé, étudiant/prof, enfant/parent), l’élément clé est de savoir faire la traduction entre les deux, car chacun a son référentiel : dans le monde de l’autisme, il est courant que certaines évidences ne soient pas les mêmes que celles de la personne en face. Donc, on a tendance à ne pas dire certaines choses, ce qui rend le dialogue davantage sujet à quiproquos.

La notion de « spectre »

Nous avons relativement peu de formation concernant les autistes. L’ignorance médicale est augmentée par plusieurs facteurs, notamment le fait que les diagnostics sont partagés entre différentes pathologies, car beaucoup d’aspects singuliers allant de pair avec l’autisme sont des réalités pour une myriade d’autres pathologies.

Cédric Goedecke explique que quand un médecin rencontre un autiste et se documente pour pouvoir l’accompagner, il s’imagine que son cas s’appliquera par analogie aux autres cas d’autisme, ce qui est très loin de la réalité. L’autisme est un spectre, signifiant que chaque individu autiste peut présenter des caractéristiques très différentes. Cela va des personnes ayant de légères difficultés d’interaction sociale à celles nécessitant un accompagnement constant dans leur quotidien.

« Comme tous les êtres humains, les autistes sont des êtres sociaux, mais les relations sociales nous fatiguent, donc nous ne pouvons pas être sociaux tout le temps, et on ne peut surtout pas être social dans des grands groupes. On a besoin de notre tranquillité, on a besoin de pouvoir échanger directement avec la personne. »

Les problèmes que les autistes ont, qu’ils soient Asperger ou autistes de type 3, sont les mêmes. La différence sont les outils qu’ils ont pour faire face à cela. Les personnes Asperger sont bien mieux outillées, et les outils que nous avons aujourd’hui ne sont pas les outils que nous aurons demain. Quand on compare les autistes entre eux, on voit les mêmes problèmes à la source, mais ce sont les outils dont ils sont munis pour affronter le handicap qui diffèrent.

« Est-ce que l’évolution sociale d’une personne ayant été diagnostiquée dès le plus jeune âge est plus facile que celle d’une personne qui ne le sait pas jusqu’à tard ? Ou à l’inverse, est-ce que c’est plus difficile socialement à cause de la vision peu évoluée (jugement de valeurs) de notre entourage sur l’autisme ? »

On apprend avec l’expérience. Aujourd’hui, typiquement, quand les gens sont diagnostiqués tôt, on leur assène par la force plein de connaissances sur le fonctionnement social qu’elles mettront en œuvre plus tard. C’est très bien, cela leur construit de bonnes bases.

Le problème, c’est que les compétences sociales se développent en majorité par l’échange avec l’entourage, ce qui va dépendre de l’envie de la personne autiste à collaborer. Certains vont fatiguer plus vite, d’autres moins. Mais lorsqu’on se fatigue vite, on se met en retrait plus facilement, ce qui fait qu’on se développe moins socialement, conduisant à une spirale d’isolement.

Aujourd’hui, on a tendance à dire que plus tôt on diagnostique la personne, plus vite on peut mettre en place des outils lui permettant de s’adapter et de se développer.

L’erreur qu’il y a dedans est que plus vite la personne est diagnostiquée, plus on va la « protéger » en prenant des mesures conduisant à l’isolement. La personne prend l’habitude à ce qu’on la prenne par la main, et donc se réfugie dedans, conduisant à son isolement.

Une personne diagnostiquée pendant l’adolescence vit souvent un grand refus du diagnostic, car c’est l’âge où ils veulent faire partie de la société. Recevoir un diagnostic à cet âge-là, c’est comme si on leur disait « Tu ne feras pas partie de la société »,

« En tant que professeur, comment est-ce que je peux mieux accompagner mes étudiants autistes ? »

La réponse n’est pas évidente. Les autistes sont tous différents, et ont donc des besoins différents. Le but c’est que les personnes ressortent avec les mêmes acquis, et si possible avec le plus d’outils pour pouvoir réussir. Or, si on dit aux autistes de travailler tout seul dans leur coin, on ne les forge pas à une future réalité professionnelle. Donc c’est une bonne chose qu’ils apprennent à travailler en groupe.

À l’opposé, si cela devient trop handicapant pour leur apprentissage, ce n’est pas favorisé. Ce qui se cache derrière est que nous devons garder les besoins de la personne, sans négliger les objectifs de la formation.

Comment être bienveillant envers les personnes autistes ?

Être bienveillant envers les personnes autistes consiste avant tout à faire preuve de compréhension, de respect et d’adaptabilité. Il est essentiel de s’informer sur l’autisme et de reconnaître qu’il s’agit d’un spectre aux manifestations diverses, chaque personne ayant ses propres besoins et sensibilités. Cela implique de respecter les différences sensorielles, d’adapter la communication en privilégiant la clarté, et de laisser à chacun le temps de s’exprimer sans pression. Il est aussi important de ne pas infantiliser ou surprotéger les personnes autistes, mais plutôt de soutenir leur autonomie et leur indépendance. En étant ouvert aux ajustements et en évitant les jugements sur les comportements qui peuvent sembler inhabituels, nous créons un environnement inclusif et respectueux, où chaque personne autiste peut évoluer à son rythme.

Candelaria Marmora
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Sources :

Conférence « Les clés pour mieux comprendre une personne autiste »