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Exode des leaders : Pourquoi tant de CEOs quittent le navire ?

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Depuis quelque temps, les médias rapportent régulièrement des départs de CEOs de grandes entreprises. Parmi les plus récentes, on retrouve Laxman Narasimhan de Starbucks, Dave Calhoun de Boeing, John Donahoe de Nike, Stephen Scherr de Hertz. Mais pourquoi partent-ils donc tous maintenant ? Cet article explore les différentes raisons derrière cette augmentation de turnover, ou taux de renouvellement des postes de direction, dans les entreprises.

Un taux record de turnover chez les CEOs

Selon les données de Challenger, Gray & Christmas, l’année 2023 a marqué un record dans le nombre de départs de CEOs, avec plus de 1900 chefs d’entreprise ayant quitté leur poste. Cette augmentation de 55 % par rapport à l’année précédente représente le plus haut taux depuis que cette firme de recherche suit ces statistiques, donc depuis 2002. Les secteurs les plus touchés incluent le gouvernement et les organisations à but non-lucratif (+79 %), la santé (+70 %), et la technologie (+26 %).

Selon Andy Challenger de Challenger, Gray & Christmas, c’est pendant les périodes stables que les entreprises voient l’opportunité de changer de dirigeant, car elles peuvent se concentrer sur des stratégies à long terme sans être absorbées par les urgences quotidiennes d’une crise.

En période de crise, comme pendant la pandémie du COVID-19, les entreprises sont plus réticentes à effectuer des changements de leadership et préfèrent garder un CEO expérimenté pour maintenir la stabilité.

Les raisons principales des départs des CEOs

Selon Alexander Kirss de Gartner, il y a quatre raisons principales de cette augmentation aux départs des CEOs.

1. Retraites différées

Pendant la pandémie, de nombreux dirigeants ont choisi de repousser leur retraite pour maintenir leur entreprise à flot durant la crise. Maintenant que la situation est plus stable, ces leaders profitent de cette fenêtre pour passer le flambeau en douceur.

2. Burn-out et bien-être mental

Alors que la situation économique actuelle est relativement stable, permettant aux entreprises de reconsidérer leur leadership, de nombreux CEOs sont encore marqués par les défis successifs auxquels ils ont dû faire face ces dernières années. Après avoir mené leur entreprise à travers la pandémie, ils ont été confrontés à des enjeux complexes, comme la pression constante des actionnaires pour maintenir des performances élevées, ainsi que l’inflation et les tensions géopolitiques qui ont suivi le COVID-19.

Ces défis ont contribué à une fatigue accumulée qui pousse aujourd’hui beaucoup de dirigeants à revoir leurs priorités. Selon une étude de Deloitte, presque 70% des cadres supérieurs envisagent sérieusement de quitter leur job pour un autre qui répond davantage à leur besoin en matière de bien-être. Ce phénomène traduit un désir de redéfinir l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle. Pour de nombreux CEOs, il s’agit d’échapper à la pression incessante pour privilégier une approche plus soutenable et un meilleur alignement entre carrière et qualité de vie.

3. Sous-performance et pression des actionnaires

Le but principal des actionnaires étant, pour faire simple, de gagner beaucoup et rapidement, le dirigeant doit donc satisfaire cette demande au risque d’être poussé vers la sortie. On peut citer l’exemple de Laxman Narasimhan avec Starbucks, qui face à une baisse de fréquentation de leurs boutiques et une chute de l’action, s’est vu être remplacé après seulement 17 mois de gouvernance par Brian Niccol (ex-CEO de Chipotle), ce qui a provoqué après l’annonce de cette information une hausse de l’action Starbucks de 24.5% et une baisse de celle de Chipotle de 7.5% selon CNBC.

4. Opportunités plus attrayantes

Enfin, certains dirigeants choisissent de quitter leur poste pour des offres plus alléchantes. Brian Niccol en est un parfait exemple, car en signant avec Starbucks, l’homme d’affaire se retrouve avec un contrat d’un montant allant jusqu’à 113 millions de dollars, soit le quadruple de celui accordé à son prédécesseur selon The Guardian.

Autres raisons contribuant aux départs

Départ des baby-boomers et arrivée de nouvelles générations de leaders

Avec de nombreux baby-boomers atteignant l’âge de la retraite, un changement de culture s’opère dans les entreprises, qui voient émerger une nouvelle génération de leaders plus jeunes. Ces jeunes dirigeants apportent une perspective différente, souvent plus en phase avec les attentes sociétales actuelles, notamment en matière d’inclusivité et d’éthique. Des comportements autrefois tolérés voir ignorés par les générations précédentes, comme ceux révélés durant le mouvement #MeToo, sont aujourd’hui moins acceptables. Les nouvelles générations de leaders, normalement sensibilisées à ces enjeux, sont donc perçues comme mieux préparées à établir des environnements de travail respectueux et responsables.

Par ailleurs, selon Challenger, Gray & Christmas, les entreprises, en quête de restructuration et de réduction des coûts, adoptent de nouvelles technologies et rationalisent leurs opérations. Ce climat est idéal pour l’ascension de dirigeants novateurs, capables de gérer ces transformations tout en insufflant une nouvelle culture d’entreprise plus alignée avec les valeurs actuelles de transparence et d’équité.

Conflit avec l’administration

Les relations entre les CEOs et les conseils d’administration peuvent être tendues, surtout en période de crise ou de changement stratégique. Les désaccords sur la gouvernance, les orientations stratégiques ou les priorités de l’entreprise peuvent mener les CEOs à démissionner lorsqu’ils ne sont pas soutenus.

Fusions et acquisitions

Les fusions sont souvent accompagnées de changements de leadership, et il est courant qu’un CEO soit remplacé lorsque deux entreprises se regroupent. Dans ces contextes, les différences de culture d’entreprise et de vision stratégique peuvent mener certains dirigeants à quitter leur poste pour éviter des conflits.

Scandales et problèmes éthiques

Enfin, des questions d’éthique peuvent précipiter les départs. Lorsqu’un CEO est impliqué dans un scandale ou une controverse, le conseil d’administration peut demander sa démission pour préserver la réputation de l’entreprise. Un exemple notable est celui de Travis Kalanick, ancien CEO d’Uber, qui a démissionné en 2017 sous la pression des actionnaires et du conseil d’administration, après une série de controverses liées à la culture d’entreprise et à des accusations de harcèlement. Face à ces scandales, la décision de son départ a été jugée nécessaire pour restaurer l’image de la société et amorcer une restructuration culturelle.

Les répercussions des départs de CEOs sur les entreprises et les marchés

Les départs fréquents de dirigeants ont des conséquences importantes. D’abord, ils perturbent la stabilité interne, affectant souvent les stratégies en cours et ralentissant les projets à moyen et long terme. Chaque changement nécessite un processus de transition, qui implique des coûts de recrutement et d’intégration.

Les marchés financiers, quant à eux, réagissent de manière immédiate aux changements de dirigeants, surtout lorsqu’ils sont inattendus. Les investisseurs peuvent voir ces départs comme des signes de risque, ce qui entraîne parfois une baisse temporaire des actions. En revanche, si un nouveau CEO est perçu positivement, les actions de l’entreprise peuvent en bénéficier, comme cela a été le cas pour Starbucks avec l’arrivée de Brian Niccol.

Une période propice aux changements, mais un avenir incertain ?

Cette période actuelle de stabilité relative est vue par certaines entreprises comme une occasion de revoir leur stratégie et de renforcer leur gouvernance, en effectuant des changements de direction. Cependant, à mesure que des incertitudes économiques et géopolitiques émergent, comme les conflits internationaux, l’inflation persistante et les élections américaines, il est probable que les entreprises redeviendront plus prudentes dans leurs choix de leadership, privilégiant la continuité plutôt que le changement. Ainsi, la question reste de savoir si cette tendance au turnover élevé va se maintenir ou si les entreprises adapteront leur gouvernance pour soutenir leurs CEOs face aux défis à venir.

Mina Ghassabi

 

Sources

BBC. « Uber: The scandals that drove Travis Kalanick out. »

YouTube. Why a record Number of CEOs are « resigning”.