Des gros, il y en a toujours eu et il y en aura toujours.
Certains le sont à cause d’une maladie externe, de médicaments, de l’hérédité ou d’un métabolisme lent. D’autres le sont à cause d’un trouble de l’alimentation ou bien simplement par choix. De plus, il est important de préciser que d’un point de vue médical, l’obésité est une maladie.
Actuellement, notre société fait face à ce que l’on pourrait qualifier d’épidémie d’obésité. Selon une étude de 2015 du New England Journal of Medecine, le nombre d’obèses a doublé dans plus de 73 pays depuis 1980. En Suisse, 12% des adultes sont obèses.
En réponse à l’augmentation de l’obésité dans le monde, un autre mouvement a fait son apparition dans notre société occidentale. Nous l’appellerons le mouvement de la « healthy life ». Il prône une hygiène de vie irréprochable. Au programme : régimes stricts et programmes sportifs intenses. Le but ? Prendre soin de son corps.
Ce mouvement est la principale raison de l’augmentation importante des salles de sport en Suisse (330 salles de plus entre 2015 et 2018 pour un total d’environ 1200 salles de sport en 2018)[1] et du business florissant généré par les multiples livres, vidéos et programmes sportifs que l’on trouve sur le net.
Un exemple : vous avez tous probablement déjà vu des vidéos de youtubeurs tels que TiboInShape ou Sissymua. L’on s’y expose à torse nu, exhibant des muscles luisants et donnant des conseils de « motivation » aux multiples abonnés que comptent ces chaînes YouTube.
L’explosion de contenu comme celui-ci est la preuve que notre société est très complexée par le corps. On ne verra jamais sur Internet un gros à torse nu, faire l’apologie du « mange ce qu’il te plaît ».
Ainsi, bien qu’il y ait de plus en plus d’obèses dans le monde, être gros est devenu très péjoratif.
Pour une bonne partie du commun des mortels, une personne obèse ou en surpoids, l’est seulement par faiblesse d’esprit, manque de volonté ou encore simplement par stupidité.
De plus l’obésité peut aussi être un indicateur de classe sociale. Une partie des personnes obèses le sont aussi car elles n’ont pas les moyens de se nourrir de manière saine et de faire du sport. Aux États-Unis par exemple, certains sodas peuvent coûter moins cher que de l’eau en bouteille…
Ainsi, certaines personnes, avec un poids dit « normal » prennent la liberté de critiquer ouvertement la surcharge pondérale des autres. Ils peuvent ainsi créer certains facteurs de discrimination à l’égard des personnes grosses.
Cette discrimination, on l’appelle la grossophobie (littéralement la peur des gros). Nombreux sont les femmes et les hommes qui en sont victimes chaque jour.
La grossophobie peut prendre différentes formes. D’un simple regard dans les escaliers, jusqu’à de la discrimination à l’embauche, où même à des insultes dans la rue. Une autre forme de discrimination qu’englobe le terme de « grossophobie » est le manque de matériel adapté aux personnes obèses, que ce soit les sièges de bus, d’avion ou même certains services publics comme l’hôpital…
Comme si l’on déniait complètement le fait que la population soit diversifiée d’un point de vue du poids : avec des gros, des maigres, des normaux etc… C’est bien pour cela que l’on parle de discrimination.
La prise de conscience de cette discrimination prend de plus en plus d’ampleur. La preuve : le terme « grossophobie » va même faire son apparition dans le dictionnaire en 2019.
Diverses associations tentent aussi de la combattre en essayant de bousculer les préjugés sur les obèses. Une d’entre elle, « Gras Politique », a sorti récemment un livre intitulé : « Gros n’est pas un gros mot » qui tente de dédiaboliser l’obésité. Les membres de cette association, majoritairement composée de femmes, sont aussi engagés pour l’égalité des sexes. En effet, les femmes sont généralement plus touchées par l’obésité que les hommes (pour des raisons de métabolisme) et comme dans pleins d’autres domaines, elles sont malheureusement plus souvent discriminées à cause de leurs poids.
En tant que gros, il m’est arrivé de nombreuses fois d’avoir été victime de grossophobie. Cela peut aller des remarques de certaines personnes de la famille, à certains camarades en cours et même parfois jusqu’à la caissière d’une station-service lorsque l’on a le malheur d’acheter un croissant.
Bien qu’étant gros à cause d’une maladie externe, toutes ces remarques m’ont longtemps complexé et blessé. Il m’est facile d’imaginer ce que ressentent les autres personnes qui ont souffert d’une ou d’autre forme de grossophobie.
Ainsi, voici mon conseil à vous, maigres gens.
Ne jugez point le poids des autres, ne faites point de conclusion hâtive. On ne peut pas savoir ce qui se cache derrière l’excès de poids de chacun. Notre corps nous appartient et ce n’est pas aux autres de se mêler de ce qui ne les regarde pas.
Et surtout n’oubliez pas que dans chaque gros, il y a un maigre qui sommeille et inversement.
Vivons gros, vivons heureux.
Jean Loye