Le voyage forme la jeunesse : mythe ou réalité ?

Au cours de l’Histoire, le voyage a joué un rôle prépondérant dans le développement de notre société. Que ce soit au niveau des découvertes à travers les explorations, de l’expérience acquise au cours du ‘’Grand Tour’’ en Europe ou simplement pour parfaire l’éducation, le voyage a toujours été un outil primordial de la diversité.

Déjà au Moyen-âge, les artisans devaient effectuer un compagnonnage pour acquérir un savoir professionnel. En France, le forgeron ou le maçon avaient l’obligation de parcourir le pays afin d’obtenir la reconnaissance de leurs pairs.

Aujourd’hui, le voyage est facilement accessible à tous, ce qui élargit considérablement le champ des gens concernés. Et d’un autre côté, ce développement démystifie cette notion, où l’authenticité est de plus en plus rare à trouver, voire impossible.

À l’instar de beaucoup de jeunes adultes, je me suis lancé le défi de parcourir le monde, à l’occasion de mon année sabbatique, pendant sept mois. Voilà ce que j’en ai particulièrement tiré.

Des grands voyages à l’Erasmus

Dans le courant du 18e siècle, le voyage a connu un grand bond en avant, principalement grâce à la révolution industrielle, qui a notamment permis de se déplacer plus rapidement au moyen de bateaux ou de trains. C’est dans ce contexte que commence le ‘’Grand Tour’’. Ce dernier correspond à un voyage d’apprentissage en Europe, effectué par les jeunes étudiants, dans le but de parfaire leur éducation et élargir leur manière de penser. Ces voyages deviennent nécessaires, voire obligatoires, pour toute personne destinée à une carrière prometteuse, ou simplement à la société aristocrate cultivée. De plus, voyager à cette époque est le seul moyen d’apprendre une nouvelle langue ou une nouvelle culture, étant donné que les ressources disponibles sont assez limitées. C’est aussi durant cette période que le récit de voyage connaît son apogée. Les quelques privilégiés ayant eu la possibilité de partir à l’étranger reviennent avec de nombreuses anecdotes à raconter, de paysages à dessiner ou de personnes à décrire. Toute la population est curieuse de savoir ce qui se passe dans le monde extérieur.

Un siècle plus tard, en 1841 pour être précis, un apprenti ébéniste va totalement changer le visage du voyage. Thomas Cook créa une entreprise de voyage du même nom, organisant différents périples, d’abord basiques et peu coûteux, allant de petits voyages commerciaux jusqu’au tour du monde, pour devenir l’agence que nous connaissons aujourd’hui (même si elle a fait faillite récemment).

Tout ceci nous amène au tourisme du 21e siècle, celui du low-cost, où il est très facile de voyager où l’on veut et quand on le souhaite. D’ailleurs, les chiffres sont éloquents. Selon le World Tourism Organization, 1,3 milliards de personnes ont voyagé en 2017, et ce chiffre atteindra presque les 2 milliards d’ici 2030, selon les prédictions de la même organisation. Ceci fait du tourisme l’un des secteurs économiques les plus importants.

Finalement, au niveau de l’éducation, le voyage a connu un tournant, lorsqu’en 1969, le projet Erasmus se concrétise. Ce dernier permet de faciliter les échanges d’étudiants entre des universités du monde entier.

À travers ce développement, nous pouvons voir l’évolution qu’a connu le voyage, dans un premier temps réservé aux grands voyageurs, pour devenir finalement une activité banale et abordable.

Un voyage à l’intérieur de soi-même

Les motivations du voyage sont diverses, et peuvent aller du désir de découverte à la soif d’apprendre, en passant par l’échappatoire du quotidien. Ou, en ce qui me concerne, un temps d’attente avant de se confronter à la dure réalité du monde universitaire. Le voyage permet une ouverture d’esprit qu’aucune école ne peut garantir, c’est pourquoi le voyage est souvent considéré comme la ‘’meilleure école de la vie’’. Le voyage permet l’apprentissage des codes de la société internationale, en se rendant compte de la diversité de notre planète, que ce soit au niveau de la culture, de la cuisine ou des paysages. Aujourd’hui, pour le développement de tout un chacun, il est indispensable de découvrir une autre culture ; c’est une éducation qui devient primordiale aux yeux de la société du 21e siècle.

Et la meilleure chose par rapport au voyage, c’est que toute nouvelle notion est assimilée grâce au contact avec l’autre. Le voyage repose sur l’altérité car il comprend la quête d’un nouveau lieu, celle d’un nouveau soi-même et la rencontre avec l’autre. Il y a confrontation en voyageant puisque c’est à ce moment-là que la personne rencontrée sort de notre quotidien habituel. La rencontre et la confrontation avec la personne étrangère ramènera systématiquement le voyageur à se recentrer sur soi-même.

Malheureusement, et comme démontré plus haut, il est de plus en plus rare de trouver cet ‘’autre’’, authentique, resté intact face à la croissance du tourisme. Cette dernière a évidemment changé la manière de penser des étrangers, cherchant, très souvent, à tirer un maximum de profit et en laissant de côté toute cette démarche humaine. L’étranger n’est pas le seul coupable, car nous pouvons également prendre en exemple tous ces étudiants Erasmus qui, une fois arrivés sur place, ont tendance à rester uniquement avec des gens de même statut, au dépit de la rencontre avec l’autre.

Cette situation est plutôt alarmante pour tous ceux ou celles qui souhaitent s’accomplir pleinement à l’aide des autres, car peut-être qu’un jour, il sera impossible de le faire.

Mais à la fin, toute la beauté de notre très chère et belle Terre, où tout est harmonieusement parfait, est emmagasinée dans le cœur du voyageur, qui se verra changé à jamais, et qui aura appris la vie.

Donc oui, selon moi, le voyage forme, et pas seulement la jeunesse, mais quiconque souhaite l’accomplissement de soi-même.

Je terminerai avec cette phrase de l’écrivain Jean-Pierre Vernant, tirée de La traversée des frontières, qui synthétise parfaitement ma pensée : « Pour être soi, il faut se projeter vers ce qui est étranger, se prolonger dans et par lui. Demeurer enclos dans son identité, c’est se perdre et cesser d’être. On se connaît, on se construit par le contact, l’échange, le commerce avec l’autre. Entre les rives du même et de l’autre, l’homme est un pont »

Tristan Bochatay