La psychanalyse, critique constructive

Avant de débuter l’analyse des critiques faites à la psychanalyse, quelques précisions nécessitent d’être amenées.

La psychanalyse est un terme général qui ne désigne pas spécialement une psychanalyse de type freudienne, mais l’ensemble du courant.

De plus, il est important de préciser qu’en Suisse, les métiers de psychologue (Master en psychologie) et psychothérapeute (Master en psychologie plus une formation continue de 5 ans) sont protégés et reconnus par la Confédération. Le titre de psychanalyste n’est quant à lui pas protégé et ne fait pas l’objet d’une réglementation particulière.

Je ne vais pas détailler ici les spécificités de la psychanalyse. Il existe des milliers d’articles sur la psychanalyse sur internet si vous le souhaitez.

J’ajouterais juste que les deux spécificités propres à tout le courant psychanalyste sont :

  1. L’existence de l’inconscient
  2. L’importance des événements passés sur le présent

Les critères de réfutabilité de Frank Popper

Une des critiques d’une partie de la communauté scientifique à l’égard de la psychanalyse intervient avec le développement de la méthodologie des sciences humaines et expérimentales. Karl Popper (1902-1994), chercheur en logique et méthodologie des sciences, met au point une méthode dont l’objectif est de distinguer la vraie science de la pseudoscience.

Un des points centraux de la démarche poppérienne est le critère de falsifiabilité (ou réfutabilité) qui consiste à affirmer qu’un énoncé est falsifiable « si la logique autorise l’existence d’un énoncé ou d’une série d’énoncés d’observation qui lui sont contradictoires, c’est-à-dire, qui la falsifieraient s’ils se révélaient vrais ». (K.POPPER, cité par A. CHALMERS, Qu’est-ce que la science ?, Paris, La Découverte, 1987, p. 76.) En d’autres termes, dans toute démarche scientifique, il doit être possible d’élaborer un énoncé contradictoire et observable permettant de réfuter la théorie/hypothèse que l’on cherche à tester, l’énoncé ne doit pas être vrai ou faux, mais l’on doit pouvoir en démontrer la fausseté. Ainsi, selon la logique poppérienne, n’importe quelle théorie scientifique, même la plus communément admise, n’est à l’abri d’une potentielle réfutation. Toute théorie scientifique doit donc être considéré comme une supposition, qui se rapproche le plus possible de la vérité.

Certains énoncés phares de la psychanalyse, comme par exemple l’existence de l’inconscient, ne sont pas réfutables et par conséquent pas scientifiquement démontré selon la logique poppérienne. L’hypothèse de la psychanalyse, « L’Inconscient désigne des pulsions, régies par des processus primaires, refoulées de la conscience » ne peut pas être falsifié, car il est impossible d’élaborer un énoncé contradictoire. C’est ainsi pour cette raison que la psychanalyse n’est pas en odeur de sainteté pour beaucoup de chercheurs en psychologie.

Car actuellement toutes les recherches faites en psychologie suivent une méthodologie pointue pour pouvoir être validées scientifiquement, le critère de réfutabilité en fait partie.

L’impact de Freud sur la psychanalyse

Si la psychanalyse est aujourd’hui aussi connue et probablement aussi controversé, c’est grâce, entre-autre, à son fondateur, Sigmund Freud (1856-1939), médecin autrichien.

Un des présupposés majeurs de la psychanalyse est l’existence de l’inconscient. Notion déjà soulevée notamment par Friedrich Nietzsche et Arthur Schnitzler, Freud a été le premier à en faire l’enjeu principal d’une théorie psychologique. À la base, Freud est neurologue, et non psychiatre. Il commence à s’intéresser à l’hypnose entre 1885 et 1886 en fréquentant les cours de Jean-Martin Charcot, médecin français. Ce dernier considère l’hypnosabilité (le fait d’être sensible à l’hypnose) comme un symptôme de l’hystérie, une des premières psychopathologies à être étudié. Freud se met lui-même à l’hypnose en essayant d’utiliser des suggestions directes afin de favoriser la prise de conscience de souvenirs traumatiques. Cette approche de l’hypnose conduisit Freud et son collègue Breuer à développer la catharsis, une méthode visant la remémoration et la verbalisation d’une scène traumatique refoulée et de l’affect qui y est lié. Anna O, considérée comme la première patiente de la psychanalyse, fut la première personne à expérimenter cette méthode.

Freud la fit par la suite évoluer en utilisant à la place de l’hypnose, l’association libre (exprimer ses pensées qui viennent à l’esprit de manière spontanée par rapport à un objet/sujet particulier). Freud a connu dès ses premiers écrits sur la psychanalyse de violentes réactions de la part de la communauté scientifique. À cause entre autres de la sexualité, le complexe d’Œdipe point central de la théorie freudienne et de la théorie de la libido, qui veut que la sexualité soit l’élément moteur de la vie psychique et du comportement.

Bien que médecin à l’origine, Freud considère que la psychologie (qui n’était à l’époque que très peu développée) doit dépasser le modèle physiologique qui attribue à chaque phénomène psychique une cause organique (bien que cela soit vrai dans certains cas). Pour lui, la psychologie doit avoir une place beaucoup plus grande dans le domaine de la pathologie. Mais Freud reproche quand même aux psychologues de l’époque de ne s’être davantage intéressé aux faits apparemment anodins de la vie quotidienne afin de mieux comprendre le psychique.

La psychanalyse fait donc partie de l’histoire de la psychologie. Mais contrairement à une idée reçue, Freud n’est pas du tout le « père » de la psychologie, bien que son apport ait marqué (en bien ou en mal) la psychologie.

Le plus grand apport de Freud à la psychologie reste l’interprétation des rêves. En effet, Freud réalisa un travail de recherche sans précédent pour mettre au point sa théorie sur les rêves. Le rêve reste toujours aujourd’hui un aspect très flou du psychisme humain.

Les rencontres de Freud avec d’autres chercheurs ont souvent été intenses mais brèves. Nombre d’entre eux, comme Jung et Adler, ont divergé avec Freud sur certains points de la psychanalyse freudienne et ont créé leur « école » tout en restant sur des bases de psychanalyse. La théorie Freudienne a également influencé différents psychologues, notamment Heinz Hartmann aux États-Unis ou encore Jacques Lacan en France, qui ont tous développé des formes différentes de psychanalyse.

Ainsi, la psychanalyse a énormément évolué depuis Freud. Il n’existe pas une psychanalyse mais des psychanalyses. L’approche psychodynamique fait partie de ces différentes variantes de la psychanalyse freudienne. Elle s’impose aujourd’hui comme la forme la plus aboutie, au niveau de la thérapie, de psychanalyse

L’approche psychodynamique, héritière de la psychanalyse

En Suisse, les titres de psychologue et psychothérapeute étant protégé par la loi, les études de psychologie ainsi que la formation post-grade en psychothérapie suivent un plan bien précis appliqué dans toute la Suisse. L’une des quatre spécialisations en psychothérapie, l’approche psychodynamique, est un courant fortement inspiré de la psychanalyse. L’approche psychodynamique est la seule variante de la psychanalyse à avoir le statut de psychothérapie.

L’approche psychodynamique est une sorte de version adaptée de la psychanalyse où la sexualité et le complexe d’Œdipe ont bien moins d’importance et où l’apport de la psychologie moderne est conséquent. De par leur formation en psychologie et en psychothérapie, les psychothérapeutes de l’approche psychodynamique restent les plus compétents dans le domaine du soin des psychopathologies et des souffrances ordinaires dans l’univers de la psychanalyse. Pourtant l’approche psychodynamique reste toujours quelque peu critiquée sur sa méthodologie, l’inconscient par exemple garde toujours la place centrale de cette psychothérapie, ce qui ne plaît pas à tous les chercheurs.

Il est important de préciser qu’en Suisse, le titre de psychanalyste n’est pas protégé. Il est donc très important de vérifier la formation du thérapeute.

Si vous avez l’intention de faire une psychanalyse, il serait préférable que votre thérapeute soit psychothérapeute spécialiste en psychodynamique ou alors psychologue spécialisé en psychanalyse.

L’effet Dodo, le résultat plutôt que la méthode

Pourquoi ne pas juger du bon fonctionnement d’une psychothérapie (l’approche psychodynamique dans notre cas) simplement en termes de résultats ? Il est vrai que les arguments méthodologiques ont leurs poids, cependant il n’empêche que l’objectif de toute psychothérapie est de soigner, de soulager la souffrance d’individus en crise. Pourquoi ne pas juger simplement une psychothérapie sur ses résultats auprès d’un grand nombre de personnes ?

De multiples études ont été faites sur le sujet, et leurs conclusions sont toutes similaires. Aucun type de psychothérapie ne soigne mieux que les autres. Les psychologues, ayant toujours un sens de l’humour frôlant l’excellence, décidèrent d’appeler cet effet « l’effet Dodo », en référence à Alice au Pays des Merveilles où un Dodo organise une course et où il s’exclame à la fin « tout le monde a gagné, tout le monde a le droit à un prix ». L’approche psychodynamique, héritière de la psychanalyse, fonctionne donc tout aussi bien que l’approche cognitivo-comportementale, l’approche systémique ou l’approche centrée sur la personne.

C’est d’ailleurs pour cette raison, que la psychologie reste très souple par rapport aux aspects méthodologiques et empiriques des thérapies. Car l’objectif premier de cette discipline n’est-elle pas l’amélioration de la santé psychique des individus ?

Jean Loye
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Sources :