Les pires expériences scientifiques et psychologiques de l’histoire

La science permet de réaliser de très grandes choses. À l’université, nous cherchons à satisfaire notre soif de connaissances et notre désir de mieux comprendre le monde qui nous entoure. Chaque science peut nous permettre de nous améliorer et de nous élever, que l’on étudie la physique quantique ou la sociologie, en passant par l’anthropologie ou la médecine, sans oublier l’économie. Passé son niveau théorique, la science aime à être appliquée, testée sur le terrain ou en laboratoire. C’est à ce moment très précis que, même si les résultats pourraient nous apporter une connaissance plus étendue, il faut se poser la question de l’éthique. Que peut-on faire avec des cobayes, humains ou animaux ? Quel stade de maltraitance est-il acceptable ? La science permet-elle de légitimer les pires atrocités ?

L’histoire de l’humanité est marquée par un certain nombre d’expériences scientifiques, sociales ou psychologiques, que l’on n’accepterait sans doute jamais à notre époque, tant elles témoignent de la cruauté dont l’homme est capable. Petit tour d’horizon non-exhaustif pour se rappeler l’utilité des commissions d’éthique dans les universités…

L’expérience de Stanford

L’une des expériences les plus célèbres en psychologie et sciences sociales a été menée dans le sous-sol de l’université Stanford, aux États-Unis. En 1971, Philip Zimbardo, professeur de psychologie, s’intéresse aux effets de la détention carcérale sur les individus. Pour cela, il recrute 24 participants, tous étudiants, pour une expérience devant initialement durer deux semaines. Il sépare aléatoirement les participants en deux groupes de douze personnes. Le premier groupe incarnera les gardiens de prison, tandis que le second groupe incarnera les prisonniers. Chaque individu reçoit donc l’uniforme correspondant à son rôle. Chaque prisonnier devait porter une longue blouse avec son numéro de détenu (il ne pouvait plus être appelé par son nom), sans sous-vêtements, ainsi qu’une chaîne à ses chevilles. Le gardien en revanche porte un uniforme militaire, des lunettes miroir (pour éviter tout échange de regard avec les prisonniers) et une matraque. Chaque participant était évidemment mis au courant de son rôle et de l’interdiction d’utiliser la violence physique. Au terme des six premiers jours de l’expérience, Zimbardo mit fin à cette mise en scène. En peu de temps, les gardiens s’étaient rendus coupables de violences physiques et psychologiques graves, allant jusqu’à des traitements sadiques à l’encontre des prisonniers, ceux-ci étant en grande détresse psychologique. L’expérience a permis de montrer que les individus se comportent conformément à la situation qu’ils vivent, et non d’après leurs prédispositions individuelles.

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L’expérience de Milgram

Il existe peu d’expériences scientifiques aussi connues que celle de Stanley Milgram. Entre 1960 et 1963, à l’université de Yale, toujours aux États-Unis, ce psychologue a mené une étude sur l’obéissance aux institutions que l’on juge légitimes. Dans une salle, il fait entrer un expérimentateur, qui représente l’autorité (ici : l’autorité scientifique, le chercheur), et un enseignant, qui est le cobaye réellement observé. L’enseignant doit dicter des mots à un élève, qui se situe dans une salle adjacente, sans contact visuel. L’élève, assis sur une chaise électrique, doit mémoriser les mots dictés par l’enseignant et, en cas d’erreur, il reçoit une décharge électrique. À chaque nouvelle erreur, le choc devient plus important, jusqu’au niveau maximum de 450 volts. Toutefois, l’élève est un acteur et les décharges électriques sont factices, ce qu’ignore l’enseignant. L’expérimentateur, représentant de l’autorité, encourage l’enseignant à continuer tout au long de l’expérience, malgré les hurlements de l’élève-acteur. Même si aucun châtiment corporel n’a été infligé aux participants de cette étude, les résultats sont effarants. Contrairement à ce qui était attendu, dans 25 cas sur 40, l’enseignant allait jusqu’à donner une décharge maximale (450 volts) et tous ont atteint ou dépassé les 300 volts. Les résultats ont permis de démontrer que l’on obéit lorsque l’ordre émane d’une autorité que l’on juge légitime, même si cela implique d’aller contre nos valeurs morales. Cette thèse a été largement reprise dans les procès des fonctionnaires nazis, tentant d’expliquer leurs actes par une soumission à l’autorité et une dépersonnalisation des victimes, plutôt que par cruauté consciente.

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Le chien-zombie

La médecine a aussi son lot d’expériences atroces. C’est ainsi que, dans les années 1940, deux scientifiques russes, Sergei Brukhoneko et Boris Levinskovsky, ont inventé le premier appareil de circulation sanguine artificielle. Permettant de remplacer le cœur et les poumons, la machine a été branchée sur une tête de chien qui a pu ainsi être ramené à la vie. La tête réagissait même à des stimuli externes, notamment en remuant les oreilles ou en clignant des yeux. Après quelques heures, la pauvre tête d’animal s’est éteinte une seconde fois.

Les expériences sur le langage et la communication

Dans cette catégorie, 3 expériences se distinguent, toutes plus terrifiantes les unes que les autres. Tout d’abord, l’expérience appelée Monster Study qui s’est déroulée en 1939 à l’université de l’Iowa, aux États-Unis, visait à soigner le bégaiement chez les enfants. Pour cela, 22 orphelins présentant ce trouble du langage étaient séparés en deux groupes de taille égale. Le premier groupe était encouragé et traité avec gentillesse, tandis que le second était traité avec méchanceté à la moindre erreur. Sans surprise, le second groupe était en telle souffrance psychologique que certains de ces enfants n’ont plus été en mesure de parler. Des années plus tard, la justice américaine a dû dédommager les participants à cette expérience.

Dans les années 1970, le psychologue américain Harry Harlow se distingua par une expérience sur la communication. Cette fois, les cobayes sont des bébés singes. Le singe étudié est placé dans ce que Harlow appelle fosse au désespoir, qui est un lieu d’isolement complet, avec une machine visant à effrayer le cobaye. Après une longue période d’isolement, les singes qui survivaient étaient remis avec leurs congénères. Seulement, ils étaient devenus fous et totalement incapables de communiquer. Une perspective inquiétante en période de confinement…

Enfin, une expérience bien plus ancienne nous vient de l’empereur romain Frédéric II, au XIIIe siècle. L’empereur polyglotte voulait découvrir la langue originelle de l’être humain, celle que nous parlons naturellement. Pour ce faire, il isola 6 bébés dans des pièces séparées, sans contact extérieur à l’exception de leur nourrice, celle-ci ayant reçu l’ordre de ne pas leur adresser la parole. Sans stimulus ni affection, les bébés se laissèrent tous mourir sans avoir jamais prononcé le moindre mot.

Le changement de sexe forcé

En 1966, John Money, un médecin néo-zélandais et chercheur à l’université Johns Hopkins, aux États-Unis, pratiqua un changement de sexe sur un bébé de 8 mois, Bruce Reimer. A la suite d’une circoncision ratée, le petit Bruce fut confié au Dr. Money. Celui-ci, en accord avec les parents, pratiqua une opération d’ablation de ses parties génitales et lui prescrit un traitement à base d’hormones. En grandissant, Bruce devenu Brenda ne réussit jamais à s’identifier au genre féminin. Il finit par changer de sexe à nouveau, se marie avec une femme, mais se suicide quelques années plus tard, n’ayant jamais réussi à se remettre des années de souffrances qu’il a pu connaître. Malgré tout, cette expérience permit de faire avancer la recherche sur les questions de genre.

Ne prétendant à aucune forme d’exhaustivité, cette mise en lumière de quelques-unes des pires expériences scientifiques en termes d’éthique rappelle que la science doit être manipulée avec précaution. Si bon nombre de ces expériences ont donné des résultats très importants et ont contribué de manière importante à notre connaissance du monde, elles n’en restent pas moins des agissements cruels envers des êtres vivants, animaux ou humains. Certains scientifiques ont écrit l’histoire grâce à leurs découvertes, d’autres l’ont écrite à cause de leurs agissements. C’est ainsi que des personnalités telles que le célèbre médecin et anthropologue nazi du camp d’Auschwitz, Josef Mengele, alias L’ange de la mort, sont tristement entrées dans l’histoire.

« La science ne consiste pas seulement à savoir ce qu’on doit ou peut faire, mais aussi à savoir ce qu’on pourrait faire quand bien même on ne doit pas le faire. » – Umberto Eco

Deborah Intelisano
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