La révolution américaine : un complot maçonnique ?

Tout au long de l’Histoire, des théories du complot ont été développées pour dénigrer certains événements historiques importants comme les révolutions américaine, française et russe. Dans ce premier volet sera traitée la révolution américaine.

On appelle la révolution américaine la période du XVIIIe siècle qui comprend des événements comme la guerre de l’indépendance des treize colonies américaines face à la Grande-Bretagne et dont le résultat est la naissance des Etats-Unis. La révolution américaine est un des événements les plus importants de l’Histoire puisqu’elle peut être considérée comme la première victoire d’un mouvement démocratique. Elle est la première guerre d’indépendance coloniale victorieuse et a été une source d’inspiration pour nombre de mouvements indépendantistes. Comme la plupart des événements historiques importants, des théories du complot circulent sur cet épisode. Parmi ces théories, la plus populaire est sans doute celle faisant de la révolution américaine l’œuvre d’un complot maçonnique. Cet événement si important pour l’histoire de l’humanité aurait-il vraiment été planifié par l’organisation fraternelle mystérieuse qu’est la franc-maçonnerie ?

Les pères fondateurs des Etats-Unis : des francs-maçons

Dans un premier temps, nous pouvons penser que le rôle de la franc-maçonnerie pendant la révolution américaine était certainement non-négligeable. Ce n’est désormais plus un secret, les acteurs les plus importants de cette période tels que George Washington, Benjamin Franklin, James Otis, John Hancock et bien d’autres étaient effectivement francs-maçons.

George Washington, sans doute la personnalité la plus emblématique de la révolution, occupa une place importante dans la franc-maçonnerie américaine. Il fut non seulement le commandant principal de l’armée continentale (troupe des treize colonies américaines), ainsi que le premier président des Etats-Unis, mais également un franc-maçon depuis 1752, devenant par la suite le vénérable maître de la loge numéro 22 d’Alexandria. Il a par ailleurs prêté serment sur une Bible maçonnique lorsqu’il a été élu président.

Benjamin Franklin joua également un rôle très important dans la révolution américaine : il a surtout participé à l’élaboration de la Déclaration de l’Indépendance ainsi qu’à l’établissement d’alliances entre les colonies et la France contre la Grande-Bretagne. Dans le même temps, il a énormément contribué à la franc-maçonnerie aux Etats-Unis. Etant un des francs-maçons les plus célèbres du pays, Franklin y a publié le premier livre de franc-maçonnerie. Il a visité de nombreuses loges en Europe et a été élu Grand Maitre de la Grande Loge de Philadelphie par deux fois.

Benjamin Franklin vêtu de son tablier de franc-maçon

Un autre personnage emblématique de l’époque fut le marquis de Lafayette. Ce Français, l’un des architectes de la victoire des treize colonies face à la Grande-Bretagne (surtout lors de la victoire de Yorktown), fut initié à la franc-maçonnerie en 1775.

Quand il est devenu franc-maçon, Washington avait environ 20 ans, Franklin en avait 25 et Lafayette 18. Leur très jeune âge lors de leur initiation à la franc-maçonnerie suppose que ces hommes ont grandi avec elle.

D’autres personnes importantes peuvent être citées pour des raisons similaires, telles Paul Revere, considéré comme un héros des batailles de Lexington et Concord, John Hancock, qui fut l’un des signataires de la Déclaration de l’Indépendance en 1776 et qui a fait partie du comité ayant protesté contre le massacre de Boston, Joseph Warren, James Otis… A part leur rôle déterminant dans la révolution, le point commun entre ces hommes est leur appartenance à la franc-maçonnerie. Les personnages énumérés ci-dessus n’étaient bien évidemment pas les seuls : beaucoup d’autres officiers qui ont pris part à la révolution faisaient également partie de cette confrérie.

Idéologie maçonnique très présente dans les jeunes Etats-Unis

Selon certains, la franc-maçonnerie constituerait même la principale force directrice de la révolution. C’est une idée très répandue au vu du grand nombre de francs-maçons ayant joué des rôles importants lors de la révolution. Nous pouvons effectivement trouver des éléments de la franc-maçonnerie dans la Déclaration d’Indépendance comme la tolérance, la liberté et l’égalité, qui occupent également une place importante dans la philosophie maçonnique. En outre, élire ses propres leaders et avoir une constitution étaient des thèmes vivement associés avec la franc-maçonnerie.

L’idée de la révolution elle-même a une place indéniable dans la franc-maçonnerie car les francs-maçons croient à la dignité humaine, aux droits de l’Homme, à la liberté de la presse et la liberté de religion, ce qui créa un conflit entre eux et les monarchies d’Europe continentale, ainsi que l’Eglise catholique romaine.

Nous pouvons également trouver des symboles représentant la maçonnerie dans différents contextes dès la naissance des Etats-Unis. Citons par exemple la cérémonie pendant laquelle George Washington déposa la première pierre angulaire du Capitole des Etats-Unis, vêtu de son tablier de franc-maçon, incorporant de ce fait la franc-maçonnerie dans un événement national. De plus, et contrairement à la Révolution française, les loges maçonniques américaines se multiplièrent suite à cet évènement.

Cérémonie lors de laquelle George Washington, vêtu de son tablier, pose la première pierre du Capitole

 

L’affiliation de nombreux acteurs de la révolution américaine avec les loges maçonniques, combinée avec la nature clandestine de la franc-maçonnerie ont sûrement favorisé l’émergence de nombreuses théories complotistes. La présence de symboles maçonniques (comme par exemple l’œil de la providence sur le billet d’un dollar américain) renforça encore l’idée. Il n’est donc pas si surprenant que de telles théories soient apparues, l’ordre social changeant avec la révolution, et, comme avec chaque révolution, des personnes se sont opposées à ce changement. Ces dernières ont vu dans le complot un moyen de dévaloriser cette révolution, le côté secret des francs-maçons leur donnant une image diabolique et sinistre, idéal pour condamner un tel évènement.

La franc-maçonnerie, mais pas seulement

Malgré la forte influence maçonnique dans les éléments clés de la révolution, il ne faut pas oublier que tous les grands acteurs de cette histoire n’étaient pas nécessairement francs-maçons. Parmi les plus importants, on pourrait citer Thomas Jefferson et Alexander Hamilton. Parmi les 56 hommes ayant signé la Déclaration de l’Indépendance de 1776, en effet, neuf seulement avaient une relation avec les loges maçonniques durant leur vie (16% des signataires). La Déclaration d’Indépendance a par ailleurs été principalement rédigée par Thomas Jefferson, qui n’a pas pris part à la franc-maçonnerie.

De surcroît, tous les francs-maçons n’étaient pas en faveur de cette révolution. Certains étaient même loyalistes, tel l’indien Joseph Brant, franc-maçon ayant pris position pour les Britanniques.

Il ne faut donc pas oublier, comme le montrent les points précédents, que tous les francs-maçons n’étaient pas patriotes (révolutionnaires), ni tous les patriotes francs-maçons. Certes, beaucoup de francs-maçons, en tant qu’individus, ont influencé considérablement la révolution américaine, mais aucune loge ne l’a jamais ouvertement soutenue. Leur appartenance à cette fraternité a sûrement joué un rôle dans le développement des idées de ces individus, mais les francs-maçons n’ont pas participé en tant qu’institution à cette révolution, qui ne saurait donc être un simple complot franc-maçonnique.

Sinan Güven
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