Le risque de pénurie énergétique durant cet hiver constitue actuellement un sujet récurrent dans les médias. L’économie, l’énergie et les événements politiques sont en effet étroitement liés, et l’impact d’un conflit régional tel qu’en Ukraine peut être dévastateur en matière d’approvisionnement en ressources naturelles. Ce n’est cependant pas la première fois que nous sommes confrontés à une crise de ce type et de cette ampleur, comme nous le verrons au sein de cet article.
Contexte historique
Dès la fin de la Seconde Guerre Mondiale, l’Europe doit se reconstruire et de nombreux plans de relance économique sont mis en place par les différents gouvernements afin d’aider le continent à se relever. Le plus fameux d’entre eux est le plan Marshall accordé par les Américains et portant sur des prêts de plusieurs milliards de Dollars censés permettre la reconstruction des infrastructures et relancer les pays dévastés. Ces aides, cumulées avec un progrès technique élevé ainsi qu’une situation de plein emploi, créèrent une situation de forte croissance économique et d’amélioration du niveau de vie des travailleurs.
Cette période de grande prospérité nommée « Trente Glorieuses » va durer près de trente années comme son nom l’indique, jusqu’à ce qu’une crise, en apparence cantonnée au Moyen-Orient, vienne rabattre les cartes de l’économie mondiale en 1973. La crise en question, c’est la guerre du Kippour.
Trois guerres, trois dénouements
« Vers l’Orient compliqué, je volais avec des idées simples. » Cette phrase du général de Gaulle sert bien à résumer les principes régnant dans cette région instable du monde depuis maintenant plusieurs décennies. Le plan de partage de la Palestine proposé par l’ONU en 1947 illustre bien ces propos. Il s’agit d’une proposition en apparence simple proposant une solution à deux États entre les peuples arabes et juifs en terres palestiniennes. De nombreux facteurs et enjeux complexes ne furent cependant pas pris en considération et les pays arabes se sentirent trahis lorsque David Ben Gourion proclama la création de l’état d’Israël une année plus tard. S’ensuivit la première guerre israélo-arabe directement remportée par l’État hébreu.
Cette victoire ne suffit cependant pas à apaiser les tensions et en 1967, inquiets de l’influence grandissante du mouvement panarabe mené par Gamal Abdel Nasser en Égypte, les forces israéliennes attaquent préventivement leurs voisins dans une offensive éclair qui sera bientôt nommé la guerre de Six-Jours, également remportée par Tsahal, l’armée israélienne. Il est important de noter que de vastes territoires seront conquis par celle-ci durant les affrontements.
Nous arrivons finalement en 1973 dans une période de conflit larvé. Les projecteurs sont davantage tournés vers le Viêt Nam où des accords d’armistice garantissant le retrait des troupes américaines viennent d’être signés. Les Etats-Unis amorcent dès lors un léger retrait des affaires internationales pour se recentrer sur leur politique intérieure. Les industries tournent à plein régime et assurent une croissance économique atteignant de jour en jour des sommets toujours plus vertigineux.
C’est dans ce contexte que le 6 octobre 1973, une coalition dirigée à nouveau par les Égyptiens et les Syriens lance une attaque surprise sur les positions israéliennes afin de récupérer les territoires perdus six ans auparavant. Ces derniers sont totalement pris au dépourvu et subissent initialement de lourdes défaites. Les Etats-Unis viendront par la suite apporter un soutien considérable au jeune État juif en lui fournissant de nombreuses quantités d’équipement militaire lui permettant de rapidement retourner la situation à son avantage sur le terrain.
L’appui stratégique fourni par les Américains sera mal perçu par les nations membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), essentiellement composée de pays arabes tels que l’Irak ou l’Arabie Saoudite. Celle-ci décidera donc de réagir en prenant des mesures pour le moins drastiques.
Un embargo lourd de conséquences
La guerre du Kippour n’est pas encore terminée que l’OPEP décide de drastiquement réduire sa production de pétrole brut et de frapper d’embargo tous les pays soutenant Israël, tel que les Etats-Unis et les Pays-Bas principalement. Le prix de l’or noir est également élevé de 17%. De plus, cette action coïncide au moment où les USA ont atteint leur pic de production domestique de pétrole brut. Le pays se trouve donc dans l’obligation de massivement importer des barils pour garantir son approvisionnement, comme le démontre le graphique ci-dessous. L’action de l’OPEP ayant ainsi entraîné un effondrement de l’offre, les prix du baril explosèrent et passèrent de 3$ à 18$ en l’espace de quelques semaines uniquement.
La nouvelle volatilité du Dollar américain sur le marché du Forex à la suite de l’abandon des accords de Bretton Woods (conversion entre les USD et l’or) plus tôt la même année aggrava encore davantage la situation.
Il est important de souligner qu’à cette époque, les économies développées dépendaient énormément du pétrole pour leur croissance économique du fait de son coût jusque-là peu élevé et des effets sur l’environnement encore peu référencés. Les énergies alternatives étaient de surcroît quasiment inexistantes. De nombreux pays développés tels que la France ou le Royaume-Uni vécurent alors des pénuries et des rationnements d’essence, ce qui entraina une contraction du PIB dans ces contrées pour la première fois depuis 1945.
Ces événements ont contredit les théories keynésiennes d’après-guerre en instaurant une nouvelle période de stagflation parmi les principaux pays en voie de développement et marquèrent une nouvelle étape dans l’ajustement des modèles macroéconomiques.
Pour conclure, nous pouvons remarquer certaines similitudes entre les événements passés en 1973 et ceux se déroulant actuellement en Europe. Dans les deux cas, que ce soit le pétrole ou le gaz, les sources d’énergie sont des enjeux géostratégiques majeurs ayant un impact important sur la croissance économique. Bien que les causes et les acteurs exerçant l’embargo ou le plafonnement artificiel de la quantité de ressources en circulation soient différents, nous sommes dans les deux cas dans une situation de dépendance énergétique avec un ou quelques acteurs en position de monopole sur le marché.
Lors des deux crises, nous avons recherché en urgence des ressources alternatives pouvant substituer celles manquantes, que ce soit l’énergie nucléaire en France en 1973 par exemple, ou l’électricité solaire à grande échelle en 2022.
Reste maintenant à savoir comment la crise actuelle se terminera, également par une stagflation ou pire encore ?

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