Le 26 mai 2023 marquera les septante ans de la première conquête du mont Everest par Edmund Hillary et Tenzing Norgay. À l’approche de cet anniversaire, j’ai souhaité revenir sur cette ascension historique et analyser la situation actuelle sur le plus haut sommet du monde.
La conquête historique
Dans les années 1850, les géomètres Andrew Waugh et Radhanath Sikdar établissent que le mont Everest (Chomolungma en népalais), situé sur le massif de l’Himalaya, à la frontière entre le Népal et la Chine (Tibet), et culminant à une altitude de 8’848 mètres, est le plus haut sommet du monde. Ceci marquera le point de départ d’une fascination, toujours très actuelle, de l’être humain à vouloir en atteindre le sommet.
Il faudra toutefois attendre 1921 pour qu’une première expédition, la Mount Everest Reconnaissance Expedition, composée de britanniques, s’approche de la fameuse montagne. Cette expédition sera la première à photographier l’Everest, et cartographiera les routes permettant d’accéder au sommet depuis la face nord. Ce faisant, elle posera les bases pour les expéditions qui suivront. Les membres de l’expédition ne se sont toutefois pas risqués à tenter l’ascension, l’épuisement de l’équipe et leur équipement inadapté, composé essentiellement de vestes en laine et de bottes à clous, ne leur permettant pas d’affronter les puissants vents qui balayaient l’Everest.
Plusieurs expéditions britanniques suivront en 1922, 1924, 1933, 1936 et 1938, et tenteront cette fois-ci d’en gravir le sommet. Ces expéditions se solderont toutefois toutes par des échecs. En cause : les avalanches, les chutes massives de neige, les vents violents, le manque d’oxygène, un équipement inadapté ou encore des moussons précoces. Le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale en 1939 marquera la fin des tentatives d’ascension pour une dizaine d’années.
Au début des années 1950, il apparaissait peu vraisemblable que l’Everest soit un jour vaincu. Mais une expédition suisse va venir changer la donne. Cette expédition suisse de 1952 était composée de huit alpinistes genevois et d’un sherpa très reconnu et respecté dans le monde de l’alpinisme nommé Tenzing Norgay. Raymond Lambert, l’un des alpinistes de l’équipe, et Tenzing Norgay développeront une forte amitié durant l’expédition, et tous deux battront les précédents records d’altitude en atteignant les 8’535 mètres. Toutefois, des vents violents les empêcheront d’atteindre le sommet, et ils seront tous deux contraints de rebrousser chemin. Malgré son relatif échec, cette expédition servira d’exemple pour celles qui suivront, et en particulier pour l’expédition victorieuse qui suivra.
Le record d’altitude établi par les suisses incita les britanniques à mettre tout en œuvre pour atteindre le sommet durant l’année 1953. À cette époque, le Népal était un royaume fermé aux étrangers, et les expéditions devaient donc recevoir une autorisation pour y’pénétrer. Il s’agissait d’une autorisation annuelle qui était délivrée à tour de rôle aux nations (les suisses en étaient au bénéfice en 1952, les britanniques en 1953 et en 1954 ce serait au tour des français). Les britanniques étaient donc conscients que l’année 1953 représentait potentiellement leur dernière chance d’être la première nation à atteindre le sommet.
Il fut donc décidé de mettre un militaire, le colonel John Hunt, à la tête de l’expédition britannique de 1953. Cet officier était réputé pour avoir sa capacité à prendre des décisions difficiles lorsqu’il le fallait, et d’être doté d’un killer instinct qui avait supposément fait défaut aux expéditions britanniques précédentes. Parmi les autres membres de l’équipe, on trouvait notamment Tenzing Norgay, le même qui avait fait partie de l’expédition suisse de 1952, et Edmund Hillary, un apiculteur et explorateur néo-zélandais, qui avait déjà exploré la chaîne de l’Himalaya en 1951. Ces deux hommes développeront une très forte amitié et un profond respect mutuel au cours de cette expédition, le sherpa sauvera même la vie de l’apiculteur néo-zélandais après que ce dernier soit tombé dans une crevasse.
Au cours du mois de mai 1953, l’expédition britannique parvint à établir un campement avancé sur l’Everest. Depuis ce campement, le colonel Hunt décida d’envoyer des équipes composées de deux alpinistes pour tenter d’atteindre le sommet. Le 27 mai, alors que les précédentes tentatives s’étaient toutes soldées par des échecs, l’officier britannique décida d’envoyer Hillary et Norgay à l’assaut du somment, dans ce qui devait être l’une des dernières tentatives de l’expédition. Le 28 mai, les deux alpinistes parvinrent à établir un campement à plus de 8’500 mètres d’altitude, d’où ils décidèrent de passer ce qu’ils espéraient être leur dernière nuit à une telle altitude. Puis, le matin du 29 mai 1953 à 11h30, après avoir vaincu quelques derniers obstacles potentiellement mortels, les deux explorateurs posèrent le pied sur le toit du monde.
La nouvelle historique fut portée à la connaissance du reste du monde le 2 juin 1953, soit le même jour que le couronnement de la reine Elisabeth II (Coronation Day). La coïncidence de ces deux événements marquants du 20ème siècle, entérina un peu plus la légende de l’expédition britannique de 1953, et surtout celle de Tenzing Norgay et Edmund Hillary. Ces deux derniers furent partout célébrés comme des héros, et n’ont depuis lors cessé d’être des modèles pour les alpinistes et les explorateurs du monde entier.
Les défis actuels, entre déchets et embouteillages
La situation sur le mont Everest a beaucoup changé depuis les premières ascensions. Actuellement, on compte en moyenne près de 1’500 tentatives annuelles, qui ne sont pas sans causer leur lot de problèmes.
Ces expéditions laissent en effet derrière elles énormément de déchets. Étant donné leur localisation et l’altitude à laquelle ils sont abandonnés (parfois plus de 8’000 mètres), ceux-ci sont très difficiles à récupérer. Pour éviter que l’Everest ne se transforme en poubelle à ciel ouvert, des expéditions de ramassage de déchets composées d’alpinistes chevronnés et de sherpas ont dû être organisées. En 2017, l’opération Everest Green a par exemple récupéré plus de 5,3 tonnes de déchets sur l’Everest. Ce ramassage de déchets s’est toutefois fait au péril de la vie des membres de l’opération.
Les embouteillages d’alpinistes au sommet de l’Everest sont un autre problème. Il n’est ainsi pas rare de voir aux abords du sommet de l’Everest, de longues files d’alpinistes qui patientent immobiles et durant de longues heures, avant de pouvoir poser le pied sur le sommet. Les rafales de vent, le froid et le manque d’oxygène ont pour conséquence que chaque minute que le corps humain passe immobile dans de telles conditions l’expose à des dommages irréversibles. Ces embouteillages s’expliqueraient notamment par les conditions météorologiques, qui font que la majorité des ascensions se déroulent au même moment, mais surtout par l’explosion du nombre d’alpinistes qui cherchent à atteindre le sommet de l’Everest.
À la lumière des problématiques causées par ces trop nombreuses tentatives, on peut s’interroger sur la pertinence de vouloir à tout prix atteindre le sommet de l’Everest. Il existe d’innombrables autres sommets à gravir, certes moins connus et dont la conquête peut paraître moins glorieuse, mais qui représentent néanmoins de beaux défis.
Britannica, Mount Everest, sans date, disponible sous : https://www.britannica.com/place/Mount-Everest/Early-expeditions
Brut, Mont Everest : le « plus haut dépotoir du monde », 2018, disponible sous : https://www.youtube.com/watch?v=fwXr35Rs-jM
Le Monde, Au sommet de l’Everest, comment les embouteillages deviennent des pièges mortels, 2019, disponible sous : https://www.youtube.com/watch?v=D5agEW-_GiU
Roulin Dominique, Cinquantenaire de la tentative de 1952. Nouvelle expédition Suisse à l’Everest, Club Alpin Suisse CAS, 2002, disponible sous : https://www.sac-cas.ch/fr/les-alpes/cinquantenaire-de-la-tentative-de-1952-nouvelle-expedition-suisse-a-leverest-15800/
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