Mise en contexte politique et historique
La Birmanie, autrement appelée Myanmar dans la langue locale, est un pays niché entre le Bangladesh, l’Inde, la Chine, le Laos et la Thaïlande. Le pays est divisé entre 7 provinces réellement birmanes, et 7 états ethniquement minoritaires, non-birmans. La majorité de la population réside dans la vallée centrale du pays, tandis que les minorités occupent les montagnes avoisinantes. Ces minorités représentent environ 25% des 54 millions d’habitants, en 2023.
Avant l’arrivée des Britanniques au cours du 19ème siècle, le pays était un état monarchique, sous le règne de la dynastie Konbaung depuis la moitié du 18ème siècle. Avec l’arrivée du colonisateur anglais, qui rattache le pays à l’empire des Indes en 1886, et l’exploitation des richesses par celui-ci, un mouvement nationaliste birman se met en place. Ce mouvement prend de l’ampleur et, en 1937, le pays est séparé des Indes. Après une brève alliance avec les Anglais pour vaincre l’occupant Japonais durant la seconde guerre mondiale, le pays devient indépendant en 1948.
Premières tensions entre birmans et minorités
Le 12 février 1947, à lieu à Panglong, dans le sud du Pays, un traité entre les leaders du mouvement nationaliste, Aung San & U Nu, avec les leaders des différentes tribus minoritaires, notamment les Chan, Kachin, Karen et Chin. Cet accord soutient la création d’un état Kachin et établit la base des relations commerciales avec les autres minorités.
En 1948, l’Union Birmane devient indépendante des Britanniques et U Nu prends le pouvoir. Bien que signataires de l’accord de Panglong, les minorités Kachin et Karen prennent les armes pour obtenir leur autonomie. En même temps, le parti communiste Birman prend les armes pour défendre ses intérêts nationalistes. Ainsi, les pays rentrent dans 10 ans de guerre civile, entre le gouvernement, les mouvements nationalistes et les guérillas révolutionnaires.
En 1958, l’armée prends le pouvoir. Le général Ne Win devient Premier Ministre. En 1960, U Nu est réélu au pouvoir et une réforme de la constitution a lieu, pour donner plus d’autonomie aux minorités. Le 1er mars 1962, ce projet aboutit au Parlement Birman.
Une guerre sans fin
Le 2 mars 1962, le général Ne Win revient à la tête du pays à la suite d’un nouveau coup d’état. Le parlement est dissout et la constitution suspendue. Cela entraine le soulèvement de la minorité Chan contre le gouvernement militaire.
Le gouvernement militaire socialise le pays à l’aide du parti unique, le programme socialiste birman (BSPP). Tout est financé par le trésor public. La corruption est très forte sein du gouvernement. Dans le sillon d’une période de famille, de 1962 à 1967, divers groupes, dont le parti communiste prochinois s’insurgent contre le pouvoir en place. Celui-ci parvient à se maintenir de force, même après les sanglantes manifestations antichinoises de juin 1967. En 1970, les relations avec la Chine sont restaurées, et en 1973, par référendum, la Birmanie devient une République Socialiste. Le Conseil Révolutionnaire remet le pouvoir au Congrès du peuple, cependant l’armée doit toujours intervenir lors de diverses manifestations, notamment ouvrières et estudiantines, garantissant le maintien au pouvoir du général Ne Win.
Le pays connait encore des turbulences, et en 1978, à cause des exactions de la junte militaire, 200’000 Rohingyas doivent fuir le pays pour le Bangladesh. Ceux-ci reviendront en 1979 grâce aux Nations-Unies.
L’arrivée timide de la démocratie
En 1988, après de violentes manifestations, Ne Win doit quitter la direction du parti. Pour la première fois, le pouvoir passe aux mains d’un civil, Maung Maung, après de nouvelles émeutes et une grève générale. Par la suite, le mouvement démocratique nait, avec comme figure de proue, Aung San Suu Kyi, la fille de Aung San, figure de l’indépendance du pays. Succès de courte durée, car à la suite d’un nouveau coup d’état militaire, le State Law and Order Restoration Council (SLORC), le pouvoir repasse aux mains armées.
Les élections de 1990 voient le parti démocratique l’emporter largement. Aung San Suu Kyi, secrétaire générale doit être élue. Celle-ci est pourtant en résidence surveillée. La junte militaire ne tient pas compte de ces élections et se maintient au pouvoir. Elle gagnera le prix Nobel de la paix en 1991. Le régime n’est soutenu que par la Chine, qui fournit les armes. En 1992, le général au pouvoir change. Than Shwe veut redorer l’image du pays sur le plan International, et crée une convention où siège le parti démocratique (NLD).
Aung San Suu Kyi est libérée en 1995. Elle prend la tête du mouvement d’opposition démocratique, tandis que le SLORC maintient son pouvoir. Elle passera la majorité de son temps assignée à résidence jusqu’en 2010, tandis que la junte militaire garde la main mise sur le pouvoir et réprimande toute forme de manifestations.
Le début de l’ouverture
Ce ne sera qu’à la suite des élections de 2010, où la junte remporte une grande part des sièges, le reste étant attribué à des partis issus des minorités, et aux deux partis démocratiques ayant refusé le boycott lancé par la secrétaire générale.
En 2011, un gouvernement civil est forme, sous l’étroite surveillance des militaires. La LND, l’héritier de la NLD, est réintroduit dans le jeu politique. En 2012, Aung San Suu Kyi est élue lors des élections législatives de la région de Yangon. C’est le début de l’ouverture.
Suppression de la censure, liberté des médias, libéralisation politique, libération de prisonniers politiques, tout s’enchaine. Le premier président civil de la Birmanie arrive en 2016, Aung San Suu Kyi ne pouvant être élue à cause d’une clause empêchant tout birman marié à un étranger d’exécuter cette fonction.
La rechute & l’espoir
En 2017, à lieu la crise des Rohingyas. Des centaines de milliers de personnes sont persécutées et doivent fuir le pays pour le Bangladesh. Par sa faible intervention, le parti démocratique prend un coup médiatique sur le plan international.
Déstabilisé, il se fait évincer lors du coup d’état militaire du 1er février 2021.
Cependant, à l’heure de la rédaction de cet article, il y a de l’espoir. Un mouvement révolutionnaire remporte des victoires cruciales contre les forces du gouvernement tout au long de l’année 2023, et encore plus en janvier 2024. Un nouveau changement de pouvoir aura-t-il bientôt lieu ?
Le quotidien extrême des Birmans
La Birmanie est un contre-exemple parfait pour la définition de l’extrême. Une extrême, dans ce pays, c’est la démocratie ou encore les syndicats. Pour un Birman, le quotidien, c’est l’insécurité, la précarité. Ce n’est historiquement pas très différent des révoltes ouvrières aux USA ou encore en Angleterre.
Le parallèle historique avec l’Angleterre parait à prime abord être intéressant. Des syndicats et la démocratie comme extrêmes vis-à-vis du pouvoir monarchique en place et des divers magnats qui ne désiraient que de faire fructifier leurs affaires, en réprimant les révoltes par les armes.
Cependant, après le long résumé historique, ce n’est pas valable. La Birmanie ne possède aucune grande industrie, hormis une entreprise pétrolière nationale fondée par les Anglais en 1886 et rachetée en 2000 par BP Amoco. La plupart des exports sont des pierres précieuses et des produits agricoles. L’industrie est nationalisée depuis les années 60. L’indice de développement humaine est l’un des plus faibles du monde et, en 2023, encore 20% des Birmans vivent sous le seuil de pauvreté.
De plus, la plupart des minorités ethniques sont continuellement en guerre contre le pouvoir en place, pour se battre pour leur autonomie.
Le quotidien d’un Birman hors de la capitale, c’est de travailler dans l’insécurité, qui est devenue la norme. Encore plus en 2024, depuis que des groupes ethniques issus du nord du pays lancent et gagnent des offensives contre la junte, à la manière d’une guérilla.
Le pouvoir en place est corrompu et soutenu par le gouvernement Chinois, pour permettre à ces derniers un accès au golfe du Bengale. Dans ce nœud d’influences, il est difficile de pointer un unique responsable. La junte militaire, la corruption au sein du gouvernement, l’influence externe des Chinois, les minorités ethniques qui se rebellent sans cesse.
Ces acteurs pavent le chemin d’un quotidien devenu monotone. Comme si, lorsque vous sortiez de chez vous, il était devenu normal de pouvoir faire son entrainement de fitness, avec des chars circulant derrière vous. Cette image est évidemment tirée d’un contexte précis et n’est qu’une extrapolation d’une journée ordinaire, qui plonge encore plus un Birman ordinaire dans le désarroi et l’impuissance, laissant place à une sorte de nonchalance vis-à-vis des conflits.
Comment un gouvernement peut-il, dans ce contexte, avoir l’idée de construire une nouvelle capitale, Naypyidaw, avec des voies d’accès par autoroute de plus de 20 voies, construite en 2005, qui encore aujourd’hui reste déserte, par manque d’habitants ?
Il y a un problème de démesure, de « show-off » du pouvoir en place, qui n’arrive pas à créer une identité birmane soutenue par son peuple.
Une junte perverse
De plus, en mai 2023, la Birmanie fait face à un énorme Cyclone, nommé Mocha. Celui-ci ravage le sud du pays, l’état de Rakhine, où déjà 8 personnes sur 10 vivent sous le seuil de la pauvreté. Après cette catastrophe, de nombreux pays ont proposés leur aide et leur soutien, notamment l’Indonésie. Pourtant l’aide envoyée n’est jamais arrivée jusqu’aux principales victimes, comme le titrait pourtant le Global New Light of Myanmar, un des principaux quotidiens du pays.
En effet, la junte a décidé de bloquer l’aide matérielle et alimentaire, mais de diffuser des nouvelles toutes autres à travers ses différents canaux de propagande. Ce procédé retors, à de multiples origines.
Premièrement, le pays fait face à un blocus commercial. La plupart des marchandises importées passent par le marché noir. Arrêter la distribution de l’aide humanitaire est une stratégie pour faire monter les prix des denrées demandées et de permettre au gouvernement de revendre plus cher des marchandises reçues par le marché noir. Cette méthode avait déjà été mise en place lors du cyclone Nargis en 2008.
Ceci n’est qu’une première volonté du gouvernement. La seconde est encore pire. L’état de Rakhine abrite deux ethnies. Une majorité bouddhiste et une minorité Rohingyas. La junte au pouvoir ayant bloqué l’accès des ressources envoyées par les pays soutenants, destinés à tous les sinistrés, a volontairement laissé les ONG qui s’occupaient déjà de la minorité Rohingyas, continuer d’alimenter ceux-ci en aide humanitaire. Ce faisant, la junte à crée des tensions entre les deux ethnies et surtout une incompréhension de la part de la partie Birmane envers les ONG sur place, ce qui pourrait à terme mener à des affrontements, si rien n’est fait.
La suite des évènements
Il n’y a strictement rien pour redorer le blason du gouvernement birman. Un amas de combinés retors, soutenus par la Chine. S’il y a bien une extrême, à travers notre prisme, à éradiquer, c’est celle des gouvernements militaires, qui ne pensent qu’a leurs propres intérêts, financés par des puissants aux mœurs discutables. Cet article est rédigé en mars 2024. Avec un peu de chance, la révolution en cours aboutira enfin en un gouvernement démocratique durable. C’est tout ce que le peuple souhaite, au vu de la violence des conflits actuels, qui se déroulent sous nos yeux. Un énième conflit atroce, sans que personne n’intervienne, qui coute des vies tous les jours.
SOURCES (cliquez sur les titres pour en savoir plus)
Larousse, Histoire de la Birmanie
Wikipedia, Economie de la Birmanie
Images:
Une femme faisant son fitness durant le coup d’état de 2021
La trajectoire du cyclone Mocha
Etat du Parlement Birman après les élections de 2012
Aung San Suu Kyi reçoit son prix Nobel de la Paix
Répartition des ethnies en Birmanie
Image de titre, drapeau Birman
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