Dette publique : vers une pression insoutenable sur le budget des ménages ?

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Lundi 2 décembre, le 49.3 a une nouvelle fois fait irruption dans l’actualité politique française et provoqué un tollé dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale. La procédure vient juste d’être utilisée par le gouvernement pour faire adopter le projet de loi de finances 2025, après avoir échoué dans ses négociations pour obtenir une majorité. La procédure a eu tout d’abord comme conséquence de raviver les tensions au sein de l’Assemblée nationale. Parmi les points de désaccords, les députés de l’opposition soulignent notamment aux journalistes, que l’accroissement important de la dette de la France pèse sur le budget de l’État.

Avec une dette publique atteignant 3’287 milliards d’euros, soit 113 % du PIB, l’opposition a saisi cette occasion pour tirer la sonnette d’alarme. La présidence d’Emmanuel Macron – qui se trouve, à la suite des dernières élections législatives, sans majorité – est accusée de lâcher prise sur la maîtrise des finances publiques. Les élus pointent du doigt l’explosion des intérêts de la dette, qui pèse lourdement sur les comptes de l’État, et ce, depuis de nombreuses années sans qu’aucun président ne s’attaque sur le problème. Depuis les années 2000, c’est entre 35 et 50 milliards d’euros qui sont dépensés chaque année pour rembourser cette dernière, ce qui impacte le budget des différentes administrations de l’État. Avec la récente remontée des taux, ce fardeau budgétaire s’alourdit, laissant planer le risque de nouvelles hausses d’impôts pour les ménages.

La dette publique, devenue un sujet incontournable des débats, soulève des questions cruciales. Comment son usage s’est-il intensifié sous la Ve République ? Quels impacts sur les finances publiques ? Et surtout, constitue-t-elle une menace pour les Français ? Autant d’interrogations au cœur des enjeux actuels.

Une dette devenue massive au fil des gouvernements de la Ve République

Graphique de l’INSEE Prélèvements obligatoires % PIB 1959-2021

Au début des années 2000, la dette publique française représente environ 60 % du PIB. Pour permettre à ses administrations de financer des politiques sociales coûteuses, face à un chômage structurel et au vieillissement de la population, l’État a trouvé la solution. Il lui suffit de rouler la dette, autrement dit de rembourser les échéances en empruntant de nouveau. Une stratégie confortable tant que les taux d’intérêt restent bas grâce à la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE).

La crise financière de 2008 vient rebattre les cartes. Le gouvernement de François Fillon est contraint d’agir pour éviter un effondrement du système économique, pour cela, il injecte massivement de l’argent dans l’économie pour stimuler la croissance grâce à l’émission de nouvelles dettes. Le déficit explose, la dette passe de 68 % à 85 % du PIB en 2012, et les finances publiques se fragilisent un peu plus. Mais, paradoxe de cette époque, les taux d’intérêt s’effondrent. Sous l’impulsion de la BCE, les emprunts de l’État français se font à des conditions exceptionnelles, limitant temporairement le poids des remboursements.

Puis survient la pandémie de COVID-19 en 2020, un choc sans précédent pour les entreprises. Le gouvernement en place, pour compenser les secteurs les plus touchés par la crise parmi lesquels on retrouve le tourisme et la restauration, déploie des moyens inédits pour amortir le choc avec le chômage partiel et les aides directes aux entreprises. En quelques mois, la dette bondit de 98 % à 115 % du PIB. Heureusement, le recours massif à l’emprunt est facilité par des taux d’intérêt historiquement bas voire même négatifs en début d’année. L’endettement devient la bouée de sauvetage de l’économie, mais aussi un signe d’une dépendance toujours plus forte aux marchés financiers.

2022 signe le retour de l’inflation avec la guerre en Ukraine et pousse la BCE à relever ses taux pour tenter de freiner la hausse des prix. Les taux d’emprunt de la France à 10 ans dépassent les 3 %, et les anciens emprunts souscrits à bas coût doivent être remplacés par de nouveaux, beaucoup plus onéreux ce qui peut être le point de départ d’un système vicieux pour les finances publiques. Résultat : en 2023, les intérêts de la dette s’élèvent à 53,9 milliards d’euros. À titre de comparaison, le budget de l’Éducation nationale était de 59 milliards à la même date, ce qui montre à quel point ce montant est significatif.

Des arbitrages difficiles : entre dépenses sociales et investissements d’avenir

D’après la Banque de France, un point de plus d’intérêt représente environ 15 milliards d’euros par an en charges supplémentaires, une somme importante qui ne serait pas sans conséquence pour le budget de l’État. L’usure de la dette publique contraint le gouvernement à céder à des arbitrages qui fragilisent des secteurs essentiels. Dans le domaine de la santé, malgré les 19 milliards d’euros du Ségur de la santé, les hôpitaux continuent de souffrir : près de 6’000 postes de médecins hospitaliers sont vacants en 2023 alors que la demande n’a jamais été aussi importante et surtout en milieu rural. De plus, le secteur des transports accuse aussi un retard inquiétant, dans ces infrastructures notamment. Selon la SNCF, 100 milliards d’euros seraient nécessaires pour moderniser le réseau ferroviaire d’ici 2040, alors que les budgets stagnent autour de 2,8 milliards par an.

La dette représente-t-elle un risque pour les ménages ?

Tous ces emprunts s’accompagnent d’une pression fiscale croissante, concomitante à un contexte économique difficile, marqué par une croissance limitée à 0,9 % en 2023. Avec un taux de prélèvements obligatoires atteignant 45,4 % du PIB, la France reste l’un des pays les plus fiscalisés d’Europe, et même au niveau mondial, ce qui pose la question de la gestion de ses dépenses. La récente hausse des taux d’intérêt inquiète l’État, qui pourrait se voir contraint d’augmenter les impôts pour contenir ses déficits et maintenir un budget viable. Une telle décision, bien qu’efficace à court terme, affecterait directement le pouvoir d’achat des ménages, déjà pris en tenaille par l’inflation d’un côté et une politique fiscale austère de l’autre.

Ainsi, si la dette publique exerce aujourd’hui une pression réelle sur les finances de l’État et des ménages, elle ne représente pas pour autant un risque incontrôlable tant que sa charge reste stable et maîtrisée. Ainsi, une gestion rigoureuse et un contrôle accru des dépenses s’imposent comme indispensables pour éviter d’aggraver la situation du pays dans son effort de réindustrialisation.

Gonzague Coispeau

Source :

Dette des administrations publiques au sens de Maastricht | Insee

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Pourquoi la dette de la France n’est pas un problème (pour l’instant)

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