Temps

Comment cesser de courir après le temps ?

Qui n’a jamais rêvé de pouvoir arrêter le temps ?

Nous avons tous souhaité un jour avoir la possibilité de remonter le temps, de se rajouter quelques heures dans notre journée pour finir ce que nous n’avons pas pu faire ou simplement avoir quelques minutes de sommeil en plus le matin.

Le passage du temps, fait inéluctable, nous touche toutes et tous. Certains en ont même développé une véritable phobie.

Mais pourquoi avons-nous si souvent l’impression de manquer de temps ? Quelles sont les clés pour arrêter de le perdre et d’où nous vient cette peur des années qui s’égrènent inexorablement ?

Opinions de philosophes

Temps

On pourrait penser que c’est la société actuelle avec sa perpétuelle recherche du progrès et de la productivité qui a engendré cette impression de ne jamais disposer de suffisamment de temps. Mais, en réalité, cette peur du temps ne date pas d’hier.

Le philosophe Sénèque, déjà en l’an 49 après J-C écrit De la brièveté de la vie, un texte qui traite de notre rapport au temps et de la façon dont nous le gaspillons. Il expose que le manque de temps n’est qu’une impression. En réalité, si nous disposons d’un temps certes limité, il est suffisant si nous l’utilisons de la bonne manière. Selon le penseur, nous ne nous concentrons pas suffisamment sur ce qui est important. Nous préférons perdre notre temps dans des divertissements. Il est d’avis que nous devrions plus chérir le temps dont nous disposons et réaliser qu’il est précieux.

« On ne trouve personne qui veuille partager son argent, mais chacun distribue sa vie à tout venant. »

Sénèque

Sénèque n’est pas le seul philosophe à avoir traité de la question du temps et de notre rapport à celui-ci. Blaise Pascal, philosophe du 17ème siècle l’a fait également. Pour lui, l’homme ne vit jamais dans le présent mais toujours dans le passé ou dans l’avenir car il est perpétuellement en train de fuir. Cette fuite aurait pour cause la peur de la réalité. Blaise Pascal rejoint Sénèque dans sa hantise du divertissement. Ce serait dans l’objectif d’oublier le présent qui nous angoisse que l’on se réfugie dans des passe-temps. Ce sont donc ces divertissements futiles, qui ont pour seul objectif de nous éloigner du moment présent, qui nous font perdre notre temps et causent alors cette impression de sans cesse en manquer.

« Les hommes n’ayant pu guérir la mort, la misère, l’ignorance, ils se sont avisés pour se rendre heureux, de n’y point penser. »

Blaise Pascal

Selon Pascal et Sénèque, la raison de cette fuite du présent et de cette attirance du divertissement comme refuge est le déni de notre condition humaine. Nous fuyons la réalité car nous refusons d’accepter que nous ne vivions pas éternellement.

Comment mieux gérer son temps

Tout cela est bien joli, mais qu’est-ce que ces idées philosophiques nous apprennent concrètement ? Qu’est-ce que ces philosophes nous enseignent sur notre manière de gérer notre temps ?

Temps

Selon Sénèque, nous vivons comme si nous étions immortels. Nous procrastinons, nous remettons nos projets à plus tard comme si nous avions tout le temps du monde pour les faire. Nous nous perdons dans le divertissement au lieu de vivre pleinement l’instant présent.

Il nous invite alors à analyser notre vie et à nous demander ce qui nous rend réellement heureux. Il faudrait alors repenser notre manière d’utiliser notre temps, supprimer le superflu et se concentrer sur ce qui nous fait réellement avancer.

Selon lui, pour être en paix avec le temps, il nous faut être en paix avec la mort. Accepter que nous ne puissions rien faire contre le temps qui passe, cesser de fuir le présent en se réfugiant dans nos souvenirs ou dans nos projets et vivre pleinement l’instant présent. Car finalement, c’est le seul temps dont nous disposons, le seul instant que nous pouvons vivre réellement.

Le diversement est-il réellement une perte de temps ?

Sénèque et Pascal rejettent le divertissement. Ils prétendent qu’il ne sert qu’à nous détourner de notre présent, à fuir nos peurs et nos angoisses ; à éviter de se retrouver seul face à soi-même. Ils pensent que le divertissement nous fait perdre le sens de notre existence car, s’il nous apporte de la joie un instant, ce n’est qu’un bonheur éphémère et illusoire.

Cependant, nous avons vu que Sénèque nous conseille de nous concentrer sur ce qui nous rend heureux et de supprimer ce qui ne nous apporte rien. Dans ce cas, on peut légitimement se demander si le divertissement ne fait pas, en vérité, partie de ce qui est essentiel pour nous. Il faut se demander ce qui est nécessaire dans nos vies et ce qui est uniquement une perte de temps.

Nous ne pouvons pas uniquement travailler sur nos objectifs, nous avons également besoin de repos. Si aller boire un verre avec des amis, regarder un film ou faire un tour sur les réseaux sociaux vous permet de vous ressourcer, ce n’est peut-être pas une perte de temps finalement, même si cela ne vous permet pas de réaliser vos objectifs de vie dans l’immédiat.

Temps

Que retenir de tout cela ?

Nous pouvons retenir des enseignements de Sénèque et Pascal que notre temps est précieux et qu’il faut l’utiliser à bon escient. On peut alors analyser notre journée et se demander ce qui a été utile, ce qui nous a fait plaisir, ce qui a été nécessaire. Après avoir fait cela, il s’agit de se questionner sur l’utilité de ce que nous avons fait d’autre dans cette journée. N’y-a-t-il pas certaines choses que nous pourrions tout bonnement supprimer ?

On gagnerait du temps à éliminer de nos vies tout ce qui ne nous procure ni utilité ni plaisir. Cela ne signifie cependant pas qu’il ne faille garder que ce qui nous rend productif. Nous avons également besoin de nous reposer et de nous ressourcer. Le divertissement est, à mon avis (et à l’opposé de l’opinion de Pascal et Sénèque), nécessaire. Il nous apporte non seulement de la joie (aussi instantanée et futile soit elle selon ces philosophes), mais il nous permet aussi d’être plus productif par la suite.

Il est prouvé que nous travaillons mieux à tête reposée et que nous ne pouvons rester concentré indéfiniment sans faire de pause. Vu sous cet angle, le divertissement serait en réalité une composante nécessaire pour atteindre nos buts. Et s’il nous permet d’augmenter notre productivité, alors ces philosophes auraient tort de dire qu’il n’est qu’une perte de temps qui nous éloigne de ce qui est vraiment important.

La vie ne se résume d’ailleurs pas à travail et productivité. Peut-être que regarder pour la 3ème fois la même série Netflix paraît inutile, mais peut-être était-ce ce dont vous aviez besoin à la fin d’une semaine éprouvante. Il est également important de s’écouter et de savoir ce dont nous avons besoin.

Ce que certains considèrent comme une perte de temps peut d’ailleurs ne pas en être une pour d’autres. Passer 30 minutes sur Instagram n’a pas forcément la même valeur qu’aller boire un verre avec des amis, par exemple. Alors que ces deux activités pourraient être considérées comme non-productives. Une personne peut même voir ce temps passé sur les réseaux comme un moyen de se cultiver ou simplement comme une pause indispensable dans sa journée de travail.

Notre rapport au temps est personnel et notre façon de l’occuper également. Tous les divertissements ne doivent pas être considérés comme de la procrastination. Il faut simplement savoir faire la différence entre ce qui nous apporte quelque chose (ne serait qu’un instant de calme dans une journée mouvementée) et ce qui, à l’inverse, n’apporte aucune valeur ajoutée à notre journée.

Se concentrer sur ce qui est nécessaire et utile ne signifie pas enlever tout ce qui procure joie et bonheur et ne laisser de la place dans votre vie qu’au travail et à la recherche de la productivité. Il faut prendre le temps pour ce qui nous rend heureux et ce que nous considérons comme important et en laisser moins pour le reste.

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Ne pas être effrayé par le passage du temps nécessite donc un travail d’acceptation : accepter que nous ne puissions pas le retenir. Ce que nous pouvons changer, cependant c’est la manière dont nous l’utilisons. En supprimant le superflu de nos vies, nous pouvons déjà obtenir plus de temps pour ce qui nous intéresse réellement. Il s’agit d’en faire un usage consciencieux et intelligent.

Certes, cette idée semble quelques peu idéaliste car nous avons, dans la vie, des obligations que nous ne pouvons pas simplement écarter. Mais en optimisant notre temps ainsi qu’en apprenant à vivre dans l’instant nous aurions déjà moins l’impression d’en manquer.

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Clara Seppey
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