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Retour sur la conférence de la Fondation Jean Monnet pour l’Europe : « Défis européens et relations Suisse-Europe »

La Fondation Jean Monnet pour l’Europe nous a permis d’assister, le mardi 30 novembre, à une conférence sur les défis actuels et futurs de l’Europe, ainsi que leurs implications sur les relations entre l’Union européenne et la Suisse. Pour ce faire, qui de mieux pour donner son expertise sur le sujet que l’Ambassadeur de l’Union européenne en Suisse et pour la Principauté de Liechtenstein : Petros Mavromichalis. Suite à une introduction par Christa Markwalder, conseillère nationale et présidente de l’Association suisse de politique étrangère, Monsieur Mavromichalis, doté de sa vaste expérience européenne, nous a donné son point de vue sur le sujet avant de laisser la parole à Hedda Samson, ambassadrice du Royaume des Pays-Bas à Berne, Willy De Buck, ambassadeur du Royaume de Belgique à Berne, et Jean-Claude Meyer, ambassadeur du Grand-Duché de Luxembourg à Berne, qui ont à tour de rôle comparé et montré les similitudes entre leurs pays respectifs et la Suisse, ainsi que les raisons qui les ont poussés et les poussent encore à faire partie de l’Union européenne. Ces pays étant similaires à la Suisse sur de nombreux points, ces comparaisons avaient une pertinence toute particulière. Nous allons ici vous offrir un résumé de la conférence et de la discussion ; vous pouvez aussi visionner cette conférence sur la chaîne YouTube de la Fondation Jean Monnet pour l’Europe.

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Photo : Fondation Jean Monnet pour l’Europe

Conférence sur les défis européens et les relations Suisse-Europe.

La soirée commence avec une introduction et rétrospective par M. Jacques de Watteville, vice-président de la Fondation Jean Monnet pour l’Europe, diplomate suisse au long cours, secrétaire d’État (2013-2017) et négociateur en chef avec l’Union européenne de 2015 à 2017. Il porte à notre attention la longue relation entre la Suisse et l’Union européenne et introduit ainsi le sujet du jour.

Signe de notre époque, l’évènement oscille entre conférence en présentiel et à distance, avec une intervention en visioconférence de Mme Christa Markwalder, conseillère nationale, membre de la commission de politique extérieure du Conseil national, et donc l’une des architectes de la politique européenne du Parlement fédéral. Après quelques lignes en français, la législatrice passe à l’allemand, et la conférence est ainsi imprégnée par la deuxième langue nationale de la soirée. C’est avec habilité que Mme la conseillère nationale nous présente un survol de la posture suisse envers l’Europe sur les deux dernières décennies. Cette période a été marquée par le franc succès des accords bilatéraux entre la Suisse et l’Europe, qui ont permis un accès libre de la Suisse au marché européen, et inversement.

Elle déplore que le Conseil fédéral ait choisi d’interrompre, après plus de sept ans de travail, les négociations sur le futur accord-cadre avec l’Union européenne et se montre claire en affirmant que cela a été un affront au Parlement, qui n’a aucunement été consulté, et même à la population, qui avait pourtant à différentes reprises donné au gouvernement un signal positif dans des votations populaires sur des sujets touchant aux relations Suisse-UE. Et si elle maintient que les bilatérales sont un franc succès, elle se montre aussi ouverte envers une autre forme d’accord en nous rappelant que la commission de politique extérieure a demandé une augmentation de près de 800 millions au « milliard de cohésion » avec comme but de booster les négociations avec l’Europe. (NDLR : Cette augmentation fut plus tard rejetée par le Parlement.)

Comme l’a rappelé Monsieur l’Ambassadeur de l’Union européenne, le projet européen est avant tout un projet de paix. Jean Monnet partageait ce paradigme et voulait une Europe où les États-membres fusionneraient une partie de leurs souverainetés, partageraient leurs moyens et mettraient en place des institutions communes. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, un dessein d’une telle ampleur semblait totalement utopique. Pourtant, l’Union européenne n’a plus connu de conflit armé entre ses États-membres depuis maintenant plus de 70 ans.

Aujourd’hui, le projet européen va beaucoup plus loin que cela. Depuis sa création, l’économie du continent a été totalement métamorphosée, la monnaie unique qu’est l’euro a été acquise comme un fondamental de la construction européenne et l’abolition des frontières internes a permis d’améliorer la prospérité et les libertés de chacun. Cependant, de nombreux défis restent à relever, aujourd’hui plus que jamais, dans un contexte de crise sanitaire, de réchauffement climatique, de transition numérique et d’inégalités grandissantes.

Pour répondre à chacun de ces enjeux, l’Europe engage chaque jour des moyens colossaux. Face à la pandémie actuelle, des négociations pour l’achat de centaines de millions de doses de vaccin pour l’ensemble de sa communauté mais aussi pour les pays en voie de développement ont été entreprises afin de ne pas créer d’inégalités d’accès aux soins. Ce moment nous a aussi rappelé l’importance de la libre circulation, chose que Bruxelles a su gérer avec succès au vu de la complexité de la situation. En ce qui concerne le climat et le numérique, nous observons l’émergence de nombreux projets comme le « Pacte Vert pour l’Europe » dont le but est de rendre l’Europe climatiquement neutre d’ici 2050 par la mise en place de directives à toutes les échelles : économie, fiscalité, agriculture, logement, mobilité, innovation, biodiversité… Pour prendre un autre exemple, « The Digital Europe Programme » vise à promouvoir l’éducation et l’application des technologies autour du numérique pour assurer un double objectif de transition écologique et de transformation digitale dans l’ensemble de l’Europe. La combinaison entre ces projets et l’amélioration constante des mesures sociales comme l’Autorité européenne du travail, qui garantit à chaque travailleur européen d’être couvert et encadré où qu’il soit sur le territoire, permet d’améliorer au fil du temps la vie des Européens.

Pour continuer sur cette voie et faire face à la montée de puissances autoritaires et du nationalisme agressif, l’Europe doit aujourd’hui plus que jamais former un bloc pour faire face à des principes contraires aux siens et garantir le poids de ses mouvements. Comme l’a souligné Monsieur Mavromichalis, lorsqu’elle agit d’une seule voix, l’Europe est respectée et est une superpuissance mais, quand ses membres se divisent, elle perd sa crédibilité et son pouvoir. C’est pour cela que le nouveau gouvernement allemand appelle dans son programme à la création d’une Europe fédérale.

Mais où est donc la place de la Suisse dans ce projet, pour un pays au cœur du continent européen mais non membre de son programme ? Une tentative de faire participer la Suisse à l’Espace économique européen a eu lieu au début des années 1990, refusée d’une courte majorité par un référendum. Par la suite, les accords bilatéraux ont été conclus. Le pays étant à l’époque candidat à l’adhésion, ces accords avaient pour objectif de faciliter l’adhésion future de la Suisse à l’Union européenne. Cependant, aujourd’hui, la Suisse n’est plus candidate et ces accords comportent certaines carences qui doivent être impérativement comblées pour permettre la pérennisation et la consolidation de cette voie bilatérale. Néanmoins, d’autres alternatives s’offrent toujours à la Suisse pour ses relations à long terme avec le reste de l’Europe :

  • L’accord-cadre, taillé sur mesure pour la Suisse, mais rejeté récemment par le Conseil fédéral ;
  • La voie de l’Espace économique européen (EEE), refusé en 1992 ;
  • La voie de l’adhésion à l’Union européenne, qui parait aujourd’hui très lointaine ;
  • Un accord de libre-échange, comme pour le Royaume-Uni post-Brexit.

La Suisse est un pays européen, uni avec le reste du continent par sa langue, sa culture et ses valeurs. De plus, le pays ressent les implications de toutes les décisions prises par l’Union européenne et profite grandement de sa participation au marché intérieur. Il n’y a donc définitivement qu’un pas entre Suisse et Europe et le pays n’a pas de meilleur ami, de meilleur allié. Monsieur l’Ambassadeur conclura par ces mots : « Notre porte sera toujours ouverte et nous vous accueillerons à bras ouverts, quel que soit le statut que vous décidiez d’adopter ».

Et comme pour épauler ces propos, les ambassadeurs et ambassadrices des pays du Benelux, c’est-à-dire de Belgique, des Pays-Bas et du Grand-Duché de Luxembourg, ont offert leur perspective sur ces questions, en tant que petits pays européens.

C’est ainsi que Mme Hedda Samson, ambassadrice du Royaume des Pays-Bas, nous explique comment, dans son petit pays issu d’une longue tradition de souveraineté, la participation à des institutions supranationales était une évidence. En effet, d’après son expérience professionnelle et institutionnelle en tant que diplomate, quand les Pays-Bas parlent en tant que pays européen, ils ont derrière eux la force de 27 pays unis. Cela leur permet sans équivoque de frapper au-dessus de leur poids. L’intervention de Mme Samson, en anglais, rend la conférence trilingue et cette caractéristique nous interpelle, tant elle représente l’Europe, mais aussi la Suisse et sa grande diversité linguistique. Tout un symbole.

De son côté, M. Jean-Claude Meyer, ambassadeur du grand-duché de Luxembourg à Berne, rajoute que, pour lui et sa patrie, l’intégration et l’interdépendance internationale n’ont jamais été vues comme une subjugation de l’autorité politique. En effet, depuis plusieurs siècles, le Grand-Duché a été en union économique et douanière avec ses voisins allemands sans pour autant être lié par une dépendance politique explicite. Si cela est vrai et peut être une inspiration pour la Suisse, on peut se demander jusqu’à quel point une intégration économique européenne mais non politique est possible pour la Suisse.

En effet, si une adhésion à l’Espace économique européen peut être un choix raisonnable pour notre pays, il pourrait lui être difficile de conserver l’intégralité de ses traditions démocratiques dans une union politique européenne.

Nous avons aussi bénéficié de la perspective de Monsieur Willy De Buck, ambassadeur du Royaume de Belgique en Suisse. En effet, la Belgique est aussi un pays multilingue qui, à l’instar de la Suisse, accueille nombre d’institutions multilatérales comme de grandes agences européennes et le quartier général de l’OTAN.

En bref, ces petits pays sont venus accompagner l’ambassadeur de l’Union européenne pour convoyer avec conviction l’idée qu’un petit pays peut trouver sa place dans l’UE.

À la suite de cette intervention, le public a été invité à poser une série de questions aux différents ambassadeurs. Sans surprise, on y retrouve un riche mélange de sceptiques et de fidèles du projet européen. Et c’est sur cette saine note de débat que se clôt un évènement d’un grand intérêt sur le point politique et intellectuel.

Marceau Bergeon
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Marius Gobet
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Nous tenons à remercier la Fondation Jean Monnet pour l’Europe pour l’organisation de cet événement, en partenariat avec l’Association suisse de politique étrangère (SGA-ASPE).

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