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IPA, vestige colonial ou symbole des brasseries artisanales?

Vendredi soir, 18h. Comme tout étudiant qui se respecte, vous êtes dans un bar, en train de prendre un apéro pour fêter le début du week-end. Quand le moment crucial du choix arrive : une bière, un verre de vin, un cocktail ? Ce sera une bière pour ce soir. Mais nous sommes à Lausanne, donc le choix de la bière peut s’avérer cornélien. Blonde, blanche, ambrée, brune ou IPA. Et comme si le choix n’était déjà pas assez difficile, la Suisse est le pays avec la plus haute densité de brasseries par habitant, avec 149 brasseries par million d’habitants en 2020. C’est sûrement ce très grand choix qui justifie que la pinte lausannoise est la plus chère de Suisse. Alors quitte à essayer une bière locale artisanale, autant que ce soit une IPA. Mais si l’IPA est devenue le symbole de la bière artisanale, il ne faut pas oublier ses origines coloniales.

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Origines troublées mais surtout houblonnées

L’IPA est l’acronyme de India Pale Ale et tire son origine de la colonisation de l’Inde par la Grande-Bretagne. L’Inde a toujours été un territoire convoité par les puissances européennes, avec la première tentative de Christophe Colomb d’y arriver par voies maritimes en 1492. C’est véritablement au XVIe siècle que la colonisation par les puissances européennes commence, avec une première présence à Goa, au sud-ouest. Toutefois, ce sont les Britanniques qui finiront par dominer l’Inde et y établir une présence coloniale durable.

La British East India Company est alors créée en 1600 et commence à établir un lien commercial avec l’Inde, en important des textiles, des épices et d’autres marchandises vers l’Europe. Au fil du temps, la compagnie commence à étendre ses activités en Inde, en établissant des comptoirs commerciaux et en acquérant des territoires par le biais de conquêtes militaires et de manœuvres politiques. Au milieu du XIXe siècle, les Britanniques ont établi un contrôle direct sur une grande partie de l’Inde. Le pays devient alors une colonie officielle de l’Angleterre et est renommée Raj Britannique en 1858.

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Au début du XVIIIe siècle déjà, les brasseurs britanniques exportaient de la bière pour la consommation locale. Cependant, le voyage entre la Grande-Bretagne et l’Inde était long et ardu, et la bière se gâtait souvent ou devenait plate avant d’arriver à destination. Pour résoudre ce problème, les brasseurs ont commencé à ajouter des quantités plus importantes de houblon dans leur bière pour la conserver et l’empêcher de s’altérer. Cela conduisit au développement de l’IPA, qui est une bière plus forte et plus amère que les autres bières britanniques traditionnelles. Le houblon supplémentaire agissait non seulement comme un conservateur naturel, mais donnait également à la bière un goût amer, ce qui permettait de masquer les mauvais goûts qui auraient pu se développer au cours du voyage. La teneur plus élevée en alcool a également contribué à la conservation de la bière, car l’alcool possède des propriétés antimicrobiennes qui empêchent la croissance des bactéries et autres micro-organismes susceptibles d’altérer la bière.

La première utilisation connue du terme « India Pale Ale » figure dans une annonce publiée dans un journal londonien en 1829 par un brasseur nommé Hodgson, qui prétendait exporter de la bière en Inde depuis 1790. Au fil du temps, ce style est devenu populaire en Grande-Bretagne et s’est ensuite répandu dans d’autres parties du monde. Dès le milieu du XIXe siècle, de nombreuses brasseries britanniques produisaient des IPA pour la consommation nationale et l’exportation. À la fin du XXe siècle, les brasseurs artisanaux américains ont commencé à expérimenter ce style, produisant des IPA américaines plus fortement houblonnées et présentant un profil aromatique plus citronné et floral que leurs homologues britanniques.

Brasseries alternatives

Si le style avait un peu disparu, les brasseurs du mouvement craft l’ont remis au goût du jour dans les années 70 pour en faire un produit très accessible et caractéristique d’une envie de renouveau dans le monde de la bière, qui n’a sans doute plus beaucoup en commun avec la bière de l’époque. On fait d’ailleurs aujourd’hui la différence entre English IPA qui fait plutôt référence au style ancien et American IPA, faisant référence au style moderne.

Le retour de l’IPA a enchanté les brasseurs, qui se sont réjouis de l’occasion que leur offrait ce style pour montrer leur savoir-faire, en s’essayant à de nouvelles variétés de houblon. L’IPA présente aussi un avantage car sa technique du houblonnage intensif (technique qui consiste à ajouter différents houblons à la bière à différents stades du brassage) permet de masquer les défauts, contrairement aux bières plus légères où les imperfections sont mises en évidence. Mais alors que le boom de la bière artisanale s’accélère, certains cherchent à différencier leurs brassins en ajoutant toujours plus de houblon. En 1994, la Blind Pig Inaugural Ale a marqué la naissance de la double IPA (avec deux fois plus de houblon).

Aujourd’hui, les IPA ont évolués et sont devenue l’un des styles de bière les plus populaires au monde, appréciées par les buveurs de bière pour leurs saveurs et leurs arômes audacieux et complexes. Il existe de nombreux sous-styles d’IPA. Par exemple, les New England IPAs (NEIPAs) sont apparues dans les années 2010 et sont caractérisées par leur aspect brumeux et leurs arômes juteux de fruits tropicaux. Les Belgian IPA, quant à elles, combinent l’amertume houblonnée d’une American IPA avec les saveurs épicées et fruitées d’une Belgian ale. Attention quand même car l’appellation est désormais appliquée à tort et à travers. Par exemple, les IPA rouges, les IPA de blé et les IPA noires sont en réalité d’autres styles de bière, mais avec une concentration de houblons plus élevé.

Même si l’IPA est en quelque sorte un produit de l’empire colonial britannique, elle est devenue au fil des années la bière phare des petits brasseurs. Elles représentent une bière artisanale sur trois vendues dans les bars américains. Née dans le monopole, l’IPA triomphe grâce à la diversité. C’est une mauvaise nouvelle pour les grands brasseurs qui dominent le vaste marché mondial de la bière blonde. La concurrence s’épanouit au niveau local et à une échelle modeste, ce qui est une très bonne nouvelle pour le consommateur.

La sélection de la rédaction

Elias et Julien: Dr Gab’s – Ipanema

Doit-on encore présenter la brasserie Dr Gab’s ? Devenue une véritable institution en Suisse Romande, elle a fêté ses 20 ans en 2021. Leur IPA, la Ipanema, tourne à 6%. On sent en bouche une teinte cuivrée ainsi qu’une puissante amertume. Ses houblons, de provenance américaine, permettent d’obtenir un parfum fruité et possèdent des arômes envoûtants. Mais c’est bien son corps malté qui favorise une bière équilibrée à la rondeur agréable, qui se combine bien avec des plats épicés.

Chloé : La Nébuleuse – Hold up

La brasserie de la Nébuleuse s’est implantée à Renens en 2015, dans les anciens locaux de l’imprimerie IRL. Mais c’est fin 2013 où tout commence, dans un local situé sous le MAD. La particularité de cette brasserie, c’est leur collection faramineuse de Pale Ale et d’IPA de toutes sortes, il y en a pour tous les goûts. Leur nouvelle IPA éphémère, la Hold up, est une IPA moderne à 6% qui fait honneur à la East Coast. Son maltage complexe séduira les amateurs de bière, avec une réflexion particulière sur le houblon. Brassée avec de l’Ekuanot, du citra, pas mal d’avoine et avec de la levure London Ale, elle saura vous tendre l’embuscade nécessaire pour rafraichir votre été.

Matthieu : Whitefrontier – Freeride World Tour

Fondée en 2016, la brasserie WhiteFrontier prend ses quartiers à Martigny. WhiteFrontier aspire à contribuer au développement du Craft Beer en Suisse, mais aussi au-delà de ses frontières. En avril 2017, la brasserie sponsorise l’Extreme de Verbier, le championnat du monde Freeride. En octobre, leur bière Freeride World Tour, conçue spécialement début 2017 pour le Freeride World Tour, a été désignée meilleure «Pale Ale» au monde lors des World Beer Awards. Aujourd’hui, ils ont brassé plus de 100 recettes différentes, et ont renommés la FWT en Martigny Vice sans changer la recette. Elle se caractérise par son faible pourcentage d’alcool à 3.5%. Cette New England Pale Ale a fermenté avec une levure du Vermont qui crée une bière super «hazy», pleine de corps, au goût et à l’arôme de Citra, juteuse et houblonnée, avec un léger arôme de pêche. En nez, on peut sentir des notes de fruits tropicaux et d’agrumes

Valentin : La Nébuleuse – Double Oat

Incontournable de ce classement, la brasserie de la Nébuleuse régale les papilles lausannoises depuis plusieurs années. La double Oat, leur double IPA est à la limite du style New England et tourne autour des 8%. Avec des flocons d’avoine, du blé et un houblonnage à cru au Mosaic, la Double Oat est une véritable claque exotique aux notes de mangue et à la longueur indécente !

Valérie : BFM – Djéronimo

Situé à Saignelégier dans les Franches-Montagnes, la brasserie BFM connait une envergure qui dépasse les frontières jurassiennes. Sa bière, l’Abbaye de Saint Bon-Chien a récemment été reconnu « l’une des meilleures bières du monde » par le New York Times. C’est néanmoins la Djéronimo que j’ai choisi. Cette white IPA se caractérise par son nez intense, fruité aux notes de zestes d’agrumes, de poivre et de fleurs. Elle possède une jolie texture en bouche et propose un équilibre subtil entre les notes fruitées d’agrumes et une amertume rafraîchissante, rappelant les saveurs du pamplemousse. Cette bière blanche est délicieusement houblonnée mais garde une pointe de douceur venant de l’avoine.

Gwendoline : Boss Beer – Moléson IPA

Aux pieds des Préalpes fribourgeoises, au cœur de la campagne du village de Bossonnens situé au sud du canton est née en 2016 une brasserie artisanale : Boss’Beer, la bière du Sud ! S’ils ont brassé plusieurs bières depuis leurs débuts, la Moléson, une IPA de 6.2%, reste ma préférée. Non filtrée, elle est relativement claire avec une belle couleur dorée. En bouche, on peut sentir beaucoup de volume, des fruits exotiques, ainsi qu’une note florale avec une touche subtile de mangue, de citron et de rose. Elle continue avec des arômes légers de malt noisette pour finir avec une belle amertume.

Gwendoline Munsch
Gwendoline Munsch
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SOURCES (cliquez sur les titres pour en savoir plus)

L’Histoire de l’India Pale Ale (ENG)

L’IPA : Symbole du renouveau brassicole

La brasserie Dr Gab’s

La brasserie de la Nébuleuse

La brasserie Whitefrontier

La brasserie BFM

La brasserie Boss Beer