DOSSIER - L'image de la femme dans les jeux vidéo - GAMERGEN.COM

Les femmes dans les jeux-vidéos

La représentation de la femme est au cœur des enjeux depuis les origines du jeu-vidéo. Déjà dans le premier Mario Bros. paru sur NES en 1983, notre héros moustachu préféré devait secourir la princesse Peach des griffes du vil Bowser, en sautant de plateforme en plateforme sans heurter ses ennemis à travers différents mondes. Cette aventure d’une redoutable simplicité qui, au moins sur le fond, semble tout droit sortie des légendes médiévales, est décriée au XXIe siècle par le rôle jugé dégradant qu’elle confère à la femme : celui d’un objet, d’un trophée convoité par l’homme qu’il accapare après avoir fait ses preuves. Une situation qui devait nécessairement évoluer pour s’ajuster aux nouvelles problématiques sociétales occidentales, comme nous allons le voir brièvement dans cet article.

L’évolution de la place des héroïnes dans le jeu-vidéo est avant tout le fruit du perfectionnement des nouvelles technologies : les capacités de résolution d’image et de stockage des jeux s’améliorent, laissant ainsi plus de marge d’expression aux différents personnages, notamment féminins. Ces dernières acquièrent un rôle de moins en moins figuratif dans les jeux-vidéos jusqu’à devenir fréquemment les protagonistes de leurs aventures, notamment pour répondre au besoin de satisfaire un public de joueuses – ou « gameuses » – en hausse constante et désireux de s’identifier à des personnages féminins, comme le révèle une étude rapportée par UKIE indiquant que 42% des joueurs britanniques sont féminins, ou encore le rapport de Nintendo de 2013 affichant la parité totale atteinte entre ses joueurs et ses joueuses à travers le monde.

Dans les jeux vidéos, autant de joueuses... que de joueurs ! - ladepeche.fr

Des jeux différenciés selon le sexe

La représentation des femmes diffère néanmoins selon le genre du jeu-vidéo, leurs préférences restant elles-mêmes étroitement liées au sexe des joueurs. Les industries du secteur sont en effet souvent amenées à segmenter le marché en deux catégories – hommes et femmes – pour cibler chacune avec des jeux adaptés. Tandis que le public masculin est généralement plus amateur de jeu d’actions et de combats au gameplay nerveux (Super Smash Bros, Call of Duty, GTA…), les femmes sont en moyenne plus réceptives aux jeux axés sur le scénario, faisant la part belle à la communication et aux relations interpersonnelles (Les Sims, Civilization, Myst…). Les jeux « pour femmes » rencontrent cependant moins de succès, peut-être parce que leurs équipes de production à majorité masculine ont du mal à visualiser les attentes de l’autre sexe. Shigeru Miyamoto, créateur des licences Mario et Zelda, témoigne même de son incapacité à faire aimer ses propres jeux à sa femme !

D’autres développeurs font le choix de mixer dans un seul jeu des fonctionnalités tantôt appréciées par les hommes, tantôt par les femmes, tantôt les deux, qui pourront ainsi plaire à tous. Certains jeux très neutres comme Tetris font le choix d’un gameplay simple adapté aux deux sexes ; d’autres comme les RPGs du style World of Warcraft satisfont ces messieurs avec un système de progression et de récompense ingénieux, et font plaisir à ces mesdames à travers la socialisation rendue possible grâce à l’utilisation des fonctionnalités multijoueur. Les héroïnes sont sans surprise davantage présentes dans les catégories de jeux féminins voire mixtes, mais cela suffit-il à résoudre le problème de la représentation des femmes ?

Les héroïnes dans les RPGs

Les RPG (« Role Playing Game », jeux-vidéos en tour par tour inspirés des jeux de plateaux) cités plus haut ou leurs variantes japonaises, les JRPG, permettent ainsi, sans doute mieux que tout autre genre, de contrôler des personnages féminins au sein d’une équipe. Tandis que les personnages masculins partent à l’aventure en armures, munis de lourdes haches, de puissants arcs et d’épées forgées par Héphaïstos en personne, leurs compagnons féminins se contentent le plus souvent d’être jeunes, jolies, assez peu vêtues et d’arborer des poitrines généreuses – qui doivent être, soit dit en passant, plutôt handicapantes pour se mouvoir facilement pendant les combats ! Pyra de Xenoblade Chronicles 2 (sorti en 2017) représente avec tant d’autres cet archétype d’héroïnes hypersexualisées qui plaît beaucoup à son public encore en grande partie jeune et masculin. Paradoxalement, ce sont souvent ces personnages qui possèdent le plus de points de vie (PV) malgré leur manque flagrant de protections, outre leur bikini en côte de maille. Leur rôle dans ces RPG consiste rarement à combattre au corps à corps – ça serait bien trop dangereux – mais plutôt à soigner leur équipe contre d’éventuels problèmes de statut, à restaurer leurs PVs ou leurs points de magie, et à les ressusciter en cas de besoin. Ainsi Octopath Traveler (2018) et sa suite spirituelle (2023) proposent-t-il d’incarner une prêtresse, une danseuse ou une apothicaire toutes emplies de tendresse dans des rôles principalement de support, pendant que l’infirmière Joëlle se dévoue à soigner nos Pokémons depuis neuf générations maintenant.

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Une représentation dégradante des femmes ?

Cette perception quelque peu stéréotypée de la femme douce, voire « couveuse » dans les jeux-vidéos est de plus en plus remise en cause car jugée dégradante, surtout lorsqu’il s’agit en plus de sexualiser son corps ou de lui faire adopter des comportements volontairement niais voire ridicules pour lui donner un côté « kawaï » (mimiques, soupirs, rires sots, répliques naïves…). La représentation idéalisée du corps de la femme pourrait aussi complexer les plus jeunes joueuses, ou leur apprendre à reproduire des comportements rabaissants ou qui ne sont pas de leur âge. Certaines critiques dénoncent également l’objectification inappropriée du corps de la femme lorsque celle-ci est mentionnée avoir subi un viol dans le scénario d’un jeu ainsi que l’incitation implicite des développeurs à ces comportements sexistes et déviants, comme ce fut le cas avec Lara Croft de la licence Tomb Raider, argument d’autant plus étrange que l’expression de scènes de meurtre bien plus violentes sont acceptées depuis toujours dans les jeux-vidéos et dans n’importe quelle autre forme d’art – alors que l’on sait tous qu’il n’est pas très gentil de tuer…

Le temps des princesses kidnappée et enfermées dans des donjons au fin fond de contrées lointaines et inhospitalières, attendant patiemment la venue de leur héros de rouge, de vert ou de n’importe quelle couleur vêtu semble donc révolu ; il faut désormais que la femme joue un rôle actif dans l’aventure. Elle ne doit plus être présentée comme une récompense mais comme le semblable du personnage masculin doté des mêmes pouvoirs, des mêmes capacités et des mêmes objectifs. Ainsi en 2020, sans doute autant pour plaire à un public féminin que pour éviter toute accusation de sexisme, 72% des jeux présentés à l’E3 (conférence de jeux-vidéos) offraient la possibilité d’incarner un personnage féminin, selon Harmonie Freyburger, vice-présidente de l’association « Women in Games », un chiffre en net progrès par rapport ne serait-ce qu’à 2019. Ce qui n’empêche pas le studio Platinum Games de produire la série à succès Bayonetta où l’on incarne une héroïne vengeresse aux tenues sexy et maîtresse du BDSM.

Paradoxalement, les progrès technologiques phénoménaux de ces 30 dernières années réalisés dans l’industrie du jeu-vidéo se sont accompagnés à la fois d’une amélioration de l’image de la femme – avec notamment une plus grande profondeur et richesse dans le caractère des personnages féminins – et ce qui est perçu par certains comme une dégradation de celle-ci avec l’apparition de la 3D puis de la 4K utiles pour mettre en valeur leurs attributs sexuels au détriment de leur personnalité. Pour corriger le tir, de plus en plus de firmes construisent leurs personnages ou protagonistes féminins selon des standards beaucoup plus virils : puissantes, violentes, musclées et sans pitié, elles n’ont souvent plus rien à envier à leurs homologues masculins. Pas sûr pour autant que cette représentation-là de la femme soit la moins erronée, ni celle qui fait le plus rêver…

Martin Vasseur
Martin Vasseur
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