Fermez vos yeux et tentez d’imaginer les débuts du cinéma. Attendez ! Ne vous méprenez pas, cela n’est pas aussi soporifique que ce à quoi vous pensez. Laissez l’odeur enivrante des tons chauds vous porter au travers des méandres de l’industrie du cinéma. « Babylon » de Damien Chazelle vous jette dans un monde enflammé qui dépeint avec extravagance les débuts du cinéma entre les années 1926 à 1932.
Le cinéma pour rêver
Entre dépravation et débauche, on découvre le cinéma d’antan. Mais est-ce réellement une vision dépassée que nous offre là Damien Chazelle ? Au contraire, ici c’est un portrait de l’art véritable et de ses affres qui nous est dévoilé. Trois protagonistes nous entrainent dans leur passion dévorante pour le cinéma, tous aspirent à échapper à une condition inconfortable. « If you could go anywhere, in the whole world where would you go? -I’ve always wanted to go on a movie set. “ On comprend alors dès le début du film la liberté que promet Hollywood. Le réalisateur nous expose cet univers bien à part en illustrant toutes ses extravagances, excentricités et bizarreries. Il nous laisse nous faufiler discrètement dans une fête rocambolesque dans laquelle tout est permis ; imaginez l’impensable et je ne peux que vous assurer qu’il apparaitra dans cette scène. Attendez … un éléphant dans un manoir par exemple. Mais cela n’existe que dans les films me direz-vous, et je vous répondrai bien évidemment. Ainsi, notre réflexion sur le cinéma est initiée par ses folles opportunités et la liberté qui les accompagnent. Nos yeux s’émerveillent alors au rythme que l’histoire évolue. Nos trois protagonistes ne cessent de découvrir la beauté du cinéma ; ils apprécient sa créativité, ses chances et sa liberté.
Toutefois comme disait Anatole France « le mal est nécessaire. S’il n’existait pas, le bien n’existerait pas non plus », et cela le réalisateur ne manque pas de nous le rappeler. La disparition du cinéma muet marque un point de césure dans le film, c’est ainsi que se dépose une certaine noirceur sur les images. Les spectateurs regardent non sans peine les trois protagonistes qui brillaient s’éteindre doucement, ravagés par la cupidité, les substances ou encore être relayés au second rang. Tous réalisent alors qu’ils ont une date de péremption dans une industrie qui évolue avec son temps et ses goûts.
Ne vous arrêtez pas de lire, la conclusion n’est pas que le cinéma est une cause perdue. L’habilité de Damien Chazelle réside dans ce tour : certes il met en lumière tout ce qu’il y a de mauvais à Hollywood mais la fin saura vous conquérir. Les dernières minutes nous font ouvrir les yeux sur la beauté d’un art marqué par sa pérennité. Toutes ces images créées, tous ces acteurs, toutes ces idées et ce travail, rien ne meurt. Ils s’inscrivent dans nos cœurs, dans nos mémoires et par-dessus tout transcendent le temps. Qui sait peut-être que dans 100 ans on regardera encore Babylon.
Entre musique originale, belles images et figures de proues
Dans ce film, il faut également savoir reconnaitre le travail artistique accompli pour donner vie aux idées citées précédemment. En effet, une mélodie fracassante, Voodoo mama de Justin Hurwitz, nous glisse sur la peau dès les premières images du film. Un rythme audacieux et entrainant qui n’a de cesse de nous animer ; il nous fait ressentir cette chaleur, cette folie que représente le cinéma. Tout au long du film cette musique va et vient mais ne nous laisse pas indifférent bien au contraire, elle nous emporte dans cet émerveillement continu. Le piano, le saxophone et les trompettes s’emballent et suivent le rythme effréné de l’industrie du cinéma à Hollywood dans ses débuts.
Les images quant à elles nous transporte dans un univers cinématographique d’une légèreté inégalables. Le spectateur attentif saura apprécier les nombreuses allusions tantôt à des films cultes tantôt à des stars hollywoodiennes du siècle passé. Toutes les scènes sont teintées par l’histoire du cinéma. Cependant Babylon reste drapé d’un voile aux couleurs chaudes, on reconnait là le travail du réalisateur sur la colorimétrie. Les tons chauds reflètent l’effervescence de ces années à Hollywood.
Par ailleurs, les couleurs et la musique ne font que sublimer la performance de véritables figures du cinéma américain. Margot Robbie et Brad Pitt nous révèle un jeu d’acteur au-delà de toute espérance. Quant à Diego Calva, c’est une agréable découverte. Tous nous transmettent avec émotions leur passion pour le cinéma. Damien Chazelle s’est notamment inspiré de réelles personnalités telles que Clara Bow, John Gilbert ou encore René Cardona.
Une fois de plus, les acteurs d’un temps passé ne disparaissent pas, ils ont bâti les fondations du cinéma que l’on connaît aujourd’hui. Ces derniers sont encore une source d’inspiration et ne cesseront de l’être. Babylon nous offre la vision d’un art tumultueux mais qu’on apprécie pour sa beauté singulière. Beauté sur laquelle le temps est visiblement impuissant.