Un voyage sur la Terre des hommes

Lors d’une pluvieuse soirée d’octobre, l’ambiance est de mise pour se plonger dans les méandres de sa bibliothèque personnelle, celle où des dizaines de livres s’entassent et attendent longuement d’être lus ou relus. Il se peut qu’au détour d’un coup d’œil furtif entre les étagères, notre attention de lecteur assidu se porte sur une œuvre particulière, ce qui fut le cas pour moi avec Terre des hommes rédigé par Saint-Exupéry. Dès la lecture des premières pages, l’immersion dans le monde de l’auteur nous entraîne dans une réflexion humaniste des plus profondes, et à laquelle je vais tenter de prendre part dans les prochaines lignes.

Une autobiographie rocambolesque

Le premier élément frappant dans la lecture de Terre des hommes consiste en la proximité immédiate du lecteur aux côtés de Saint-Exupéry dans la narration de son histoire personnelle, que ce soit lors de ses débuts en tant que pilote novice pour l’aéropostale jusqu’à son accident presque fatal dans le désert libyen, tout en passant par les recherches entreprises dans la cordillère des Andes pour secourir un ami aviateur s’étant écrasé dans cette région périlleuse et difficile d’accès. L’aspect personnel et la description précise des émotions ressenties prend ainsi une place prépondérante dans cet environnement et rendent encore plus réaliste la plongée dans le milieu si rude que fut celui des pilotes d’avion de la première moitié du XXème siècle, à une époque semble-t-il si lointaine où le seul moyen de communiquer avec les êtres aimés résidait en une fine couche d’encre déposée sur du papier froissé qu’un héros du ciel acheminerait au sein de son appareil, faisant fi des obstacles sur son parcours et allant parfois jusqu’au sacrifice ultime pour l’accomplissement de la mission, témoignant de cette manière d’une responsabilité individuelle sans faille.

La mise en contexte est ainsi importante pour comprendre l’état d’esprit de l’auteur durant les différentes aventures traversées tout comme la dévotion que celui-ci porte pour son travail et ses proches, bien que son emploi au milieu des nuages représente bien plus qu’un simple métier, mais bel et bien une manière d’apporter un sens à sa vie.

Le rêveur, l’aviateur et l’humaniste

Ce thème récurrent que constitue la quête de sens est souvent abordé dans Terre des hommes. Il se traduit souvent par une volonté de surpassement personnel et de recherche constante de nouvelles aventures qui éviteraient de ce fait à l’écrivain de sombrer dans une existence monotone, concept pouvant représenter un danger concret, que ce soit dans le domaine de l’aviation lorsque de longs voyages en ligne droite incitent à la distraction du pilote, ou plus philosophiquement parlant lorsque la monotonie de la vie des adultes qui sont souvent absorbés par leurs routines et leurs préoccupations matérialistes mène à une perte de réflexion sur les aspects plus profonds de l’existence. Ce dernier thème tient à cœur à Saint-Exupéry qui le mentionne souvent dans ses œuvres et en particulier dans Le Petit Prince.

Ce désir de transcender les frontières terrestres et d’explorer les mystères du ciel témoignent d’une aspiration à la découverte et à la compréhension et constituent une caractéristique essentielle de l’humanisme, qui cherche à élargir les horizons de la connaissance et de l’expérience humaine. Les autres éléments cités tels que la quête de sens et la responsabilité individuelle sont également des points-clefs du courant de pensée humaniste, auquel adhère notre auteur du jour aux côtés d’écrivains de renom tels qu’Albert Camus ou Jean-Paul Sartre.

J’aimerais cependant revenir sur ce qui me touche le plus personnellement dans l’écriture de Terre des hommes et qui consiste en la profonde empathie de St-Exupéry non seulement pour les êtres lui étant chers mais également et surtout pour l’humanité en général. Celle-ci est exprimée tout au long du livre que ce soit lors de la narration du calvaire qu’a vécu durant des jours son meilleur ami pour s’extirper des entrailles de la chaîne des Andes en plein hiver ou lors de la rencontre avec des tribus nomades du Sahara, lesquels possédaient des esclaves et dont l’épistolier en racheta un pour le libérer de son asservissement. Malgré tous les malheurs qu’il ait été amené à vivre, le père du Petit Prince réussit à rester résolument optimiste dans des situations pourtant vouées à faire perdre espoir au plus croyant des religieux. C’est cet élément-ci que j’admire le plus et pour lequel je pense que l’on devrait s’inspirer dans notre quotidien.

Un Petit Prince au XXI^ème siècle

Un passage du livre poussiéreux ressorti des dédales de ma bibliothèque résumant bien cette pensée altruiste de l’auteur est le suivant :

« Liés à nos frères par un but commun et qui se situe en dehors de nous, alors seulement nous respirons et l’expérience nous montre qu’aimer ce n’est point nous regarder l’un l’autre mais regarder ensemble dans la même direction. Il n’est de camarades que s’ils s’unissent dans la même cordée, vers le même sommet en quoi ils se retrouvent ».

Je trouve que cet extrait fait écho à l’espoir propagé dans les textes de Saint-Exupéry dans le sens que si nous croyons en un but commun et sommes fermement destinés à l’atteindre, il sera alors plus facile de tendre notre main et d’écouter l’autre afin de surmonter les différences en se détachant de nos rancœurs et de notre point de vue personnel, et ce en particulier dans l’époque que nous vivons.

Malgré nos différences et nos difficultés, cherchons donc à nous unir autour d’idées humanistes communes. Que ce soit dans nos relations personnelles ou dans notre manière d’aborder le monde, tendons la main vers l’autre afin de rechercher ce qui nous rassemble plutôt que ce qui nous sépare, car n’oublions pas que « l’essentiel est invisible pour les yeux… ».

Sources

Antoine de Saint-Exupéry : Terre des hommes, Gallimard, France, 1939

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