L’ arrivée au pouvoir de l’UDC 

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La politique est un sujet de discussion bien répandu, il est présent en cours, sur les réseaux sociaux, et, petite spécialité suisse, il est très présent plusieurs fois par année quand notre peuple est mobilisé pour les votations. Mais qu’en est-il vraiment ? Vos amis les plus politisés sauront sans doute vous parler de l’histoire du Rassemblement National, anciennement Front national, et rappeler que Jean-Marie Le Pen est passé à peu de choses de devenir président de la République en 2002 face à Jacques Chirac. En revanche, peu d’entre eux sont familiers avec le plus grand parti de Suisse, Christoph Blocher évoquant bien plus aux parents qu’à la génération actuelle d’étudiants. Pourtant, l’UDC est le premier parti de Suisse. Alors, qu’en est-il de ce parti ? Quand et comment a-t-il su tirer son épingle du jeu ?

Naissance et histoire du parti

Au début du XXe siècle, un parti prétend défendre les intérêts des paysans, c’est le PAB, parti des Paysans, Artisans et Bourgeois. Il est représenté dès 1929 à la plus haute instance du pays avec l’élection de Rudolf Minger, en plus de détenir plusieurs sièges au Conseil national. Dans les années trente, le PAB se confirme comme partenaire loyal du parti démocrate-chrétien (PDC) et du PRD, actuel parti libéral-radical (PLR). C’est dans ces années que le PAB commence à affirmer une position de droite conservatrice, notamment en s’opposant au socialisme et aux réformes libérales. Après la Seconde Guerre mondiale, alors que les idées progressistes gagnent en popularité, le parti reste peu représenté sur la scène nationale.

Arrivée au pouvoir de Christoph Blocher

Au début des années 1990, l’UDC est toujours une force minoritaire dans le paysage politique suisse. L’électorat du parti provenait majoritairement de sa section bernoise appelée « aile paysanne », aile qui tenait traditionnellement des positions politiques modérées. Cependant, cette décennie marque un tournant pour cette formation politique et la Suisse tout entière. Le changement est personnifié par l’arrivée d’un homme : Christoph Blocher.

À la tête de la section zurichoise, surnommée « aile souverainiste », Blocher commence à jouer un rôle déterminant dès 1977, en influençant le positionnement du parti vers des idées plus nationalistes et souverainistes. C’est cependant dans les années 1990, avec la montée des enjeux liés à l’immigration et aux relations avec l’Union européenne, qu’il s’impose véritablement comme une figure nationale incontournable. Incarnant la radicalisation du parti, Blocher devient le visage de l’UDC, contribuant à son ascension fulgurante sur la scène politique suisse. Cette stratégie a permis au parti de se démarquer des trois cadors historiques de la politique suisse : le PS, le PLR et le PDC (aujourd’hui Le Centre, issu de la fusion en 2020 entre le PDC et le PBD). Mais pour que l’électorat suive cette distanciation, elle a dû se baser sur des concepts clairs et forts.

Montée fulgurante

À partir des élections fédérales de 1995, l’Union Démocratique du Centre va commencer une fulgurante ascension, qui va mener ce parti, jusque-là minoritaire, à la tête de la Suisse. Entre 1990 et 2007, le nombre de représentants du parti au Conseil National va se voir multiplié par trois ! En moins de vingt ans, le parti le « plus à droite » de l’échiquier suisse est devenu majoritaire. Mais comment expliquer un tel revirement ? Et comment l’électorat suisse en est-il venu à basculer vers une droite plus radicale ?

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Ce changement de positionnement politique intervient dans un contexte géopolitique mondial où se forment de nouvelles alliances et puissances. Le parti de l’Union démocratique du centre décide alors de soutenir des positions sans appel : protecteur de la souveraineté suisse sur le plan international et fervent défenseur de l’identité suisse face à l’immigration. Ces concepts seront notamment au centre de deux enjeux majeurs de la fin du XXe siècle.

Non à l’Europe !

Au début des années 1990, une idée anime de nombreux débats en Suisse : l’Union européenne et son espace économique. Alors que tous les partis majoritaires sont plutôt favorables à un rapprochement de la Suisse avec cette entité supranationale, l’UDC maintient une position claire, motivée par ses valeurs souverainistes et patriotiques. Le parti rejette en effet totalement l’idée d’intégrer la Suisse dans le projet européen. Entre 1992 et 2001, trois votations populaires ont lieu pour consulter la population sur son intérêt à rejoindre l’UE. Par trois fois, le peuple suisse se prononce en défaveur de l’Europe. À travers ces votations, l’UDC a donc soutenu une position claire à laquelle les citoyens suisses ont pu s’identifier.

4 mars 2001 : l’initiative populaire intitulée « Oui à l’Europe ! » proposant l’ouverture de négociations d’adhésion à l’UE est rejetée par 76,8 % des votants.

Barrage à l’immigration

La fin du XXe siècle en Suisse est marquée par une immigration massive, liée à une forte demande de main-d’œuvre pour soutenir son développement économique. Cette période a largement contribué à la prospérité du pays, mais elle a aussi posé des défis importants, notamment en termes d’intégration sociale et de gestion des ressources.

En réponse à Cesla Amarelle, le graphique de l’immigration en Suisse depuis 1860

Dans ce contexte, l’UDC a toujours adopté une ligne très opposée à toute forme d’immigration, prônant la protection de la culture nationale. Le parti s’est notamment servi d’affiches très explicites afin d’exacerber un sentiment national dans cette période marquée par des profonds mouvements démographiques. Cette forte immigration leur a ainsi offert l’occasion de capitaliser sur une position de « protecteur » de l’identité suisse, attirant un électorat sensible aux questions d’identité nationale et préoccupé par les changements culturels et économiques associés à ces mouvements démographiques. Cela leur a permis de consolider leur position politique en articulant un discours centré sur la préservation des traditions suisses et la défense de la souveraineté nationale.

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Affiche de campagne de l’UDC contre l’immigration massive (2014)

 

Contexte actuel

Cet héritage permet au parti de se placer comme « seul vrai défenseur » de l’identité nationale Suisse face à son concurrent direct de droite, le PLR, qui peine actuellement à trouver sa place. L’UDC sort donc en grand vainqueur des débats sur les questions abordées auparavant.

Ne récoltant en 1991 que 11,9% des suffrages suisses aux élections fédérales, il a pourtant porté à lui seul un avis majoritairement partagé par la population suisse. La consécration de cette victoire idéologique sera le suffrage fédéral de 2003, pour lequel l’UDC se verra accordé 26,7% des voix. L’UDC devient donc de fait le premier parti suisse. L’attrait de l’électorat de droite pour des partis plus radicaux, observé en Suisse dès les années 1990, se manifeste également dans d’autres pays ces dernières années. Ce phénomène se retrouve par exemple en France, où la droite républicaine traditionnelle perd progressivement sa puissance électorale au profit du RN.

Ces dernières années, l’UDC continue de consolider sa position de premier parti en Suisse. Très actif dans le lancement d’initiatives populaires, le parti se concentre principalement sur les questions d’immigration et de souveraineté nationale. Un exemple marquant est l’initiative « Contre la construction de minarets », soumise au vote en 2009, qui a été largement soutenue et promue par l’UDC. Cette initiative a été approuvée par 57,5 % des votants, suscitant un débat national et international.

Durant la pandémie de COVID-19, l’UDC critiquait souvent le gouvernement pour ses décisions liées au confinement, ils auraient préféré une approche plus libérale. Leurs positions sur le vaccin ont suscité des débats au sein même du parti, mais ils ont tout de même affiché une position antivaccin.

Lors des élections fédérales de 2023, l’UDC renforce encore sa domination en remportant neuf sièges supplémentaires au Conseil national, atteignant un total de 62 sièges (sur 200), soit la plus grande progression parmi tous les partis suisses.

Dans les faits, le peuple se contente souvent du récit qui désigne la Suisse comme un petit eldorado de libertés et de richesses au centre de l’Europe, sans trop se préoccuper de ce qu’il s’y passe vraiment. On cède trop souvent à des formules toutes faites comme : « De toute façon, il ne se passe rien dans la politique suisse », tout en s’intéressant et en s’indignant plus facilement face à la politique française ou américaine. L’avis de Trump sur les habitudes alimentaires des Haïtiens de Springfield est forcément plus relayé que celui de Thomas Stettler sur la ligne politique de son parti, l’UDC : « Xénophobes peut-être, mais pas racistes ». De même, l’hashtag utilisé par Andreas Glarner, #stoppislam, bien que d’une portée intellectuelle similaire, suscite beaucoup moins d’attention.

Conclusion

La montée de l’UDC au sommet de la politique suisse comporte des éléments très intéressants à comprendre afin de pouvoir analyser les revirements politiques des autres pays. À l’heure où l’on entend beaucoup parler des montées des extrêmes en Europe, peu de personnes prennent la Suisse en modèle. Pourtant, sa transition politique des années 1990 apporte plusieurs facteurs essentiels à la compréhension de ce phénomène social : la montée d’une volonté souverainiste et une défense de la « culture nationale », en combattant l’immigration. 

Ce désintérêt croissant envers la politique suisse peut s’avérer dangereux. Dans une démocratie directe, l’engagement citoyen est crucial pour garantir une diversité d’opinions et empêcher toute dérive. Se détourner des débats nationaux revient à laisser d’autres décider à notre place des orientations qui façonnent notre société. Pour préserver les valeurs et l’équilibre politique qui définissent la Suisse, il est indispensable de rester informé et d’exercer son droit de vote en toute connaissance de cause. Être acteur de notre démocratie, c’est s’assurer que notre voix compte dans les décisions importantes pour l’avenir de notre pays, par exemple en allant voter ce week-end ! 

Nils Kundert & Arthaud Widmer

Sources :

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