Bien que la Suisse soit perçue comme un paradis fiscal, elle impose depuis janvier 2021 une redevance de radio-télévision de 335 CHF à tous les ménages, y compris aux étudiants étrangers sans emploi. Est-il cohérent de ne pas travailler tout en s’acquittant de ce qui pourrait être perçu comme une forme d’impôt non avantageuse ?
Aux alentours de la redevance
La redevance radio-télévision, perçue annuellement par l’organisme Serafe, mandaté par le Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC) pour la période 2026-2034, est présentée comme une contribution financière destinée à soutenir la production quotidienne de programmes radio, télévisés et web des médias audiovisuels de service public en Suisse, dont la RTS. Qui est tenu de la payer ?
Selon l’article 68 de la LRTV, chaque ménage privé, enregistré dans le registre des habitants cantonal ou communal, en plus des entreprises, sont assujettis à la redevance. Les personnes bénéficiant de prestations annuelles, les ménages composés uniquement de personnes malvoyantes et malentendantes, ainsi que les diplomates, les membres de missions permanentes et leurs familles, sont toutefois exemptés de cette redevance.
Quel est le montant de la redevance ? Les ménages doivent s’acquitter de 335 CHF par an. À quoi sert-elle ? La redevance finance les contenus produits et diffusés par la RTS, l’ensemble des chaînes de la SSR, ainsi que les radios et télévisions régionales. Qui en bénéficie ? Elle est principalement attribuée à la SSR (environ 88 %), aux 22 radios et 13 télévisions régionales privées (environ 6 %), et à Serafe (6 %). Pourquoi n’est-elle pas perçue sous forme d’impôt ? Comme nous l’explique la FAQ sur la redevance : « Si la redevance était collectée par le biais des impôts, l’indépendance de la SSR pourrait être compromise, des pressions politiques risquant d’influencer annuellement les programmes lors des débats parlementaires sur le budget de la Confédération et les allocations annuelles ».
Étudiants étrangers : taux de travail et paiements
Pour les ressortissants de pays tiers, les lois cantonales en vigueur encadrent le travail des étudiants en parallèle de leurs études.
Ainsi, « dans le cadre d’un séjour en Suisse à but de perfectionnement ou de formation dans une haute école ou haute école spécialisée, une activité accessoire en parallèle selon plusieurs conditions peut être approuvée par les autorités cantonales compétentes, conformément à l’art. 38 OASA. En effet, les étrangers peuvent, au plus tôt six mois après le début de la formation, travailler pour un maximum de 15 heures par semaine en dehors des vacances. La direction de l’école doit toutefois certifier que cette activité est compatible avec la formation et n’en retarde pas la fin. De plus, cette activité doit comporter une demande d’un employeur et doit respecter les conditions de rémunérations et de travail en vigueur » (FAQ – Travail).
Le salaire moyen d’un étudiant s’élève à environ 25 CHF par heure, soit environ 1 500 CHF par mois. Cependant, à la suite de l’invasion russe de l’Ukraine, les tarifs ont considérablement diminué, les étudiants percevant désormais un tarif brut ne dépassant pas 23 CHF par heure. Cette baisse reflète les répercussions de la crise économique, qui affecte aussi bien les employeurs que les employés, à tous les niveaux.
En revanche, le budget de base d’un étudiant s’élève à environ 2’050 CHF par mois, incluant les frais de scolarité et d’inscription (580 CHF + 200 CHF), ainsi que d’autres dépenses telles que l’entretien et la nourriture (850 à 900 CHF), le logement (700 à 900 CHF hors charges), l’assurance maladie (150 à 300 CHF), les livres et fournitures (100 à 150 CHF) et divers autres besoins. Dans ces conditions, l’étudiant peut-il supporter le poids d’une charge financière supplémentaire ?
Avant l’âge de 26 ans, la situation diffère de celle qui prévaut après.
Lorsqu’un·e « jeune-adulte » de 19 à 25 ans étudie en Suisse, il bénéficie d’avantages considérables en matière de réduction des dépenses et d’opportunités d’épargne. Ce cadre réglementaire s’étend à plusieurs domaines, notamment à l’assurance maladie. En effet, selon l’article 16a (al. 1 et 4) de la LAMal : « Les assureurs bénéficient d’un allégement de la compensation des risques pour les assurés âgés de 19 à 25 ans le 31 décembre de l’année concernée (jeunes adultes) », bien que « sont réputés adultes, les jeunes adultes et les assurés qui ont plus de 26 ans le 31 décembre de l’année concernée ». De plus, les jeunes de 16 à 25 ans profitent également de meilleures réductions et offres sur les abonnements de transport CFF, quel que soit le motif de leurs voyages. Cependant, les jeunes adultes sont-ils pour autant exemptés de la redevance audiovisuelle ?
Il y a 800’000 jeunes âgés de 18 à 25 ans, ce qui représente 9 % de la population du pays. Et selon les données, les jeunes ne quittent le domicile familial qu’à un âge relativement tardif. Or « un chiffre révélateur de l’Office fédéral de la statistique en 2016 montre que l’âge moyen auquel on quitte ses parents se situe aujourd’hui entre 24 et 25 ans », ce retard est dû à des raisons financières représentées par la difficulté de trouver d’emploi en parallèle d’études ou « même avec un petit salaire, il est extrêmement compliqué de dénicher un logement à un prix abordable ». Par ailleurs, rien n’indique dans le texte juridique que les jeunes sont exemptés de la redevance, mais ils peuvent éviter de la payer en déclarant qu’ils ont leur résidence principale chez leurs parents.
Selon l’art. 69a, dans la troisième partie, il « est solidairement responsable du paiement de la redevance du ménage toute personne adulte répondant à l’un des critères suivants :
a. son ménage constitue le domicile principal, par analogie à la définition de la commune d’établissement,
b. elle ne possède pas de domicile principal en Suisse et son ménage constitue son domicile secondaire, par analogie avec la définition de la commune de séjour au sens ».
Ainsi, tous les jeunes Suisses vivant avec leur famille en bénéficient, car l’obligation de payer est basée sur des ménages et non sur les individus. Par conséquence, même s’ils déclarent leur résidence secondaire, qui peut être proche de l’université ou du lieu de travail, ils peuvent échapper à la redevance.
Cependant, chaque étudiant étranger considère sa résidence secondaire en Suisse comme sa résidence principale, ce qui l’oblige à payer la redevance. Or, comme mentionné précédemment (deuxième paragraphe), les étudiants étrangers ne sont pas autorisés à travailler pendant les six premiers mois de leur séjour et dépendent des virements financiers de leurs parents depuis l’étranger. La Confédération helvétique a-t-elle réellement besoin de ces contributions étrangères pour financer le contenu audiovisuel national ? D’autant plus que tous les streams en direct sont bloqués hors des frontières suisses en raison des droits de diffusion en ligne, qui limitent la majorité des émissions au territoire suisse. Seule l’émission RTS Info reste accessible à l’étranger, avec toutefois certaines restrictions.
Solutions pour les étudiants internationaux ?
Les étudiants étrangers, interdits de travailler pendant leurs six premiers mois en Suisse, rencontrent de grandes difficultés à trouver un emploi par la suite, contrairement à leurs homologues suisses. Et lorsqu’ils parviennent à décrocher un petit job, leur salaire ne dépasse généralement pas 1 500 CHF par mois, une somme à peine suffisante pour couvrir leurs besoins quotidiens. Malgré cela, ils sont tenus de payer une redevance de radio-télévision, bien qu’ils n’en retirent aucun bénéfice tangible, d’autant qu’il est possible qu’ils n’aient même pas accès à un câble de télévision. Pourtant, comme le précise Serafe : « Il n’est en aucun cas nécessaire de s’abonner à un câblodistributeur pour recevoir les chaînes de la RTS. Un accès à Internet est suffisant. » Cette affirmation repose toutefois sur l’accès à Internet, et non au contenu. Or, les étudiants doivent déjà financer des abonnements 3G pour leurs téléphones portables, indispensables pour la vie quotidienne en Suisse, qui demande un accès en ligne constant, ainsi que des abonnements Wifi dans certains logements. Cela revient à payer deux fois pour accéder à Internet.
Bien que le service clientèle de Serafe permette d’échelonner cette facture sur plusieurs mois, ces frais, combinés aux autres taxes locales, mettent les étudiants internationaux en grande difficulté financière. Il serait donc pertinent que les parties concernées réexaminent cette loi, en particulier les dispositions relatives aux personnes assujetties et exonérées, afin de mieux adapter cette redevance à la réalité des étudiants étrangers.
Paradoxalement, la Suisse, bien qu’elle soit reconnue pour offrir des bourses aux étudiants internationaux, semble ignorer les particularités du statut des étudiants étrangers qui choisissent ses universités et hautes écoles comme destination pour des études supérieures de qualité.
En conclusion, cet article, fondé sur des documents juridiques, n’est qu’un état des lieux de la réalité des étudiants étrangers face à des taxes croissantes qu’ils doivent payer tout en assurant leur subsistance quotidienne, sous peine de s’exposer à des poursuites judiciaires. Cela soulève une question importante : le gouvernement, en imposant ces charges, ne risque-t-il pas de pousser ces étudiants à recourir au travail au noir ?
Zeinab Alhajj
Sources :
Loi fédérale sur la radio et la télévision
Loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal)
Loi Fédérale sur les étrangers (LEtr), l’État du Vaud
Organe suisse de perception de la redevance de radio-télévision SERAFE AG
Règlement de CFF SBB / Jeunes en voyages