Le Kurdistan & L’aide Humanitaire Internationale

L’HEConomist a recueilli le témoignage d’Habah Saba, responsable des réfugiés au Proche-Orient auprès de l’ONU, au cours d’un entretien réalisé à Erbil, capitale du Kurdistan, en octobre 2015.


 

L’HEConomist : Quel est exactement votre poste au sein des Nations Unies?

Saba : Je travaille au sein d’un groupe qui aide les réfugiés. Nous visitons les camps et regardons ce dont ils ont besoin, les nécessités. Nous amenons des docteurs, de la nourriture et d’autres choses pour eux. Nous sommes actuellement à court d’argent et démunis face au nombre toujours plus conséquent de réfugiés. Auparavant, il y avait environ 600’000 réfugiés en Irak. Ils sont désormais près de 8 millions. Il est donc vraiment difficile pour les Nations Unies d’aider ces gens.

 

L’HEConomist: Quel est l’impact des réfugiés, Syriens et Irakiens, sur l’économie traditionnelle irakienne?

Saba: Il y a différents impacts. Les Syriens et les Irakiens venant trouver refuge en Irak obtiennent une aide égale de notre part. Le problème est le nombre trop élevé de personnes qui affluent et que nous ne pouvons pas contrôler. Tous les jours, de plus en plus de personnes arrivent et nous avons d’énormes problèmes d’approvisionnement, pour trouver de la nourriture ou des écoles pour les enfants. La plupart de ces gens ont des maladies, ce qui nécessite la présence d’hôpitaux, de médecins… Tout cela est très difficile à gérer.

 

L’HEConomist: Quel est l’impact de Daech sur l’économie kurde?

Saba: Tout d’abord, le gouvernement kurde n’a pas l’argent pour aider tous les réfugiés. Le gouvernement central (à Bagdad) ne fait rien dans ce sens. Ils promettent beaucoup mais n’apportent aucun fonds. Les Nations Unies n’avancent pas d’argent mais aident les Kurdes afin de nourrir la population. Ils fabriquent des maisons, des tentes… Le gouvernement a besoin d’argent pour approvisionner les réfugiés : c’est comme cela qu’il peut réagir.

Actuellement, la guerre fait rage entre Daech et les Kurdes : ces derniers veulent éliminer tous les terroristes et les jeter hors d’Iraq.

Le gouvernement central de Bagdad récupère juste l’argent du pétrole. Il ne paie pas aux Kurdes l’argent qu’il leur doit, notamment le million de dinars que chaque famille kurde présente sur le territoire devrait recevoir.

Il y a un niveau très élevé de corruption à Bagdad. Il n’y a aucun soutien financier : seules les Nations Unies paient pour la nourriture, l’habillement et l’eau. C’est tout.

 

L’HEConomist: Selon vous, quelles solutions pourraient être mises en place en faveur des réfugiés se trouvant ici, au Kurdistan ?

Saba: La première chose à changer est de modifier le gouvernement central d’Irak, notamment leur politique. Il ne faudrait pas de gouvernement religieux. Les Irakiens devraient avoir des droits égaux. Lorsque ceci sera fait, tout le monde ira sur sa terre natale, sa province, et aura une maison, un job… L’Irak utilise l’argent du pétrole à des fins privées, notamment pour payer les ministres au gouvernement. La corruption est si élevée qu’il ne reste plus aucun fonds disponible en Irak.

Ensuite, il est très improbable que l’Irak devienne un pays démocratique. Il existe énormément de différences entre les Chiites et les Sunnites, les Chrétiens et les Turcomans : tout ce mélange pose un gros problème au gouvernement irakien.

De cette manière, le pays court à la banqueroute.

 

L’HEConomist: après cette guerre, les Irakiens vont-ils tenter de modifier le gouvernement en Irak?

Saba: Ils le doivent, afin que le parti religieux actuellement au pouvoir en Irak change et laisse place à un gouvernement civil. Néanmoins, la corruption reste très élevée et les religieux ne veulent rien à voir à faire avec les civils.

 


Au vu de cet entretien avec Monsieur Saba, il apparait clairement que la situation au Kurdistan est plus que préoccupante. Le nombre de réfugiés ne cesse daugmenter. LONU essaie tant bien que mal de les aider en leur fournissant du matériel, de la nourriture et des vêtements mais sans aide de la part du gouvernement central, cela semble très compliqué. De plus, la guerre avec Daech aux frontières du pays entrave considérablement laide humanitaire internationale qui pourrait être apportée. Finalement, il serait souhaitable quune transition démocratique sopère en Irak, au profit dune société civile, afin de remplacer le gouvernement religieux actuellement en place.

 

Selina Najar Schlegel