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Extraits repensés partie I : Si les jeunes savaient et les vieux pouvaient

Cet article est le premier d’une série de trois articles intitulée « Extraits repensés ». Le deuxième volet paraîtra le 16 avril et le troisième volet sera disponible le 23 avril.

« Si les jeunes savaient, et les vieux pouvaient »

Cette phrase que m’a dite mon père trotte dans mon esprit depuis que je l’ai entendue. Et si le moi de 60 ans pouvait avoir une discussion, ou un dîner avec le moi de 20 ans, qu’est-ce que cela donnerait ?

Mais cela est impossible. Me projeter dans la peau de mon futur moi n’est qu’une excuse que j’utilise pour perfectionner la personne que je suis actuellement et changer, dans le but d’évoluer et d’atteindre un certain profil que je cherche à avoir, une personnalité complète, un sens du recul et de l’analyse développé, une intelligence émotionnelle approfondie, et j’en passe.

Mais tout compte fait, qu’est-ce que je veux ?

Je m’embrouille dans mes idées, que je relate dans ce texte. Des idées qui me passent par la tête et s’accumulent, jusqu’à ce que je me perde dans mes propres pensées, pourtant pertinentes. Je me sens victime de moi-même, victime de ma réflexion. Je me pose des questions auxquelles j’utilise mon panier de connaissances et mes pensées pour y répondre, et je me perds dans ma soif de curiosité. A l’intérieur de mon cerveau, c’est le chaos. Il doit être impossible de répondre à une question d’un seul point de vue, pourtant, ma perception des choses me joue des farces en me faisant croire le contraire. Cela m’embête, toutes ces grandes questions auxquelles nous n’avons pas de réponses.

Peut-être qu’en réalité, je crains d’abandonner ce que je veux le plus pour ce que je veux maintenant. Mais je réalise peu à peu que si je cherche à avoir quelque chose, c’est que je ne l’ai pas. Et au fond, je ne sais pas ce que je veux.

Il m’est impossible de rencontrer mon futur moi, car je ne connais pas mon futur moi. Je ne connais pas mon futur monde dans lequel je vivrai et je ne connais pas mon futur entourage. Tout dépend de chaque instant qui me sépare de cette personne, et de ce moment. Rien n’est permanent dans notre cosmos, comme le fleuve d’Héraclite où il est impossible de se baigner deux fois, car il ne sera jamais le même. Il faut vivre chacun de ces moments dans le présent, pas dans le passé ni dans le futur. Aujourd’hui est mon premier jour entre mes mains, et demain sera mon premier jour entre mes mains. Suivant cette logique, il sera possible que le moi d’aujourd’hui rencontre le moi de sept ans en arrière. Mais à quoi bon ? Qu’est-ce que je pourrai lui dire à ce jeune homme ? Qu’il ne faut pas vivre dans le passé peut-être, quelle ironie. Je pourrai lui dire qu’aujourd’hui je suis plus âgé, et que je sais quelque chose. Je sais que je ne sais rien.

Tous les yeux regardent, peu observent, très peu voient. J’essaye de voir que, dans ce monde éphémère, ce qui est le plus redouté arrive le plus souvent, et finit par hanter. Et ceux qui se montrent les plus heureux sont souvent les plus complexés, car les chiens les plus petits sont ceux qui aboient le plus fort. J’ai alors décidé de ne pas m’attarder, de m’en contrebalancer, de m’en foutre de tout. C’est un art subtil, de s’en foutre. Sur la carapace, il peut sembler facile de s’en foutre de tout, mais à l’intérieur, c’est un tout nouveau paquet de chips Lays. Moi-même je ne comprends pas la phrase que je viens d’écrire, mais je m’en fous. En plus, le paquet de chips a l’air génial.

Il peut sembler paradoxal, mais comme on l’a dit tout à l’heure, plus tu cherches à avoir quelque chose, plus tu ne l’as pas. C’est le principe même du taoïsme, vieux de deux millénaires. Ce pilier de la pensée chinoise se fonde principalement sur l’harmonie. L’harmonie, pour les taoïstes, se trouve en plaçant son cœur et son esprit dans la Voie, qui est le Tao, c’est-à-dire dans la même voie que la nature. Le cœur, dans la pensée chinoise encore, se trouve au milieu du corps. Il assure la liaison entre les organes et les anime. C’est un lieu vide qui ne produit rien mais qui offre des possibilités de réalisations infinies.

Je vais vous dire quelque chose, vous allez tous mourir, et tous vos amis vont aussi tous mourir. Cela, vous le saviez déjà, je voulais juste vous le rappeler. Toutefois, en vivant en symbiose avec vous-même, sur votre épitaphe il doit être écrit, non pas que vous avez vécu, mais que vous avez bien vécu, car un mendiant serein, béat et épanoui est plus heureux qu’un roi complexé, sombre et malheureux. Comme l’a dit Romain Rolland : « Peu importe le succès, il s’agit d’être grand, non de paraître ».

Le monde est un paradoxe. « Si les jeunes savaient et les vieux pouvaient ». A quel moment peut-on se considérer vieux en réalité ? A partir du moment où l’on considère que l’on en sait assez ? Mais je vous rappelle que je suis âgé et que je sais que je ne sais rien. Il se peut que ce soit le moi du passé qui m’apprendra en fin de compte. Même si j’ai vu, vécu et appris plus que lui, ce sera sûrement lui qui m’apprendra et m’éduquera. J’essaye de trouver un sens à ce que je dis, mais c’est paradoxal, c’est le chaos, comme à l’intérieur de mon cerveau.

Socrate a dit que l’esprit est la source de tout pouvoir, que l’on devient ce que l’on pense. En lisant cet article, je n’ai sûrement pas réussi à vous faire apprendre quelque chose, mais j’ai sûrement réussi à vous faire réfléchir. Essayez de vous retrouver, en assumant le risque de penser par vous-même. A la semaine prochaine.

Khalil Elaouani
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