LES JEUX OLYMPIQUES, UN CADEAU EMPOISONNE POUR LE BRESIL ?

Lors de l’évocation des Jeux olympiques, nous avons forcément en tête la ferveur populaire, la flamme olympique ou encore les remises de médailles. La devise olympique « plus vite, plus haut, plus fort » galvanise tant le public que les athlètes. Nous disons souvent que l’important n’est pas de gagner, mais de participer. Ce dicton est-il applicable à la santé du pays organisateur ? L’implication du Brésil lors de cet événement est-elle un succès ou sommes-nous en droit de penser que ce furent les jeux de trop ?

Immersion dans une crise économique olympique

Le Brésil a accueilli les 31ièmes Jeux Olympiques de l’ère moderne. Cet événement permit la création de 50’000 postes, notamment dans le secteur du bâtiment ainsi que du tourisme. De plus, il est une excellente vitrine pour le pays. On compte plus de 6,6 millions de visiteurs étrangers, ce qui correspond à 6,2 milliards de dollars dans l’économie globale. Cependant, ces avantages ne compensent pas les difficultés auxquelles le Brésil fait face. La coupe du monde, qui a eu lieu en 2014, laisse un bilan déficitaire important. De plus, l’économie du pays est à l’agonie. La récession qui s’abat sur le Brésil est la plus sévère depuis 80 ans. Les principales raisons sont, la chute du prix des matières premières particulièrement du pétrole dont il est un important producteur, le déficit public puis la corruption qui mène à l’instabilité politique.

Les conséquences de cette récession sont la hausse du chômage malgré la création d’emplois liée aux JO ainsi que la hausse de l’inflation. On compte près de 11 millions de Brésiliens sans emploi. Concernant les coûts d’organisation, ils sont totalement pris en charge par le comité d’organisation des jeux (CIO), ce qui n’est pas le cas de tous. En effet, le coût des équipements sportifs est quant à lui soutenu par le CIO et les collectivités locales. Par ailleurs, les coûts des infrastructures non-sportives sont entièrement pris en charge par le pays. Ces derniers sont la cause du déficit budgétaire. La billetterie, ainsi que les droits télé ou les sponsors, ne parviennent pas à compenser ces dépenses faramineuses.

Il est important de savoir que lorsque le comité d’organisation est déficitaire, c’est à la municipalité que revient la responsabilité de rembourser. Le record est attribué aux Jeux olympiques de Montréal en 1976. Il a fallu trente années aux contribuables québécois pour effacer cette dette. Ainsi, nous constatons que l’organisation d’un tel événement n’est pas neutre. Le coût des jeux étant important, il serait préférable de réfléchir à deux fois avant de se lancer dans un tel projet.

II Gloire, Ambition et Corruption

Bien que la santé économique soit un élément important dans la gestion des Jeux olympiques, la politique du pays n’en est pas moins un facteur déterminant. Elle joue un rôle essentiel dans la gestion des infrastructures. Le Brésil est le premier hôte des JO en Amérique du Sud. Les JO avaient pour but de confirmer son rang de puissance latino-américaine, déjà instauré grâce notamment aux jeux panaméricains 2007 et la coupe du monde 2014. Par ailleurs, ils ont joué le rôle d’accélérateur pour des projets de transport et d’infrastructure qui sont bénéfiques pour les habitants. Plus précisément, cela a mené à la décision de construire une nouvelle ligne de métro ainsi que trois nouvelles lignes de transport rapide par autobus. De plus, les routes ont été améliorées. En ce qui concerne la gestion post-événement, elle demeure discutable. En janvier 2020, la justice a ordonné la fermeture des installations olympiques, jusqu’à la présentation par la municipalité des certificats de sécurité pour leur fonctionnement. Malgré l’appel de la mairie, le juge n’a pas changé d’avis. La mort de dix jeunes en février 2019 dans le centre de formation du club de football Flamengo lors de l’incendie de logements préfabriqués a peut-être été une des raisons de cette décision. De plus, le ministère des Sports a effectué un rapport dans lequel figure une liste de « 1’500 vices de construction » des installations olympiques.

Par ailleurs, nous pourrions penser que l’aventure olympique rime avec ambition personnelle du dirigeant du pays. En effet, lors des Jeux olympiques de 2014, l’Autriche avait un dossier plus solide que celui de la Russie, pourtant, c’est à Sotchi que les jeux se sont déroulés. Nous rappelons que cette ville est une station balnéaire ayant quelques pistes de ski à deux heures de route. Les préparatifs ont été tels que ces JO sont parmi les plus déficitaires de l’histoire. Nous pouvons légitimement penser que la Russie a usé de toute sa puissance pour imposer son choix au CIO. Nous pouvons aussi constater qu’il y a une tendance à accorder l’organisation des événements mondiaux aux pays émergents. En effet, en 2008, les Jeux olympiques se sont déroulés en Chine, en 2010 la Coupe du Monde de football était en Afrique du Sud, et celle de 2014 au Brésil.

Pourtant, le coût et la rentabilité sont peu souvent au rendez-vous. En effet, les pays émergents possèdent moins d’infrastructures ou alors plus vétustes que les pays développés. Ainsi, l’effort d’investissement est incontestablement plus fort que dans les pays développés. Par ailleurs, le coût lié à ces événements entraîne une hausse des dépenses publiques en dépit de l’investissement privé et de la consommation. On parle souvent d’éléphant blanc pour désigner les infrastructures qui sont plus coûteuses que rentables en raison de leur entretien et de leur exploitation. En effet, elles deviennent un poids financier pour le gouvernement.

La corruption au sein du Brésil n’arrange pas le fonctionnement des institutions. L’un des grands scandales fut celui entre Petrobras et les géants du BTP brésiliens, qui a éclaté en mars 2014. Petrobras est une entreprise pétrolière de l’État brésilien. Elle s’occupe notamment de rechercher, extraire, raffiner, transporter et de vendre le pétrole. Des arrangements ont été convenus lors de grands chantiers d’infrastructure liés aux nouvelles réserves d’eau profonde découvertes au large du Brésil méridional. Les entreprises de BTP versaient des pots-de-vin à des directeurs de Petrobras en échange de contrats. Ce qui mena à la formation d’un cartel pour se partager ces marchés et les surfacturer. Les dessous-de-table auraient servi à financer la campagne présidentielle lors de la réélection de la présidente Dilma Rousseff en 2014, sans exclure que certains hommes politiques ou chefs d’entreprise se soient servis au passage, puisque le gouvernement est accusé d’avoir maquillé les comptes publics. Ainsi, l’organisation des JO s’est réalisée dans un climat d’agitation sociale historique pour le Brésil. De plus, la corruption entraîne des désaccords permanents qui mènent à des aberrations. Le stade de Brasilia est un exemple d’éléphant blanc. C’est l’un des stades les plus chers du monde, on estime la construction à 500 millions de dollars pour une ville qui ne possède pas d’équipe de foot.

III Remonter le moral national, d’accord, mais à quel prix ?

Les Jeux olympiques ont poussé le gouvernement à agir, puisque ce dernier a pris des mesures pour prévenir le risque d’inondation à l’abord du stade du Maracaña. Cependant, c’est l’un des seuls points positifs environnementaux de ces jeux. Pour le reste, le constat est effrayant. Le Comité international olympique (CIO) indique 8 millions de mètres cube d’eau utilisés, 17’000 tonnes de déchets et 3,6 tonnes de CO2. Le coût environnemental lors des jeux demeure supérieur à celui financier de 16,5 milliards de dollars. Par ailleurs, le terrain de golf utilisé lors des Jeux, a été construit sur une réserve naturelle protégée. Les espèces vivant sur ce terrain ont été délogées. Aujourd’hui, il est à l’abandon, faute de fonctionnaires pour l’entretenir. L’entretien est trop coûteux, c’est la raison pour laquelle il n’y a aucune perspective de reconversion pour les infrastructures construites spécialement pour les Jeux olympiques. Le bilan écologique est lourd, entre gâchis des ressources et pollution… Les pêcheurs se plaignent de nappes de déchets flottants et de grandes quantités d’huile dans l’eau qui abîme les bateaux et surtout détruisent les espèces marines.

Finalement, nous pouvons dire que ces Jeux olympiques ont eu des effets positifs, mais pas suffisants pour compenser ceux négatifs. Nous avons fait le constat que les grands événements sportifs était depuis quelques années souvent attribués aux pays émergents. Cependant, les prochains jeux se dérouleront à Paris en 2024. Nous verrons alors si les pays développés parviennent davantage à tirer profit de cet événement tout en essayant de le rendre durable pour le pays.

Caroline Calvignac
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