Son master en Economie politique désormais en poche, Aude Samonini est maintenant coursière à vélo. Loin du monde de la finance, de la BNS ou des assurances donc, c’est pourtant elle qui, lors de la cérémonie de graduation en décembre 2021, est repartie avec le prix de « Meilleur mémoire de la maîtrise universitaire ès Sciences en économie politique 2021 », décerné par les Alumni HEC Lausanne. Retour sur son interview, un mercredi matin ensoleillé.
Tout d’abord, félicitations pour ton prix de « Meilleur mémoire de la maîtrise universitaire ès Sciences en économie politique 2021 » ! Qu’est-ce que cela t’apporte ?
Une certaine reconnaissance de la part de HEC, que l’on n’a pas toujours à l’université. A part les notes qui donnent une indication d’où l’on en est, on n’a pas forcément de retour sur la qualité de notre travail. De ce point de vue-là, cela fait évidemment plaisir.
Peux-tu te présenter, tant académiquement que personnellement ?
D’origine italienne, j’ai grandi à Pully, où j’ai effectué toute ma scolarité. Mes parents n’ont pas fait d’études, je suis la première de ma famille à être allée à l’université. A la sortie du gymnase, je n’avais pas d’idée précise de ce que je voulais faire, mais j’aimais beaucoup les maths. C’est d’ailleurs ce que j’ai préféré à HEC Lausanne, qui met l’accent sur l’aspect quantitatif. J’ai fait mon bachelor en Economie politique, et suis partie à UBC à Vancouver en troisième année. Le campus était fou, et vivre dans une grande ville (j’ai toujours vécu à Lausanne) m’a beaucoup plu. Les gens étaient globalement bienveillants, gentils, et j’ai découvert une ouverture d’esprit que l’on n’a pas forcément en Suisse, ou en tout cas que je ressentais moins dans mon entourage à l’époque…
Puis, quand j’ai fini mon bachelor, j’ai eu besoin de faire une pause, car je m’étais beaucoup donnée dans mes études, voire trop. Je me suis un peu oubliée sur l’aspect social, je me suis « cramée » mentalement. De plus, mon séjour à Vancouver m’a appris beaucoup sur moi. J’ai donc fait une année sabbatique pour me recentrer plus sur moi-même, et étant de Lausanne et adorant le vélo, j’avais ce vieux rêve d’être coursière à vélo à Lausanne. D’être dehors sur mon vélo, ne devoir penser à presque rien sauf pédaler, et d’au contraire me vider la tête m’attirait… J’ai ainsi rejoint Vélocité de septembre 2018 à septembre 2019.
Car en septembre 2019, le master d’économie politique m’a rattrapée ! Je redoutais d’avoir oublié un peu les maths, mais je me suis rapidement remise dedans. C’est un petit Master, dans lequel je me suis plus reconnue, avec des personnes aux valeurs plus proches des miennes que pendant mon bachelor. Nous avons eu un beau premier semestre, avant le covid qui a un peu cassé cela, mais nous avons réussi à garder contact. Je me suis quelque peu reperdue dans mes études… Je fais les choses à fond. Je suis un peu « mono-focus » comme personne, ce qui se reporte aussi dans ma manière de travailler : j’ai tendance à m’occuper d’une tâche ou d’un rendu à fond, jusqu’au bout, avant de passer à la suivante, plutôt que d’avancer toutes un peu en même temps, en parallèle. Ce qui rajoute pas mal de stress avec les deadlines ! Mais cela me permet de rester focalisée et de faire les choses du mieux que je peux. Et de gagner un prix (rires) !
Ce prix t’a été décerné par les Alumni HEC Lausanne. Les connaissais-tu avant ? Comment abordes-tu l’idée d’être désormais une alumnae de notre faculté ?
Je connaissais de nom sans vraiment connaître particulièrement, par choix peut-être, car le « monde HEC » ne me correspondait pas trop. La plupart des gens qui me connaissent sont d’ailleurs étonnées de me savoir à HEC, car d’un point de vue extérieur, les gens retiennent un peu un côté « superficiel ». Donc aujourd’hui, cela me fait plus rire qu’autre chose d’être une alumnae HEC Lausanne, malgré le fait que j’aie aimé mes études ici.
Peux-tu nous résumer ton mémoire en quelques mots ?
Mon mémoire est un mémoire académique, assez quantitatif, appelé « Information disclosure and certification intermediary with a monopolistic seller ». Il traite d’une des inefficiences de marché, qu’est l’asymétrie d’information, ce qui signifie que l’information disponible aux agents économiques participants au marché n’est pas la même. Je me suis basée sur le « Lemon market » d’Akerlof, où lorsque l’on achète quelque chose, souvent de seconde-main, les acheteurs ne connaissent pas la qualité de ce que vend le vendeur. Les marchés en ligne tels que Ebay ont ainsi mis en place un système de notation, typiquement 1 à 5 étoiles. Ce sont les intermédiaires auxquels fait référence le titre du mémoire. La question était essentiellement : quel-est l’intérêt d’Ebay de donner ces informations aux acheteurs à propos des vendeurs ?
J’ai fait un modèle mathématique, basée sur un travail existant, duquel je modifie l’une des hypothèses principales : qui fixe le prix entre l’acheteur ou le vendeur. Et j’ai cherché à définir si l’intermédiaire a intérêt à donner soit toutes les informations (full disclosure), soit pas d’informations (no disclosure). Il se trouve que le résultat dépend d’hypothèses à propos de l’équilibre des prix entre vendeurs. Il y avait beaucoup de théorie des jeux, matière que j’ai beaucoup aimée durant tout mon cursus.
Comment parvient-on à réaliser un mémoire si brillamment ?
Ça a été très chaotique. Je ne m’y suis pas mise tout de suite à la fin de mon semestre d’hiver. Je me suis un peu dit « super c’est les vacances ». J’en avais besoin aussi, c’était à la fin du covid, lorsque la vie sociale reprenait un cours un peu plus « normal ». Je n’avais pas de sujet, je ne savais pas comment en choisir un, et j’ai trouvé que c’était vraiment la débrouille, ce à quoi je n’étais pas du tout prête. On a des cours hyper-structurés, puis on nous jette dans le mémoire sans indications.
Grâce à mes notes, j’ai pu trouver un professeur assez facilement, malgré le fait que je m’y étais prise très tardivement par rapport aux autres. Parce que beaucoup de déni en réalité ! Je ne savais pas comment faire, j’avais besoin d’être plus encadrée.
Donc au final, comment réaliser un mémoire brillamment, pas comme moi ! J’ai vraiment commencé à travailler dessus le 20 juillet, pour voir avec mon professeur que nous étions enfin au début de quelque chose. Ce qui a généré beaucoup de stress, je pense avec le recul que j’en avais besoin. Je ne suis pas sortie de chez moi pendant 40 jours, je n’ai vu personne (rires) ! Je me levais à 5h30 et je me couchais à 21h tapantes. Encore une fois, je m’y suis mise à fond car je n’avais plus vraiment le choix, j’étais ultra-focalisée. J’essayais de faire chaque étape directement du mieux que je pouvais, le plus rigoureusement possible. On se faisait beaucoup de zoom avec mon professeur, il était très disponible, ce qui permettait d’avoir un feedback rapide et de prendre confiance, ce qui aide à réaliser un bon mémoire je pense.
Maintenant que le mémoire est bouclé, comment envisages-tu la suite ?
Je m’étais posée la question de poursuivre avec un doctorat, car j’aimais mes études, mais j’ai préféré me recentrer sur le plan personnel. Aujourd’hui je suis retournée à Vélocité, j’y travaille à 70 %. Je gagne moins que ce que je pourrais, mais cela me correspond mieux.
J’ai donc décidé de vivre de ça. Ce n’est pas un travail très bien payé, ni très bien vu de l’extérieur. Mais sur le plan personnel, cela m’apporte beaucoup. Les gens de Vélocité me correspondent, la hiérarchie est horizontale, les patrons roulent aussi. Je me dépense physiquement, et puis on mange tous ensemble, l’ambiance est très « grande famille », « grande colocation », c’est super !
Je ne suis pas à 100 %, je ne veux pas l’être. J’ai du temps pour moi, pour faire d’autres choses qui me plaisent, et du temps pour les gens, mes amis, ma famille, ce qui est très libérateur. Je suis donc heureuse ainsi !
Un conseil à donner aux étudiants qui nous lisent ?
Faites ce que vous aimez ! Ne vous laissez pas porter par ce que la société vous dit de faire. Sur mon vélo, je me dis parfois que j’ai un problème tellement je suis euphorique, tellement je me dis que ma vie est trop belle ! Je vois aujourd’hui des amis qui se perdent dans leur travail. Ce qui me rend triste, mais me réconforte à la fois dans mon choix. On n’est pas obligé de travailler à 100 %, on n’est pas obligé de gagner beaucoup d’argent, mais de s’écouter, de faire ce qui nous plaît, ce qui nous fait du bien !
Merci à Aude Samonini pour le temps accordé, et nous lui souhaitons de continuer à être heureuse !
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Sébastien Monaco et David Seppey