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Quelle étiquette durable pour la viande?

Le pari du travail à la chaîne non pas avec des objets, mais avec des animaux, tout en maintenant une bonne qualité de la chaîne industrielle et du produit final, n’est pas gagné.

On peut se questionner pourquoi il est important de ramener les outils au plus proche des animaux, de protéger la production éthique à la ferme et de préférer les produits issus des anciens modes d’élevage, à l’opposé du modèle actuel de productivité.

Est-ce grave que les fermes locales se raréfient et tombent dans l’oubli ? Que les métiers de la terre séduisent de moins en moins et semblent démodés ? Comment rendre le métier de paysan attractif ? Comment rendre intéressante une carrière agricole et sensibiliser sur l’intérêt de se reconnecter avec le vivant et les territoires ?

Zoom de l’échelle industrielle à l’échelle locale

Pour ceux qui partagent en commun l’objectif de garantir la qualité du produit animal et la qualité du bien-être de l’animal, la seule solution c’est de faire moins, mais mieux.

Le droit civil suisse consacre le principe selon lequel les animaux ne sont pas des choses (art. 641a al.1 CC).

À l’échelle locale, l’éleveur et ses collaborateurs traitent l’animal comme un animal, créent une relation animal-homme avec la bête. L’éleveur se soucie de l’instinct de sa bête et de la protection de son environnement.

Tandis qu’à l’échelle industrielle, l’éleveur et ses intermédiaires font affaire avec des animaux-objets, et créent une relation homme-objet avec la bête (exploitation).

Quantité industrielle ou qualité

Pour qui l’industriel est-il essentiel aujourd’hui, à qui vont les profits ? En repensant les notions de valeur, de rentabilité, de profit et de perte quand il s’agit d’êtres vivants, en tenant compte des préoccupations animales et écologiques, alors l’élevage animal devient compatible avec un mode éthique : faire moins, mais mieux.

On ne fait pas l’avocat du diable, au contraire : on plaide pour un certain type de ferme, celle qui produit une viande d’enfer, particulièrement tendre et gouteuse.

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Le procès des bovins

Dans l’Ancien Testament on trouve écrit : « Si un boeuf frappe de ses cornes un homme ou une femme et que la mort en résulte, le boeuf sera lapidé. On ne mangera pas sa viande et le maître du boeuf ne sera pas puni » (Exode, 21, 28).

Des procès étaient aussi menés contre les petits animaux (insectes, rongeurs, vers, taupes, hannetons, mulots) lorsque les récoltes étaient détruites ou les champs ravagés (fléau). Le juge-évêque demandait aux petits animaux de quitter le territoire sous peine d’être excommuniés.

Les procès d’animaux existaient dans les sociétés anciennes, et ils n’étaient pas rare devant les tribunaux entre les XIII ème et XVII ème siècles. À ces époques-là, les cochons servaient d’éboueurs dans les villes, ils vagabondaient et lorsqu’ils causaient des accidents, ils étaient capturés, mis en détention, accusés formellement, une enquête était ouverte, les témoins étaient interrogés, puis ils étaient jugés et la décision sur la culpabilité était notifiée à l’animal, ensuite mis à mort selon la sentence. La cruauté ne date pas d’hier.

Qui n’a pas vu ces vidéos scandaleuses révélant des traitements cruels infligés à des animaux dans les élevages et abattoirs à la chaine?

La solution au bien-être animal n’est pas forcément dans le végétarisme. L’être humain est omnivore et le fait de renoncer à consommer de la viande peut présenter certains risques. Il est possible de vivre sans manger de viande mais malheureusement ce choix-là ne va pas améliorer le sort des animaux et ne va pas déranger ceux qui ont intérêt à ce que rien ne change.

Pollution

Les vaches polluent-elles ou protègent-elles l’environnement ? La question n’est pas tranchée.

Sur la question du changement climatique et de la pollution, on assiste au procès des bovins, bouc-émissaires du climat. Les bovins en général sont accusés de contribuer au changement climatique et à la pollution dans le monde. La Nouvelle-Zélande entend taxer les pets et les rots des bovins…

Mais c’est un faux procès car, si toutes les industries sont polluantes, tous les éleveurs de bovins n’exercent pas leur activité de manière industrialisée.

La pollution, c’est tout ce qui altère notre environnement ou notre santé (gaz à effet de serre, métaux lourds, particules fines, polluants organiques et biologiques). Si les vaches ont mauvaise réputation en matière de protection du climat, qu’en est-il des transports, industries, ménages et habitations ?

Lors de sa conférence sur Les mythes de l’agriculture … ou pourquoi les vaches sont meilleures pour l’environnement que leur réputation, Anita Idel explique pourquoi la vache n’est pas un climat-killer. Selon elle, la cause majeure de réduction de la biodiversité, c’est l’exploitation massive de l’environnement et non raisonnée des ressources planétaires.

Le cycle carbone des vaches

L’équilibre climatique et environnemental repose sur l’interdépendance des écosystèmes existants et qui sont en constante interaction. Le bilan carbone des vaches est une chose à analyser, tandis que les effets des vaches sur la biodiversité, sur le bilan énergétique et environnemental global des écosystèmes, en est une autre.

La digestion des bovins correspond à un processus lent et long de transformation de l’herbe, matière difficile à digérer. Dans la panse (la première des quatre poches de l’estomac de la vache), les brins d’herbe sont brassés, et produisent de l’énergie.

Ce processus génère du méthane, libéré dans l’air. Lors de la digestion des végétaux, une partie du carbone est rejetée dans l’atmosphère, tandis que l’autre est libérée et fixée au sol sous forme d’humus (la couche supérieure du sol). Le cycle du carbone fait partie du cycle écologique (photosynthèse). Les prés, pâturages et alpages sont un gigantesque espace de stockage. C’est le potentiel de fixation du carbone par les plantes et les sols.

Et de nouveau, les vaches l’absorbent en broutant l’herbe.

Donc plus on a de plantes (arbres, herbe) qui retiennent le carbone au sol, moins on en a dans l’air.

Pour les éleveurs non-industrialisés qui traitent leurs bêtes comme des animaux et non comme des objets (ceux qui font moins, mais mieux), les vaches ont surtout un effet positif sur le cycle écologique et sur l’environnement. Lorsque les bovins broutent les sols, en fait ils contribuent à l’entretien des paysages, prés et alpages, et ils jouent un rôle écologique clé pour les écosystèmes, en limitant l’érosion des sols, en maintenant et stockant le carbone en réserves fixées dans l’humus, en régulant l’eau de pluie et maintenant la qualité de l’eau. Image

La revanche du méthane d’origine animale

En conséquence de la crise énergétique et de la hausse des prix des énergies fossiles, l’Allemagne, pour assurer sa provision d’énergie, se tourne, non pas vers des énergies vertes, mais accueille un terminal méthanier flottant chargé de gaz naturel liquéfié ; et les Pays-Bas construisent deux nouvelles centrales nucléaires.

Des études satellitaires montrent des émissions de méthane, non par les vaches, mais par l’industrie pétrolière et gazière ; donc une part importante de méthane est aussi issue de rejets de la production et importation d’énergies fossiles.

Le méthane, celui des vaches comme celui des autres, une fois dans l’air, intègre le cycle du carbone.

Quel impact sur l’environnement et le climat ?

Chez les professionnels du gaz, comme la Société des gaziers de la Suisse romande, on estime qu’à terme, « le gaz naturel sera remplacé par des gaz renouvelables climatiquement neutres, tels que le biogaz, issu de la fermentation anaérobie de la biomasse, ou le méthane de synthèse, produit grâce au développement de la technologie power-to-gas, qui permet de stocker l’électricité renouvelable produite de manière excédentaire en été pour la réutiliser en hiver ».

C’est en sortant des énergies fossiles qu’on renforce la sécurité énergétique.

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Société des gaziers de la Suisse romande

Contexte

Quel avenir agricole et alimentaire durable ? En conséquence des manifestations pour le climat (Greta Thunberg), le réseau international SDSN (Sustainable Development Solutions Network) a été créé pour assurer des solutions pour le développement durable au moyen d’une Vision pour 2030 composée de 17 objectifs.

Le Sommet suisse sur le système alimentaire (branche suisse du réseau SDSN) se concentre notamment sur l’impact négatif des systèmes alimentaires sur l’environnement, et sur la difficulté de mettre en oeuvre des mesures réalistes : un objectif individuel ne peut être atteint que si les autres objectifs progressent également. Par exemple, il existe des interdépendances notables entre les objectifs n°15, n°13 et n°2 (sdsn.ch).

      1. éliminer la pauvreté;
      2. éliminer la faim;
      3. bonne santé et bien-être;
      4. éducation de qualité;
      5. égalité des sexes;
      6. eau propre;
      7. énergie propre et abordable;
      8. travail décent et croissance économique;
      9. industrie, innovation et infrastructure;
      10. inégalités réduites;
      11. villes et communautés durables;
      12. consommation et production responsables;
      13. lutte contre le changement climatique;
      14. vie aquatique;
      15. vie terrestre, préserver et restaurer les écosystèmes terrestres;
      16. paix, justice et institutions;
      17. partenariats pour la réalisation les objectifs.

En Suisse, Agriculture du futur, Biovision et SDSN Suisse créent le consortium Avenir alimentaire suisse. Leur Vision 2030 est sociale, paysanne et agro-écologique (agriculturedufutur.ch).

Vision 2030

La Vision paysanne prévoit à l’avenir de promouvoir la production et la consommation régionales à échelle non-industrialisée par l’intermédiaire de systèmes de distribution bien développés (réseau alimentaire régional et local). Aussi, l’objectif est de baser l’agriculture sur des exploitations de petite et moyenne dimension.

Pour ce faire, il est envisagé d’octroyer des aides directes en fonction des effets de la production d’une exploitation sur les êtres humains, sur les animaux et sur l’environnement. À l’heure actuelle, plus on a de surface, plus on reçoit de paiements directs. Donc si les exploitations industrielles à grande échelle ne reçoivent plus les aides directes en fonction de leur surface, elles ne seront plus rentables.

Le but est de reconnaitre le rôle vital des fermes sur le développement d’une agriculture durable, et de lutter contre leur raréfaction.

La Vision agro-écologique prévoit à l’avenir qu’il devrait aller de soi d’apporter le plus grand soin à la santé des sols, la propreté de l’eau et de veiller à un écosystème intact. Il devrait aller de soi que les paysans seront soutenus de façon à produire sans provoquer la surexploitation des ressources naturelles, à produire avec des pratiques écologiques, avec des rendements légèrement inférieurs, à réduire la production animale, réduire les déchets et les gâchis alimentaires, tout en atteignant un taux net d’autosuffisance identique à 2022, voire supérieur.

Agriculture du futur continue en précisant qu’il faut reconnaitre « l’inestimable potentiel agricole à stocker le carbone grâce à la formation précieuse d’humus et aux systèmes agro-forestiers (arbres) ».

La Vision prévoit aussi de cantonner la production animale au principe de ne pas nourrir les animaux avec des denrées alimentaires (feed no food), de ne pas subventionner inopportunément les productions de lait et de viande industrialisés; de cantonner le bétail aux régions où l’élevage a du sens, par exemple en région montagneuse; de faire en sorte que l’importation d’aliments pour les animaux ne sera plus nécessaire, et que les animaux ne recevront plus que du fourrage propre à l’exploitation locale ou à la région.

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Agriculture du future

Solutions

Distinguer la bonne et la mauvaise viande peut se résumer à deux choses

  • Le bien-être animal
  • La qualité de la viande

Conclusion

Les domaines étroitement liés comme l’agriculture, la santé, l’alimentation, le climat et l’environnement, se questionnent sur la santé (quelle agriculture pour une alimentation saine?), quelles conditions de travail des paysans pour une agriculture durable? Quels prix (comment vendre les produits de l’agriculture à un prix équitable pour tout le monde sans négliger la qualité de l’alimentation, les conditions de travail des paysans et le bien-être animal?), quelle durabilité du système alimentaire (quelle définition commune de la durabilité?).

Les pratiques agricoles s’évaluent au cas par cas, paysan par paysan, ferme par ferme, exploitation par exploitation.

Lorsque les circonstances amènent quelqu’un à travailler avec les animaux, ce n’est pas un hasard: pour s’occuper des bêtes, il y a déjà le fait de les aimer, et un élan pour s’en occuper, en hiver comme en été, matin et soir.

Pour avoir dans son assiette de la viande de qualité issue d’un animal bien élevé, il suffit de viser les fermes non-industrialisées, celles où on peut voir de ses yeux les bêtes vivantes.

Les fermes locales se raréfient, mais il en existe encore (Google Maps, ferme à proximité), et c’est bien de soutenir leur commerce, car ce sont ceux-là qui exploitent une ferme à taille humaine, qui s’occupent convenablement de leurs bêtes et qui ont le souci du bien-être animal et de la viande de qualité.

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