DES FAILLITES PRÉVISIBLES DANS UN CONTEXTE DE HAUSSE DES TAUX ?

Lors de son dernier discours du 7 mars, le président de la FED, Jérôme Powell, a annoncé une nouvelle hausse des taux d’intérêt nécessaire pour contrôler l’inflation. Lors d’une interview consacrée à H24 Finance, le fondateur de H20 Asset Management, Bruno Crastes nous livre une lecture de la situation financière actuelle pertinente, car inscrite dans plusieurs temporalités. Je voudrais aujourd’hui retranscrire sa vision long terme tout en ajoutant quelques clés de compréhension concernant les difficultés auxquelles certaines banques commerciales font face.

Tout d’abord, adoptons une vision de moyen long-terme. Nous pouvons constater une forme de démondialisation ainsi qu’une réindustrialisation des pays développés. La principale raison est les crises à répétition, qu’elles soient climatiques, sanitaires ou politiques, cela impacte les stratégies d’entreprise. En effet, nous sommes dans une période où les entreprises souhaitent réduire leurs empreintes carbones ainsi qu’augmenter leur indépendance en favorisant des circuits de production plus courts. La guerre en Ukraine ainsi que le confinement prolongé en Chine ont tellement perturbé les circuits d’approvisionnement en matières premières que de nombreuses entreprises sont en train de complètement modifier leur chaine logistique. Sans surprise, de tels changements impliquent des conséquences.

L’inflation sera structurellement plus élevée bien que les banques centrales aient une politique agressive qui consiste à diminuer la monnaie en circulation. L’une des raisons est la suivante : le ratio dette/PIB est trop élevé pour la plupart des pays. La baisse de ce ratio passe soit par une baisse de la dette soit par la hausse du PIB nominal. Le déficit étant indispensable pour soutenir les plans d’investissements gouvernementaux, la baisse ne peut se faire que par une hausse du PIB nominal. Le PIB nominal étant la somme de la croissance réelle et de l’inflation, nous comprenons facilement que la hausse du PIB est plus facile avec une inflation plus haute. Ainsi les banques centrales vont davantage s’intéresser à la croissance du PIB nominal qu’à la baisse de l’inflation. « Le monde va vivre avec plus d’inflation », voilà les mots de Bruno Crastes.

Ensuite, nous pouvons mettre l’accent sur la faillite de la banque américaine SVB. En effet, à court terme, il était à prévoir qu’une telle hausse des taux fragiliserait certaines banques commerciales. Le 10 mars dernier, la Silicon valley Bank a déclaré sa faillite. L’établissement était une grande banque, en revanche son activité était spécialisée dans le financement de start-up technologique.

La SVB a été étouffé par un contexte de marché qui n’était pas favorable aux investissements qu’elle a faits ces deux dernières années. En effet, elle a acheté des milliards d’obligations en utilisant le dépôt de ses clients. En résulte un double problème. D’une part la hausse des taux rapide et agressive ont rendu les nouvelles obligations davantage attractives que les anciennes. Ainsi, nombreux sont les investisseurs qui ont voulu vendre leurs anciennes obligations pour se procurer les nouvelles qui proposaient un coupon plus important. Ce mécanisme a entrainé une chute de la valeur des anciennes obligations, puisque moins attractives. D’autre part, ses clients étant pour la majorité des start-ups dans le secteur technologique, ils ont été confrontés à la baisse des valeurs technologiques qui s’est produite tout au long de 2022. Les fonds de capital-risque permettant de financer les entreprises disposant d’un potentiel de croissance élevé n’étaient pas en mesure d’investir des montants supplémentaires. Pour pallier le manque de liquidités, elles ont eu besoin de puiser dans leurs fonds existants déposés majoritairement au sein de la SVB. Ces fonds ayant été utilisé par la banque pour acheter des obligations, les coupons ont été dévalué à cause de la hausse des taux d’intérêt, elle s’est vue donc contrainte de vendre son portefeuille obligataire à perte pour répondre à la demande des clients.

La SVB a tenté de lever des capitaux supplémentaires auprès d’investisseurs extérieurs, mais en vain. Par ailleurs, cette tentative a rendu les clients ayant un dépôt supérieur à la limite imposée par le gouvernement américain (soit 250’000 USD) inquiets. Ainsi tous les clients ont voulu récupérer leur argent au même moment et les régulateurs bancaires n’ont eu d’autres choix que de saisir les actifs de la SVB afin de protéger les actifs et les dépôts encore présents.

Finalement nous constatons que la FED fait face à deux objectifs complètement opposés. D’une part, elle doit s’assurer que le système bancaire ne se fragilise pas et, d’autre part, lutter contre l’inflation. L’un des objectifs nécessite une baisse des taux d’intérêt lorsque l’autre demande une hausse. Ainsi, difficile de prévoir son prochain positionnement. Par ailleurs, il semblerait que les établissements financiers soient mieux régulés qu’avant 2008, ainsi l’effet domino devrait être évité. Toutefois, nous ignorons totalement l’existence ou non de bulles d’actifs au sein des domaines, tels que le Private Equity ou le venture capital qui sont des classes d’actifs pour le moment beaucoup moins surveillé.

Caroline Calvignac
Cliquez sur la photo pour plus d’articles !

Dans la même thématique, la rédaction vous propose les articles suivants :

Une image contenant texte Description générée automatiquement
Too big to fail, too ambitious to succeed : the case of SVB
– Pasha Mammadov –

 

 

 

 

 

 

L’EURO AU CENTRE DU DEBAT
– Caroline Calvignac –

 

 

 

 

 

 

Face au scandale FTX, la cryptomonnaie est-elle encore crédible ?
– Caroline Calvignac –

 

 

 

 

 

 

 

Sources(cliquez sur les titres pour en savoir plus)

La Fed devra probablement augmenter ses taux davantage

Les confidences de Bruno Crastes

Vers une nouvelle géographie industrielle

Tout comprendre sur la faillite de la banque SVB