Transition énergétique : politique, finance et technologie

Le dernier rapport du GIEC annonce qu’entre 3,3 à 3,6 milliards de personnes vivent dans des zones hautement vulnérables au changement climatique. En raison de l’activité humaine qui a provoqué le réchauffement de l’atmosphère, des océans et des terres, les conséquences constituent une menace pour la viabilité de certaines régions, en particulier des zones densément peuplées.

Selon les scientifiques du GIEC, les conséquences du réchauffement climatique varient en intensité selon les régions. En Europe, la Suisse est l’un des pays les plus touchés. Alors que les températures ont en moyenne augmenté de 0,9 degré Celsius, les températures suisses ont augmenté d’environ 2 degrés au cours des 150 dernières années et de 1,5 degré entre 1981 et 2010. La fréquence et l’intensité des canicules ont doublé, le volume global des glaciers alpins a diminué de près de 60 % depuis le milieu du 19ème siècle et le nombre de jours de neige à 2000 mètres d’altitude a baissé de 20 % depuis 1970. En dessous de 800 mètres, il neige deux fois moins qu’auparavant et la période de végétation dure de deux à quatre semaines de plus que dans les années 1960.

Il est donc clair que les activités agricoles, industrielles et touristiques, étant dépendantes du climat, seront gravement déstabilisées. La lutte doit donc être menée sur deux fronts : s’adapter aux changements inévitables et concentrer nos efforts pour réduire nos émissions de carbone afin de réduire l’intensité du dérèglement climatique. Le GIEC met en garde en affirmant que « la fenêtre d’opportunité se referme rapidement pour assurer un avenir vivable et durable pour tous. Les choix et les actions mis en œuvre au cours de cette décennie auront des impacts aujourd’hui et pendant des milliers d’années ».

Un travail à fournir à la hauteur des enjeux

Des projets pilotes ont été lancés pour adapter nos écosystèmes au changement climatique, notamment nos villes, nos campagnes, nos montagnes et nos lacs. Cependant, l’adaptation seule ne suffira pas, car il y aura un point où elle ne sera plus possible. Le consensus scientifique est clair : nous devons réduire nos émissions de gaz à effet de serre (GES) avant que la situation ne devienne incontrôlable. Le secteur de l’énergie est responsable de 75% des émissions de GES, ce qui signifie que pour réduire nos émissions, nous devons procéder à une transition énergétique. Cette transition doit être basée sur deux piliers : la décarbonisation du secteur de l’énergie et la réduction de la demande totale d’énergie.

Cependant, la question de la stratégie à adopter pour atteindre ces objectifs reste controversée. Quelles sources d’émissions doivent être réduites et quelles sources d’énergie doivent les remplacer ? Quels sont les inconvénients de chacune de ces stratégies ? Les réponses à ces questions divergent entre les différents partis politiques suisses.

Un financement complexe

« Non seulement le comportement actuel des investisseurs apporte un soutien considérable à l’industrie du pétrole et du gaz, mais il en favorise l’expansion. Cela va clairement à l’encontre des objectifs climatiques. La large participation volontaire de caisses de pension, d’assurances, de banques et de gestionnaires d’actifs à des tests de compatibilité climatique souligne la prise de conscience grandissante du secteur financier suisse» – Office fédéral de l’environnement (OFEV)

Pour une stratégie d’investissement entièrement tournée vers la maximisation du profit, investir dans la transition énergétique ne relève pas vraiment d’un choix optimal. Il ne faut cependant pas être catégorique : il y a bel et bien une certaine prise de conscience, de plus en plus d’investissements vers des entreprises peu respectueuses du climat sont redirigés vers des entreprises « propres ». Certains actionnaires poussent également à la décarbonation de leurs entreprises.

Comment, dans un premier lieu, rendre les investissements « propres » plus attractifs ? Puis, comment convaincre les investisseurs de s’y orienter ? Et plus généralement, à quel point devons-nous compter sur les investisseurs privés ?

Le PACTA (Paris Agreement Capital Transition Assessment), qui a pour but de renseigner les investisseurs sur l’orientation globale de leurs portefeuilles en fonction de différents scénarios climatiques et de l’accord de Paris, nous renseigne sur la progression de l’ensemble des organismes financiers suisses vers la réalisation des objectifs climatiques.

Leurs précieuses études permettent de comprendre les leviers d’actions : une institution financière peut inciter les entreprises à avoir un comportement durable via des signaux financiers et via des leviers non financiers. La première idée joue sur le fait que la transparence de l’information est un critère d’investissement. En l’améliorant, on incite à l’investissement. Les institutions financières disposent également de leviers non financiers, notamment l’engagement politique : les établissements financiers suisses semblent plutôt soutenir les thèmes politiques, mais sont plus hésitants à se positionner dans le processus politique.

Il y a tout de même une certaine nécessité à ce que les mesures deviennent plus concrètes et se concentrent davantage sur le court terme : deux tiers des participants au sondage PACTA ne précisent pas d’objectifs climatiques à court et moyen terme, alors que ce sont ces mesures à court terme qui déterminent si l’économie mondiale est suffisamment soutenue dans la transition climatique. De plus, les sociétés d’extraction de pétrole et de gaz, détenues notamment dans des portefeuilles d’actions, prévoient de continuer à augmenter leur capacité d’extraction. Des activités d’intendance ciblées et coordonnées de la part d’un plus grand nombre d’institutions financières suisses pourraient contribuer à adapter leurs plans de transition.

«Pour orienter l’ensemble des flux financiers vers l’objectif climatique 2050, il faudrait toutefois que davantage d’institutions financières mettent en œuvre des objectifs climatiques ambitieux et des mesures concrètes ayant un impact sur le climat, et ce de manière plus rigoureuse.» – conclut le PACTA

Un effort technologique

Les start-ups et les institutions d’aide aux entreprises sont de plus en plus impliquées dans la résolution du problème énergétique, ce qui suscite un certain optimisme. En Suisse, la Green tech représente environ 25 milliards de francs de valeur ajoutée brute, soit 4,2 % du PIB. La gestion du réseau électrique (Smart Grid), l’efficacité énergétique et de nombreux moyens de production et de stockage (photovoltaïque, hydraulique, hydrogène, etc.) font partie des nombreuses filières de la Green tech.

Cependant, même en réduisant les émissions de gaz à effet de serre, certaines ne peuvent être complètement évitées. Pour atteindre l’objectif zéro net fixé par l’Office fédéral de l’environnement d’ici 2050, le pays devra recourir à des technologies d’extraction et de stockage durable du CO2.

Ces technologies sont divisées en deux catégories : celles qui capturent directement le CO2 provenant de sources fossiles ou liées à des processus, puis le stockent, et celles qui émettent des négatifs visant à retirer durablement le CO2 de l’atmosphère. Cependant, ces dernières technologies ne sont pas suffisamment développées pour être utilisées à grande échelle.

Comme nous avons pu le voir, le problème du dérèglement climatique demande une mobilisation de tous les secteurs, et donc demande à se résoudre sous chaque angle: autant politique que financier ou technique.

Pour une analyse plus pragmatique, nous vous invitons à lire le prochain numéro du FOCUS qui portera sur l’énergie et la durabilité.

Vous pourrez également rencontrer Stefanie Prezioso, conseillère nationale ainsi que Sébastien Houde, professeur associé économie environnementale le 26 avril à 18h30 Internef, UNIL.

Mathieu Pardoux
Mathieu Pardoux
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Rapport du GIEC

Projet pilote

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