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Un combat contre l’Etat mais pour le climat : entre procès et durabilité

Nous l’avons tous sentis, le réchauffement climatique a irrémédiablement affecté nos vies : pollution de l’air, disparition d’espèces animales et végétales, feux de forêts, sécheresses, augmentation des émissions de gaz à effet de serre, fonte des glaciers …

Depuis quelques années s’organise à travers le monde un mouvement citoyen en faveur de la protection de notre planète. Cela va même plus loin que les marches pour le climat ; des citoyens saisissent la justice, toujours avec un même objectif : la prise en compte de l’urgence climatique et la garantie de leurs droits fondamentaux face à un monde capitaliste qui n’en fait pas sa priorité. Ainsi, la personnalité juridique a même été attribué à des entités naturelles (comme un fleuve en Corse) afin de les protéger. Ce moyen, novateur et efficace, permet de mener des actions en justice en leur nom. C’est dans ce contexte que « l’Affaire du Siècle » est née.

L’apparition d’une justice climatique

L’Affaire du Siècle est un procès contre l’Etat français par un groupe de citoyens et d’organisations non gouvernementales (ONG) environnementales qui accusent l’Etat d’inaction climatique, soit de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour lutter contre le changement climatique et la protection de l’environnement.

L’initiative a été lancée en 2018 par quatre associations : Greenpeace France, Notre Affaire à Tous, Oxfam France et la Fondation pour la Nature et l’Homme. Ces associations ont été les premières à s’unir pour mener un tel procès. Elles assument la responsabilité juridique et financière du recours porté au nom de l’intérêt général devant le juge et sont co-requérantes.

L’Affaire du Siècle a rapidement prit de l’ampleur avec une mobilisation hors du commun : en quarante-huit heures, un million de personnes ont signé la pétition pour soutenir ce projet et en un mois plus de deux millions de citoyens ont rejoint l’action. En effet, le procès a suscité un grand intérêt et a été suivi de près par les médias et la population en général. Il s’agit de la pétition la plus importante de France en termes de signataires.

Un objectif clair : faire reconnaitre la responsabilité de l’État français dans le réchauffement climatique et le contraindre à agir

Trois objectifs sont mis en avant par cette action.

Le premier est de faire admettre par le juge que l’Etat français a manqué à ses obligations en matière de réductions des émissions de gaz à effet de serre, causant ainsi un préjudice à l’environnement par ce retard. Les organisations qui intentent ce procès souhaitent également que la justice reconnaisse l’obligation générale de l’Etat de prendre des mesures pour lutter contre le changement climatique afin de protéger les populations des catastrophes climatiques futures.

Ensuite, il s’agit de contraindre l’Etat français à respecter ses engagements en matière de lutte contre le changement climatique et à réparer les dommages causés à l’environnement par une décision de justice. Le juge peut ordonner à l’Etat de prendre des mesures concrètes pour respecter ses obligations climatiques. Les plaignants ont accusé l’État de ne pas avoir respecté ses obligations en vertu de la loi relative à la transition énergétique et à la croissance verte, qui prévoit notamment que la France doit réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 40 % d’ici 2030.

Pour finir, sans attendre la décision du juge, l’objectif est de contraindre l’Etat à agir en exerçant une pression collective en étant des millions de personnes à se mobiliser pour demander davantage de justice climatique et sociale.

Une victoire historique mais insuffisante

Dans un premier temps, les organisations ont envoyé le 18 décembre 2018 une « demande préalable indemnitaire » au Premier ministre et à douze membres du gouvernement français, leur demandant de prendre des mesures urgentes pour rattraper le retard de la France en matière de lutte contre le changement climatique par rapport aux objectifs fixés. Mais cette demande a été rejetée le 15 février 2019, estimant qu’ils faisaient déjà assez sur le sujet et que ce retard était principalement imputable aux gouvernements précédents. En raison de ce refus, les organisations non gouvernementales ont choisi de poursuivre l’Etat en justice.

Puis, la période judiciaire a commencé et l’instruction a été ouverte. En effet, le procès a été officiellement ouvert devant le tribunal administratif de Paris le 14 mars 2019. Ils ont déposé un mémoire complémentaire le 20 mai qui contenait de nouveaux arguments pour étayer leur accusation d’inaction de l’Etat. Le 23 juin, soit un an après le début de la procédure, l’Etat a déposé sa réponse en niant toute responsabilité dans le changement climatique et dans son manquement à ses objectifs.

C’est à ce moment-là que trois autres organisations ont soutenu le recours : la Fondation Abbé Pierre, France Nature Environnement et la Fédération Nature d’Agriculture Biologique. En septembre 2020, pour répondre aux arguments de l’Etat, l’Affaire du Siècle a déposé un mémoire en réplique. L’instruction a été clôturée en octobre de la même année.

L’audience a eu lieu le 14 janvier 2021. Durant celle-ci, chaque partie a fait valoir ses arguments. Trois semaines plus tard, le verdict tombe : la justice reconnait pour la toute première fois la responsabilité de l’Etat dans le changement climatique en raison de son inaction qui porte atteinte à l’environnement, il y a donc selon la justice française un préjudice écologique.

L’instruction est donc à nouveau ouverte pendant deux mois de façon à ce que les organisations non gouvernementales puissent fournir des éléments supplémentaires sur les mesures qui doivent être ordonnées à l’État pour rattraper son retard. Elles ont donc déposé un nouveau mémoire détaillant les actions demandées à l’Etat et ont souligné qu’avec les actions actuelles prisent par la France, dont la loi Climat et résilience, ses objectifs climatiques ne pourront pas être atteints.

Le verdict du procès a été rendu le 3 février 2021 : l’État français est bel et bien responsable de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour protéger l’environnement. Le tribunal administratif a reconnu la faute de l’Etat dans une décision et demande un complément d’information avant de se prononcer sur l’injonction à agir. En octobre, le tribunal ordonne au Premier ministre la prise de « toutes mesures utiles » d’ici le 31 décembre 2022 afin de réparer le préjudice en question.

Cette décision a été accueillie comme une victoire importante par les plaignants et a suscité de nombreuses réactions positives de la part de l’opinion publique et de nombreux groupes environnementaux.Haut du formulaireBas du formulaire

Toutefois, à la rentrée 2022 soit à moins de trois mois de l’échéance fixée par le tribunal administratif (31 décembre 2022), l’action de l’Etat n’était pas suffisante pour les organisations de l’Affaire du Siècle qui se sont rendues dans une forêt ravagée par le feu près de Landiras (Gironde) pour lui demander d’en faire davantage un an après sa condamnation. Les organisations ont énuméré les mesures urgentes à prendre pour surmonter l’hiver tout en préparant l’avenir car des impacts dramatiques ont déjà été causés par le changement climatique.

Depuis le procès mené par l’Affaire du Siècle, l’Etat a une double condamnation : l’obligation de respecter sa trajectoire de réduction d’émissions de gaz à effet de serre combinée à la réparation de tout dépassement de cette trajectoire. Même si pour les organisations des efforts sont à saluer, des régressions préoccupantes ont marqué ces douze mois. Les mesures à prendre sont pourtant connues du gouvernement car elles ont été mises en avant par ces mêmes organisations non gouvernementales lors du procès.

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Victoire Bouquet
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