Retour sur la conférence de la Fondation Jean Monnet pour l’Europe
« Le rôle international des villes européennes face aux défis globaux » : le sujet pourrait paraître anodin, ou anecdotique. Et pourtant, ce 17 avril 2023, la Fondation Jean Monnet pour l’Europe a décidé d’en faire le sujet d’une conférence, avec comme conférencier, Dario Nardella, maire de Florence, diplômé en droit public et droit de l’environnement. Se joignent à lui pour un moment de table ronde Dominique de Buman, ancien président du conseil National, licencié en droit de Université de Fribourg et Gilbert Casasus, Professeur en Études européennes.
Les villes européennes et du bassin méditerranéen ont su se faire une renommée depuis l’Antiquité déjà, lorsqu’Athènes fut le centre des discussions politiques et philosophiques, encore citée aujourd’hui en exemple comme haut lieu de la démocratie. Rome quant à elle était une ville d’expansion commerciale, économique et sociale. N’oublions toutefois pas le rôle qu’on put jouer des villes comme Constantinople (et avant cela Byzance) ou Alexandrie dans cet essor du commerce, de l’économie et du savoir. Ces villes ont de facto été témoins d’échanges internationaux, qu’ils soient commerciaux ou politiques.
Si nous avançons dans l’histoire, Dario Nardella nous rappelle l’importance qu’a joué Florence dans la période de l’Humanisme. Mais pensons aussi à Bologne qui, au Moyen Âge, a accueilli la première université du monde occidental (ndlr : ce qui donnera par la suite leur nom aux accords universitaires de Bologne). C’est lors du traité de Westphalie, en 1648, avec la codification de la souveraineté nationale, que les villes perdent de leur importance au profit des Etats. Ce sera seulement lors de la révolution industrielle qu’elles retrouveront un certain statut, auparavant désavantagé par une économie agraire. Le lien entre les villes et l’industrie permettra le développement de l’Europe moderne comme on la connait.
À la suite de la Première Guerre Mondiale, un premier réseau de villes européennes est mis en œuvre, pour reformer les liens entre les villes et ainsi entre les États. Volonté des villes qui eut à nouveau lieu après la Seconde Guerre Mondiale avec le système de jumelage des villes, que nous connaissons encore aujourd’hui.
Florence joue un grand rôle au cours du XXe siècle, notamment avec son ancien Maire Giorgio La Pira (1951-1957 puis de 1961-1965). Grâce à lui, la ville devient un centre de la paix dans le monde entier, où plusieurs maires de pays étrangers se réunissent et se rencontrent après les désastres causés par la seconde Guerre mondiale, notamment dans le contexte de guerre froide. C’est lui qui fût porteur d’une initiative de paix entre les Etats-Unis et le Vietnam à Hanoï.
C’est dans une résolution de 1971 que l’ONU reconnait le rôle que les villes ont à jouer. Aujourd’hui, il existe plus de 200 réseaux de villes, reconnus au sein du G7. L’année passée pour la première fois lors de la réunion du G7, une réunion ministérielle de développement urbain a eu lieu. L’importance des villes est aujourd’hui primordiale ; bien qu’elles représentent 3% de la surface terrestre, elles abritent la moitié de la population mondiale et produisent 80% du PIB mondial. Elles possèdent parfois la capacité d’action qui fait défaut à certains Etats. Elles peuvent être considéré comme des centres qui encouragent la mondialisation et l’inclusion. C’est peut-être grâce à l’impulsion du Maire Giorgio La Pira, que les villes commencées à jouer un rôle de plus en plus important pour régler les conflits internationaux. L’année dernière a eu lieu la première conférence des maires des pays de la méditerranée, et qui a réunis des pays qui n’entretiennent pas forcément des bonnes relations avec tous leurs voisins.
Cette introduction historique nous fait bien comprendre que les villes ont toujours joué un rôle important dans les échanges commerciaux, sociaux, intellectuels et politiques.
Les villes au XXIe siècle et le réseau Eurocities
« Les villes du XXIe siècle sont les laboratoires d’un nouvel humanisme qui soutient la durabilité sociale et environnementale, tout en favorisant l’échange commercial. » – Dario Nardella
Les villes européennes conservent aujourd’hui cette importante qu’elles ont hérité de leur histoire. C’est ainsi que le réseau des villes européennes s’est mué en celui qu’on connait actuellement : Eurocities. Composé de 200 villes et représentant ainsi plus de 130 millions d’habitant·e·s, ce réseau est partenaire de l’Union Européenne pour « créer un meilleur futur où les gens prennent part à une société inclusive, progressent dans une économie locale et prospère, vivent dans un environnement sain, créent des espaces publics ouverts et dynamiques, où les gouvernements des villes relèvent les défis mondiaux et sont prêts pour l’avenir ».
Les villes ont aujourd’hui des spécificités et sont chacune importante sur la scène internationale, nous pouvons penser à Strasbourg, siège du Conseil de l’Europe ; Bruxelles, siège de l’Union Européenne ; Davos, où se tient le Forum Économique Mondial ; la Haye, qui accueille la Cour Pénale Internationale ; Genève, New-York, Nairobi, qui accueillent des secrétariats de l’ONU, etc., etc.
Outre ces villes sièges de rencontres politiques, on peut penser aux différentes villes qui ont accueilli la signature de traités internationaux, comme les Accords de Paris, le Traité de Lisbonne, la Convention de Rio et bien d’autre.
Les villes sont aussi le lieu de manifestations culturelles, comme les Jeux Olympiques et autres compétitions sportives, mais aussi les Fashion weeks, ou les Convention d’Art (ArtBasel par exemple).
Politiquement et culturellement, les villes représentent une culture, une politique bien précise et elles sont, plus que les pays hôtes, des villes hôtes, mises en valeur pour leurs compétences ou leur culture.
Les villes face aux défis globaux, exemples du XXIe siècle
Les villes ont été rudement mises à l’épreuve durant ces dernières années. C’est en transférant les défis globaux au niveau local que l’on peut envisager de les résoudre.
On n’oublie pas la vague de terrorisme qui a frappé certaines villes européennes durant les années 2015-2016, laissant les villes démunies. En effet, ne possédant pas d’armée, elles ne peuvent se défendre sans l’aide des gouvernements étatiques. Les villes peuvent alors uniquement se défendre en empêchant le plus possible la montée des extrêmes politiques et religieux.
On n’oublie pas non plus l’importance des villes face au réchauffement climatique. Celles-ci ont été le siège des plus grandes manifestations de la période 2019-2020, où des milliers de personnes se sont alors réunis. Ce sont les villes qui produisent la majorité des émissions carbone et qui consomment la majorité des ressources énergétiques. Elles sont le problème, mais elles peuvent également être la solution : en effet, c’est grâce à leurs actions que les objectifs climatiques pourront être atteint n’en déplaise aux gouvernements. C’est une question également très politique, puisque dans le cas de Florence, la ville (de gauche) essaye de prendre des mesures climatiques pour contrer un gouvernement d’extrême droite. Sans les villes, les 17 objectifs 2030 des Nations Unies se révèleront inatteignables. Mais leur importance sur le plan climatique ne s’arrête pas là. Les maires d’Eurocities se sont réunis l’année dernière pour avancer de 10 ans l’objectif de neutralité carbone, de 2050 à 2040.
Et comment parler de défis globaux, sans évoquer la guerre en Ukraine ? En ayant quatre villes membre du réseau, Eurocities joue alors un rôle clé pour ce qui est de la reconstruction durable des villes touchés par la guerre. Les villes ukrainiennes ont besoin des maires européens pour reconstruire leurs structures publiques, comme les hôpitaux ou les écoles. Mais outre les dégâts sur place, il y a aussi le flux migratoire que cause cette guerre à gérer, et donc des milliers de personnes à accueillir. La question migratoire est donc un enjeu important pour les villes européennes, qui subissent les choix politiques mais aussi directement les problèmes que cela peut engendrer. Les maires démocratiques italiens ont donc décidé de former une alliance contre le gouvernement pour contrer leurs décisions migratoires.
Villes et campagnes, un fossé à réparer ?
Voilà plusieurs dizaines de lignes que nous parlons inlassablement des villes et du rôle qu’elle joue sur la scène internationale mais qu’en est-il de la campagne, un peu délaissée du débat ?
Nous aurons touxtes remarqué que les campagnes sont les grandes abandonnées des offres culturelles, intellectuelles, mais aussi de mobilité, comme si elles étaient au second plan par rapport aux villes. Et la question a été posée à Dario Nardella lors de la table ronde. Pour le juriste, l’inclusion des zones rurales dans le futur culturel, intellectuel, politique, économique et commercial est nécessaire, par des actions simples.
À cet effet, nous souhaiterions citer l’exemple des Université de Genève et de Lausanne qui ont ouvert une aile de leurs campus respectif en Valais, à Bramois. Ce cas de figure montre bien que les développements en zone rurales sont possibles et propices à l’économie et à la vie sociale locale dans les campagnes.
Rôle de la FJME
La Fondation Jean Monnet pour l’Europe se place en actrice de la démocratie par sa vision globale des enjeux actuels, grâce à des évènements comme celui-ci où elle projette à un niveau national, mais aussi supranational, les valeurs fondamentales de la solidarité européenne et fait résonner l’importance des villes du continent. Nous souhaiterions encore une fois remercier la FJME pour l’organisation de la conférence ainsi que de notre partenariat.
Dans la même thématique, la rédaction vous propose les articles suivants :
Sources (cliquez sur les titres pour en savoir plus)
Eurocities – objectifs (En anglais)
Le rôle international des villes européennes face aux défis globaux – YouTube (Image de couverture à 1:16:21)