Johann Ludwig Burckhardt – Wikipedia

CHEIKH IBRAHIM IBN ABDALLAH ALIAS JOHANN LUDWIG BURCKHARDT ALIAS JOHN LEWIS L’INCROYABLE HISTOIRE D’UN EXPLORATEUR SUISSE

Nous sommes à Lausanne le 25 novembre 1784, la famille bâloise de Burckhardt se retrouve en vacances chez des amis au lac Léman, quand leur fils Johann Ludwig voit la lumière du jour. Qui aurait pensé à ce moment qu’il deviendrait connu un jour pour ses découvertes au Proche-Orient ? Qui de sa famille aurait pensé qu’après son 21ème anniversaire il ne reverra plus jamais ses parents et ses frères et sœurs ?

LA VISION DE SON PERE

Selon son père, et en tant que descendant d’une des familles les plus riches et puissantes de la Suisse et de Bâle, les plans pour son futur étaient très clairs. Il devait devenir homme d’affaire comme ses ancêtres ou diplomate.

Sa famille a fait fortune avec des usines de ruban de soie et d’expédition et vivait dans un des plus grands et beaux palais de la ville. Toute son enfance il vécut dans la ville de Bâle ou dans la résidence familiale à Bâle-Campagne.

Son père, conservateur et partisan de l’ancien régime, se méfie de la Révolution française et du régime qui a suivi et abouti à la conquête de la Suisse en 1798. Pour ces raisons il envoie ses enfants pour leurs formation et études à Neuchâtel, qui était à l’époque un territoire prussien, épargné les conquêtes de Napoléon.

Historisches Museum Basel – Haus zum Kirschgarten
La résidence au centre de Bâle, aujourd’hui un musée historique pour le « savoir vivre » de la classe supérieure.

Malgré les intentions et décisions du père, le jeune Johann ne se contente pas de suivre les traces de son père et son frère ainé, de rester à Bâle et faire carrière. Après avoir fini ses études à Leipzig en Allemagne et après avoir passé un court séjour à Bâle, Il décide de partir.

COMMENT EST-IL DEVENU EXPLORATEUR ?

À l’âge de 21 ans, en 1805, il part à Londres pour tenter sa chance en tant que diplomate, mais malheureusement il n’arrive pas à trouver un poste. Malgré les recommandations de personnes connues et respectées, les propres descendants des grandes familles anglaises sont favorisés. Comme si cela ne suffisait pas, la guerre sur le continent fait rage et n’arrange pas les choses. L’argent envoyé de Bâle par sa famille n’arrive pas aussi régulièrement depuis que Napoléon a imposé le blocus continental sur les échanges avec la Grande-Bretagne. Il tombe dans des difficultés financières.

Après avoir vécu pendant deux ans dans des circonstances difficiles, son incertitude quant à son futur prend finalement fin grâce à l’« African association » . Grâce à cette dernière, il reçut un poste sous la forme d’une mission de recherche. Il devrait explorer et analyser la route commerciale entre Le Caire et Tombouctou, en accompagnant la caravane dite du « Fessan ». En plus, il lui est demandé de renseigner les Anglais sur les marchés de vente possibles pour les marchandises et les ressources minérales anglaises et, plus généralement, explorer l’intérieur du continent encore largement inconnu. C’est ainsi que son destin en tant qu’explorateur suit son cours et il commence à se préparer sérieusement pendant un an pour les voyages prévus. À Cambridge il n’étudie pas seulement plusieurs matières scientifiques mais aussi les coutumes et la culture des pays arabes et notamment la langue arabe pour pouvoir communiquer et dissimuler ses origines européennes.

En 1809, après ses préparations en Angleterre, il part à Malte et finalement à Alep, où il perfectionne son arabe et son apparence en tant que Cheikh Ibrahim ibn Abdallah. Il s’est fait passer pour un commerçant indien afin de justifier son léger accent et quand il était demandé de parler la langue qui était parlé chez lui en Inde, il répondait en suisse-allemand, ce qui semblait dissiper tout soupçon.

En réalité le suisse-allemand peut paraitre considérablement familiers à l’arabe par sa forte prononciation du « ch ».

Il a dû faire cette transformation pour gagner la confiance des tribus bédouines et d’autres groupes musulmans, il est même allé jusqu’à mémoriser le Coran par cœur et de se convertir à l’islam.

De nos jours, il est difficile d’imaginer tous les efforts et le temps qu’il a consacré pour sa préparation, mais il ne faut pas oublier qu’à l’époque le Proche-Orient était un terrain inconnu pour les européens et c’était aussi très dangereux d’y aller en tant qu’explorateur, parce que les arabes s’inquiétaient des raids et des destructions de leurs sites culturels. Cela peut aller jusqu’à être fait prisonnier ou tué. Les dangers naturels comme des maladies ou tempêtes en mer étaient également mortels.

LA REDECOUVERTE DE LA CITE ROCHEUSE DE PETRA

En 1812, il part d’Alep pour chercher des lieux anciens dont il a entendu parler. Une cité mystérieuse perdue depuis 500 ans. Il réussit à retrouver, cette dernière qui s’appelle Petra, et il est le premier européen à y mettre les pieds. Malheureusement, il resterait que quelques minutes là-bas, mais déjà arrivé à ce point était une entreprise difficile, car il a dû convaincre ses compagnons indigènes de ses bonnes intentions de ne pas y vouloir enlever ou détruire des choses. Comme on a vu dans le paragraphe ci-dessus le danger était trop important et il a dû partir avant de commencer à découvrir car ses compagnons se méfiaient des voyageurs étrangers. Mais sa découverte a été d’une immense valeur pour la postérité scientifique. Mais cela ne resterait pas sa seule, en 1814 il découvert par hasard les colonnes monumentales du Temple d’Abou Simbel en Égypte. En plus il était le premier européen à faire le pèlerinage à Mecque et Médina et documenter les lieux saints de l’Islam.

Pétra, la cité perdue aux mille visages | National Geographic
Petra, la cité rocheuse, suitée aujourd’hui en Jordanie. (Source : National Geographic)

QUE RESTE-T-IL POUR LA POSTERITE ?

Néanmoins, pour lui ces études ethnologiques restaient plus importantes que ses découvertes physiques. Il a consacré la plupart de ses écrits aux études des individus, de leurs relations et de leurs mœurs, car il restait longtemps dans les différentes communautés et il faisait de son mieux pour s’intégrer. Surtout, ses récits et descriptions de ses séjours chez les bédouins sont devenus des sources très importantes au XIXe siècle pour la cartographie et l’ethnographie. Jusqu’à aujourd’hui dans les milieux scientifiques ses mémoires restent très respectés et sont surtout pour les chercheurs du Moyen-Orient une lecture incontournable. Son histoire et sa personne fascinent les gens et des articles comme des livres sont publiés encore aujourd’hui. Mais son héritage ne reste pas sans critiques, même à l’époque de son vivant il avait déjà des ennemis qui dans leurs écrits racontaient qu’il avait de la peine à s’intégrer et qu’on remarquait directement qu’il était un étranger. Malgré ce fait il reste autour de 600 livres, écrits et lettres qui témoignent de son travail qu’il a poursuivra jusqu’à la fin de sa vie. Ici, son troisième nom qui entre dans le jeu, John Lewis. Parce qu’il était engagé d’une association anglaise et il faisait ses études à l’université de Cambridge, ses écrits étaient publiés après son décès sous le nom de John Lewis.

SA FIN TRAGIQUE AU CAIRE

En 1815, pendant un voyage en caravane à Medine, Burckhardt tombe gravement malade, probablement de dysenterie, dont il ne s’est jamais complètement remis. Il retourna ensuite au Caire, d’où il partit en 1812, car son voyage initial avec la caravane de Fessan n’était pas possible, car ce dernier n’était pas revenu depuis des années. La même image est apparue en 1816 et Burckhardt attendait toujours son départ lorsque la peste a éclaté au Caire. Il partait de nouveau de la ville jusqu’en automne 1817 où il recevrait des nouvelles qu’un groupe de pèlerins maghrébins voulait commencer le chemin de retour depuis la Mecque via Le Caire jusqu’au Fessan. La caravane était attendue au Caire en décembre et Burckhardt prévoyait de les rejoindre. Il a estimé que ce voyage prendrait environ trois ans.

Scheich Ibrahim – der Schweizer der die Felsenstadt Petra wiederentdeckte |  House of Switzerland
Le Tombeau de Cheik Ibrahim au Caire (Source : House of Switzerland)

Malheureusement, il tombe de nouveau gravement malade en octobre de la même année, et s’éteint le 15 octobre au Caire à l’âge de 32 ans. Il n’avait ni femme ni enfant. En plus depuis son arrivée en 1809 il n’est plus retourné en Europe et depuis son arrivée à Londres en 1805 il n’est plus jamais retourné à Bâle. Il n’a jamais revu sa famille, avec laquelle il correspondait régulièrement tout au long de ses voyages d’études.

Si vous êtes intéressés par cette histoire je vous recommande vivement de visiter le musée « Haus zum Kirschgarten » à Bâle, la maison d’où Burckhardt vivait son enfance où de lire un des nombreux livres publiés sur lui.

Sebastian Hügi
Sebastian Hügi
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SOURCES (cliquez sur les titres pour en savoir plus)

University of Cambridge: The man who discovered a ‘lost’ wonder of the world

House of Switzerland: Cheikh Ibrahim

Issu : Merian Verlag

Musée « Haus zum Kirschgarten »

SRF : Der Basler Scheich

Wikipedia : Johann Ludwig Burckhardt

Documentaire : Scheich Ibrahim (en allemand)

Image de couverture : Wikipedia